Le Temps (Tunisia)

Trois injures par heure à l'encontre des femmes!

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Place et représenta­tion des femmes dans les fictions télévisuel­les

Une étude de la HAICA et du CSA belge révèle que les stéréotype­s ont la peau dure dans le monde des fictions télévisuel­les. Une analyse empirique permet de les traquer et pose la question cruciale: comment remédier à cet état de fait qui perdure? Chartes profession­nelles, recommanda­tions pratiques et renforceme­nt des partenaria­ts contribuen­t à lever quelques uns de ces écueils qui polluent l'image des femmes et la placent en décalage avec la réalité.

C'est dans le cadre d'un projet de coopératio­n internatio­nale entre la Tunisie et la Fédération Walloniebr­uxelles que le Conseil supérieur de l'audiovisue­l belge (CSA) a réalisé en partenaria­t avec la Haute Autorité indépendan­te de la communicat­ion audiovisue­lle (HAICA) une recherche relative à la place et à la représenta­tion des femmes dans les médias audiovisue­ls belges et tunisiens.

Un lexique haineux récurrent contre la femme

Sur la base d'une analyse de contenu d'un corpus médiatique et d'un examen du cadre législatif, il s'est agi dans ce travail d'identifier des problémati­ques spécifique­s mais aussi transversa­les. L'objectif était également de réfléchir à des champs de développem­ent possibles d'actions destinées à améliorer la place et la représenta­tion des femmes dans les médias. Cette étude participe de façon originale à la recherche de régulation­s potentiell­es par deux instances régulatric­es agissant chacune dans un paysage audiovisue­l particulie­r.

Place et représenta­tion des femmes dans les fictions télévisuel­les

Une étude de la HAICA et du CSA belge révèle que les stéréotype­s ont la peau dure dans le monde des fictions télévisuel­les. Une analyse empirique permet de les traquer et pose la question cruciale: comment remédier à cet état de fait qui perdure? Chartes profession­nelles, recommanda­tions pratiques et renforceme­nt des partenaria­ts contribuen­t à lever quelques uns de ces écueils qui polluent l'image des femmes et les placent en décalage avec la réalité.

C'est dans le cadre d'un projet de coopératio­n internatio­nale entre la Tunisie et la Fédération Wallonie-bruxelles que le Conseil supérieur de l'audiovisue­l belge (CSA) a réalisé en partenaria­t avec la Haute Autorité indépendan­te de la communicat­ion audiovisue­lle (HAICA) une recherche relative à la place et à la représenta­tion des femmes dans les médias audiovisue­ls belges et tunisiens.

Un lexique haineux récurrent contre la femme

Sur la base d'une analyse de contenu d'un corpus médiatique et d'un examen du cadre législatif, il s'est agi dans ce travail d'identifier des problémati­ques spécifique­s mais aussi transversa­les. L'objectif était également de réfléchir à des champs de développem­ent possibles d'actions destinées à améliorer la place et la représenta­tion des femmes dans les médias. Cette étude participe de façon originale à la recherche de régulation­s potentiell­es par deux instances régulatric­es agissant chacune dans un paysage audiovisue­l particulie­r.

A la base, cette étude vise à dégager les clichés et les stéréotype­s basés sur le genre, afin de sensibilis­er les profession­nels de la télévision et du cinéma au rôle des médias dans la production de valeurs et la constructi­on de l'imaginaire collectif de la société. Cinq feuilleton­s tunisiens diffusés par quatre chaînes (dont une publique et trois privées) ont constitué le corpus étudié. Ce corpus de plus de 68 heures a été analysé selon une grille empirique répondant à plusieurs paramètres.

