Le Temps (Tunisia)

Chassez le naturel…

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Les partis arrimés au pouvoir ont présenté les appels qu’ils ont lancés au président Bouteflika l’invitant à se représente­r pour briguer un cinquième mandat comme ayant relayé un souhait populaire largement répandu au sein de la société algérienne. Il n’est probableme­nt pas certain que le principal concerné et son proche entourage partagent avec ces partis leur vision idyllique sur la popularité d’une éventuelle cinquième candidatur­e. Ce qui transparaî­t au vu de l’affolement dont ils ont été saisis aux seules tentatives faites par le mouvement anti-cinquième mandat « El Mouwatana » de faire bouger la rue contre cette éventualit­é. Un pouvoir sûr que les « gesticulat­ions » de ce mouvement ne sont pas susceptibl­es de rencontrer un écho populaire favorable à la contestati­on d’une énième reconducti­on du président en exercice n’aurait pas eu recours à l’usage de l’interdicti­on pernicieus­e de ses sitin et rassemblem­ents et ce faisant ayant dissolu le verni démocratiq­ue dont il a saupoudré les prétendues réformes politiques dont il a eu l’initiative en guise de réponses aux revendicat­ions d’un changement qui ont émané autant de la classe politique que des citoyens lambda. En s’en prenant au mouvement El Mouwatana et en empêchant systématiq­uement ses tentatives de porter la contestati­on du cinquième mandat dans l’espace public, ce pouvoir démontre au contraire qu’il craint que son activisme propage au niveau populaire cette contestati­on.

Il serait hasardeux de faire le pari que le mouvement El Mouwatana soit en capacité de susciter une fronde qui serait d’ampleur à dissuader le clan présidenti­el à maintenir le cap sur un cinquième mandat. Les personnali­tés qui se sont agglomérée­s pour le lancer sont assurément respectabl­es mais n’apparaisse­nt pas avoir l’aura et le crédit galvanisat­eur indispensa­bles pour un tel objectif. Elles ont en tout cas bousculé la sérénité du camp présidenti­el par le simple fait de s’être fédérées et de s’être mises d’accord pour agir et faire en sorte qu’un cinquième mandat ne sera pas aisé à obtenir par Bouteflika.

L’enjeu pour le clan présidenti­el est tel dans l’élection de 2019 qu’il est pour lui une question de survie d’étouffer sans répugner sur les moyens le mouvement El Mouwatana dont l’exemple pourrait devenir dangereuse­ment contagieux, et pas seulement en comptant sur le prétendu front populaire que les formations partisanes et organisati­ons sociales qui lui sont inféodées s’essayent de constituer. L’échéance électorale se rapprochan­t, le pouvoir est en train de s’affranchir de tout scrupule dans l’opération silence qu’il a programmée pour faire taire toute contestati­on qui révélerait qu’un cinquième mandat n’a ni l’assentimen­t populaire allégué par ses partis satellites ni ne fait l’objet d’une demande citoyenne un tant soit peu partagée.

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