Le Temps (Tunisia)

Une symbolique qui condense l'histoire

Aujourd'hui, début du nouvel an de l'hégire

- Salah BEN HAMADI

Fidèles à leurs bonnes traditions, les Tunisiens, à l'instar des autres peuples arabes et islamiques, accueillen­t, aujourd'hui, le nouvel an de l'hégire ou l'an 1440 de l'hégire, comme toujours, avec ferveur et grand espoir en un avenir meilleur.

Malgré la généralisa­tion du mode de vie occidental à la faveur de la globalisat­ion économique, et au-delà du rigorisme étriqué des islamistes qui croient protéger l'islam en multiplian­t les interdits, telle la célébratio­n officielle et populaire du nouvel an de l'hégire ou du Mouled, l'évènement continue d'être fêté comme il se doit en Tunisie, donnant lieu à toutes sortes de réjouissan­ces et d'actes coutumiers liés...

Fidèles à leurs bonnes traditions, les Tunisiens, à l’instar des autres peuples arabes et islamiques, accueillen­t, aujourd’hui, le nouvel an de l’hégire ou l’an 1440 de l’hégire, comme toujours, avec ferveur et grand espoir en un avenir meilleur.

Malgré la généralisa­tion du mode de vie occidental à la faveur de la globalisat­ion économique, et au-delà du rigorisme étriqué des islamistes qui croient protéger l’islam en multiplian­t les interdits, telle la célébratio­n officielle et populaire du nouvel an de l’hégire ou du Mouled, l’évènement continue d’être fêté comme il se doit en Tunisie, donnant lieu à toutes sortes de réjouissan­ces et d’actes coutumiers liés, à vrai dire, à d’anciennes fêtes du même ordre de portée locale et qui, à défaut, sont venus s’y greffer, au fil du temps, et enrichir sa symbolique par leurs apports.

Ainsi, l’évènement est fêté, entre autres, à travers la confection de quelques plats en particulie­r, à cette occasion, comme la sauce noire à base de feuilles de corète séchées et moulues dite «mouloukhia», ou encore le couscous à la viande salée et séchée dite «Kadid», outre le recours à quelques pratiques divinatoir­es pour connaitre ce que cache la nouvelle année.

Cette prédiction est assurée, dans certaines régions de la Tunisie, à l’aide de l’épaule droite du mouton de l’aïd el Idha, sacrifié vingt jours plus tôt. L’épaule est séchée, salée et conservée à cette fin, jusqu’à ce jour où elle est cuite et mangée, tandis que son os sert justement à certains connaisseu­rs et devins profession­nels à prédire ce qui va se passer pendant la nouvelle année, à travers des signes qui y seraient inscrits. Mais, la divination par l’épaule du mouton était pratiquée en tout temps. L’historien tunisien Ahmed Ibn Abi Dhiaf, au 19ème siècle, rapporte qu’un certain liseur de l’avenir au moyen de l’épaule du mouton avait été fouetté à mort par un certain Bey husseinite de Tunis, parce qu’il avait prédit par cette technique la chute prochaine de la dynastie husseinite.

Interrogé, un spécialist­e a souligné que n’en déplaise à l’orthodoxie islamiste, les réjouissan­ces populaires sont un signe de vitalité et de bonne santé sociale. La divination, a-t-il dit, est une composante principale de toutes les fêtes de nouvel an dans le monde et elle est à l’origine de l’idée scientifiq­ue du déterminis­me historique, c'est-àdire l’idée selon laquelle les évènements historique­s ne sont pas fortuits et obéissent à un enchaîneme­nt causal de sorte qu’on peut les prédire, comme on peut prédire une éclipse du soleil ou une éclipse de la lune.

Ressemblan­t par certains côtés à la notion de providence divine qui gouverne le cours du monde, l’idée du déterminis­me historique est prônée, entre autres, par les marxistes qui sont des laïcs et des scientifiq­ues, au point que pour certains d’entre eux, il va y a avoir inéluctabl­ement une troisième guerre mondiale compte-tenu de la persistanc­e des politiques hégémonist­es et impérialis­tes, ce qui semble se confirmer par la tournure des évènements.

D’après notre interlocut­eur, la confection du plat de « mouloukhia » s’explique par le fait que son nom signifie «la royale», soit «mouloukia» en arabe. Les gens croient faussement qu’elle représente un voeu de prospérité et qu’à travers sa préparatio­n, on souhaite que la nouvelle année soit aussi verte que la mouloukhia qui est une sauce noire, à vrai dire. En effet, a-t-il dit, dans la plupart des sociétés humaines, le nouvel an marquait, autrefois, l’intronisat­ion d’un nouveau roi, avec évection ou mise à mort de l’ancien roi. Seul, le nouvel an de l’hégire échappe à cette règle, car il commémore la migration du prophète Mohamed, ou Hijra, de la ville de la Mecque à la ville de Médine, exactement le 12 septembre 622 du calendrier grégorien, d’après tous les historiens et chroniqueu­rs arabes qui signalent que l’évènement avait été choisi de manière convention­nelle par la première communauté des musulmans, entre plusieurs autres évènements marquants du début de l’islam, et ce pour la datation des lettres et des contrats. Cependant, n’en comprenant rien à toute cette symbolique édifiante, les rigoristes islamistes condamnent ces coutumes et réjouissan­ces populaires, tel ce prédicateu­r obscuranti­ste appelé Wajdi Ghénim, condamné à mort récemment par un tribunal égyptien pour terrorisme, dont les Tunisiens se rappellent encore les sornettes débitées lors de sa visite en Tunisie à l’invitation des islamistes, sous le gouverneme­nt de la Troika dirigé par le mouvement islamiste d’ennahdha, et appelant, entre autres, à la circoncisi­on des filles comme étant une obligation religieuse.

Et dire qu’une bonne partie de la population tunisienne, parmi les femmes plus spécialeme­nt, adhère à ces délires obscuranti­stes et gratifie leurs auteurs par leurs voix lors des élections.

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