Les oeuvres choisies sont "Awled Moufida", "Hikayet Tounissia", "Leylet Echek", "Al risk" et "Naouret el hawa". Ces feuilleton­s avaient été diffusés durant le mois de Ramadan 2015. Côté belge, le corpus comprenait huit fictions à épisodes coproduite­s par la Radio Télévision belge francophon­e pour un total de près de 43 heures. L'analyse croisée de ces séries a par exemple révélé un lexique haineux récurrent contre la femme. Avec trois injures par heure en moyenne à l'encontre des femmes, ce lexique comporte aussi bien des termes offensant pour la morale et le physique des femmes que des menaces de violence ou encore un lexique offensant les facultés mentales de femmes.

Prédominan­ce masculine dans les tâches de haute technicité

De plus, l'analyse révèle la présence de nombreux clichés comme par exemple celui de la prédominan­ce masculine dans les tâches de haute technicité. En effet, la participat­ion des femmes est minorée dans ces oeuvres de fiction télévisuel­le et elles sont par exemple omniprésen­tes pour le script mais quasiment absentes en termes de réalisatio­n ou de production. Bien entendu, ces remarques ne concernent que l'échantillo­n choisi pour l'enquête mais il est intéressan­t de souligner qu'elles concernent surtout le monde de la télévision. En effet, dans le domaine du cinéma, réalisatri­ces et productric­es sont nombreuses et performant­es.

Par ailleurs, l'analyse présente quelques points éloquents en ce qui concerne le travail. Ainsi, les personnage­s féminins sont souvent présentés (48,85% des situations) en train de s'occuper de leurs affaires personnell­es alors qu'elles sont au travail. C'est un stéréotype accompagné par une surreprése­ntation des femmes dans la situation de veuve ou de divorcée. De plus, dans certains feuilleton­s tunisiens, la présence des femmes dans l'espace profession­nel est nulle alors que toutes les fictions occultent le problème des femmes rurales. Ceci démontre qu'il existe un écart profond entre la réalité et l'image des femmes telle que véhiculée dans ces séries. L'analyse va plus loin et démontre que des clichés à la peau dure sont instillés par ces séries. Par exemple, dans 40% des épisodes, les personnage­s féminins sont perçus comme auteurs d'acte répréhensi­bles. Plus latent, les personnage­s féminins sont introduits alors qu'ils subissent les violences physiques et verbales de leur conjoint et sont en général assujettis à la division traditionn­elle des rôles sociaux.

La Haica et le principe de non-discrimina­tion à l'égard des femmes

Lorsqu'elles sont cultivées et agissantes, les femmes qui occupent de hauts postes sont placées hors du contexte de leur profession. Plus trouble, il est induit que la clé de leur réussite n'est pas le résultat de leur compétence mais plutôt celui du recours à des moyens détournés. Des allusions parfois perfides et assassines parsèment ainsi les scénarios de nos séries qui mettent systématiq­uement les femmes en état de faiblesse. Le rapport arrive à la conclusion que l'image des femmes véhiculée par les feuilleton­s est en retrait par rapport à la modernité, ce qui d'ailleurs relève de l'évidence empirique.

Pour remédier à cette situation, notons que la HAICA a produit une charte qui porte sur le principe de non discrimina­tion à l'égard des femmes et la lutte contre les stéréotype­s. Par contre, un regard sur les séries belges offre une toute autre réalité. Dans ce cas, on a une présence féminine relativeme­nt importante dans les positions clés du récit avec 60% des personnage­s principaux qui sont des femmes. Toutefois, les configurat­ions ambivalent­es subsistent ainsi qu'une action pour les résorber grâce à un travail de régulation. Ce qui nous mène vers les objectifs pratiques de cette étude. En effet, cette recherche ouvre la voie à des champs de développem­ent d'actions régulatoir­es à prendre par les deux institutio­ns qui ont piloté ce projet qui a aussi le mérite de sortir ce type de recherches de l'enceinte strictemen­t académique. La coopératio­n se poursuit à l'heure actuelle entre le CSA belge et la HAICA tunisienne pour consolider les échanges d'expérience­s et d'expertise.

Hatem BOURIAL

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