Rentrée littéraire 2018
Les littératures venant du monde noir occuperont une place privilégiée dans cette rentrée littéraire. Voici quelques incontournables qui feront le bonheur des littératures issues de l'afrique, la Caraïbe et des Amériques noires.
Avec une quarantaine de nouveaux titres, le monde noir d'afrique, des Antilles et d'amérique ne passera pas inaperçu en ce moment de rentrée littéraire. Parmi les têtes d'affiche cette année, le Francocongolais Alain Mabanckou, le Sud-africain JM. Coetzee, l'egyptien Alaa El Aswany ou encore la Britannique de père Jamaïcain Zadie Smith et les Algériens Boualem Sansal et Yasmina Khadra, qui reviennent sur le devant de la scène avec des récits forts, émouvants et en prise avec les violences et les dysfonctionnements de nos sociétés mondialisées. Mais ce sont les primo-romanciers qui risquent de faire l'événement cette année avec leurs textes de grande qualité, prometteurs d'un avenir fécond. Cette rentrée littéraire compte aussi des essais, des mémoires remarquables par quelques-unes des grandes plumes du monde noir telles que Ta-nehisi Coates, Souleymane Bachir Diagne, Henri Lopes, Dany Laferrière.
Le Mabanckou nouveau est arrivé !
Alain Mabanckou est une des têtes d’affiche de cette rentrée littéraire 2018. Tous les médias se l’arrachent, réclamant l’interview de la star en exclusivité. Il faut dire que Les cigognes sont immortelles, ce nouveau roman sous la plume d’un des auteurs les plus en vue des lettres africaines, est un modèle de perfection avec son écriture à la fois maîtrisée et ambitieuse. L’auteur de Black Bazar et de Verre cassé entraîne ses lecteurs dans le tohu-bohu de Pointe-noire, ville du Congo-brazzaville dont il est originaire. A travers la grille de lecture d’un narrateur adolescent au regard naïf, le roman restitue le tohu-bohu de l’afrique post-coloniale où les grandes puissances tirent les ficelles de la vie politique et dont la violence ne manque pas de bouleverser la vie des petites gens.
A la fois récit d’apprentissage et récit historicopolitique, ce roman marque peut-être un tournant dans la carrière déjà très riche de son auteur Francocongolais qui veut donner désormais à son oeuvre une orientation plus engagée. « Je ressens le besoin de dire ce qu’est mon continent et comprendre pourquoi il va à la dérive », déclare-t-il dans une vidéo de présentation de son nouvel opus.
Les cigognes sont immortelles, par Alain Mabanckou. Editions du Seuil, 301 pages, 19,50 euros. Parution le 16 août 2018.
David Diop raconte l’aventure ambiguë des enrôlés de force africains dans la Première Guerre mondiale
Un premier roman émouvant sur la bravoure et la le désarroi des tirailleurs sénégalais sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale.ed. du Seuil Les tirailleurs sénégalais sont les oubliés des célébrations cette année de la fin il y a cent ans, de la Première Guerre mondiale. Le beau et puissant premier roman du Franco-sénégalais David Diop, intitulé Frère d’âme vient rappeler le rôle joué par les contingents africains sur les champs de bataille en Europe de l’ouest pour hâter la fin de cette première boucherie de l’ère moderne.
Alpha Ndiaye et Mademba Diop ont 16 ans quand ils débarquent en Europe pour combattre sous le drapeau français. Le roman s'ouvre sur un drame : Mademaba tombe, blessé à mort et demande à son ami d’enfance de lui couper la gorge pour mettre fin à sa souffrance. Alpha refuse, mais finira par obtempérer. Puis, il portera dans ses bras le cadavre de son ami d’enfance jusqu’à la prochaine tranchée. Se retrouvant désormais seul dans la folie du grand massacre, Alpha perd la raison et distribue la mort, semant l’effroi. Il tranche les chairs ennemies, estropie, décapite, éventre. Sa sauvagerie scandalise, entraînant son évacuation…
Né à Paris de parents franco-sénégalais et maître de conférences à l’université de Pau, David Diop a déclaré que son livre est né de l’émotion qu’il a ressentie en lisant des lettres de poilus. Mais les tirailleurs n’ont pas laissé de lettres. Partant des documents de l’époque, il a imaginé la bravoure, le racisme, le désarroi, la folie… Cela donne un récit évocateur, époustouflant de lucidité d’analyse et d’humanité.
Frère d’âme, par David Diop. Editions du Seuil, 176 pages, 17 euros. Parution le 16 août 2018.
Les heurs et malheurs de la société multiculturelle, avec Zadie Smith
Le prologue sur lequel s’ouvre Swing Time, le cinquième roman de la Britannique Zadie Smith, est révélateur du talent et de la maturité de son auteur. Il résume en une poignée de pages la leçon morale de ce récit et les drames intérieurs qui ont conduit le personnage-narrateur à un moment-clef de sa vie d’adulte. Réfugiée dans un appartement londonien, loin des turbulences du monde qu’elle fuit, la narratrice surfe sur le Net, et tombe sur un extrait de Swing Time (film avec Fred Astaire en rôle principal auquel le roman de Smith emprunte son titre). Elle comprend tout d’un coup le sens de ce film qu’elle avait si souvent regardé pendant son adolescence pour la beauté de la danse, sans avoir compris la moquerie et le racisme derrière « les yeux écarquillés, les gants blancs, le sourire à la Bojangles » d’un Astaire grimé en Noir ! C’est un grand moment de saisissement et de prise de conscience de soi. Jamaïcaine par sa mère et anglaise par son père, Zadie Smith s’est fait connaître en 2000 en faisant paraître son premier roman Sourires de Loup qui est une saga tragi-comique du Londres multiculturel. Devenue romancière emblématique de l'angleterre multiculturelle, avec à son actif des romans, des essais, des nouvelles, elle raconte dans Swing Time, l’histoire de deux jeunes filles métisses grandissant dans un quartier populaire de Londres. Elles ont en commun le rêve chevillé au corps de devenir des danseuses. La vie en décidera autrement. Swing Time, par Zadie Smith. Traduit de l’anglais par Emmanuelle et Philippe Aronson. Collection « Du monde entier », éditions Gallimard, 471 pages, 23,50 euros. Parution le 16 août 2018.