Dernière ligne droite pour les négociations
Brexit
Londres et Bruxelles doivent trouver un accord d'ici à la minovembre. Et ils ne seront pas au bout de leurs peines...
Aux Britanniques excédés par plus de 27 mois de débats sur le Brexit, toujours plus confus et techniques, les trois mois à venir pourraient enfin apporter un début de clarté. Car les négociations entrent - enfin ! - dans la dernière ligne droite. Le sommet européen de Salzbourg (Autriche), qui s’est s'achevé hier, a permis de préciser le calendrier des ultimes discussions entre Londres et Bruxelles. Outre-manche, beaucoup se réjouissent d'entrevoir le bout du tunnel. Depuis le début de la campagne pour le référendum sur la sortie de L'UE, le 23 juin 2016, le journal télévisé de la BBC présente, chaque soir ou presque, un reportage consacré au Brexit. Le lendemain, le même sujet domine souvent les émissions matinales à la radio. Sans surprise, 6 Britanniques sur 10, dans un récent sondage, se reconnaissent dans la formulation suivante : "Je ne m'intéresse plus à la question de savoir comment et quand nous quitterons l'union européenne. Je veux seulement que la question soit réglée une fois pour toutes."
Un calendrier, une méthode
A défaut d'avoir bouclé les négociations sur les termes du divorce, prévu le 29 mars 2019, Londres et Bruxelles sont d'accord sur le calendrier et la méthode à appliquer. Les conditions exactes de la sortie du Royaume-uni de L'UE devraient être approuvées les 13 et 14 novembre, lors d'un sommet extraordinaire consacré au Brexit. Quoique les pessimistes évoquent déjà une réunion de rattrapage, en décembre... Londres et Bruxelles ont déjà trouvé des compromis sur la plupart des problèmes liés à leur rupture, notamment sur les contours de la facture à régler par le Royaume-uni. A présent, il leur reste trois mois pour négocier les principaux points de divergence toujours en suspens.
L'un des plus délicats a trait aux moyens destinés à éviter le retour d'une frontière physique entre la province britannique de l'irlande du nord, d'une part, et la République d'irlande, d'autre part.
L'autre sujet controversé, et non des moindres, tient à la nature des futures relations économiques et commerciales entre le Royaumeuni et les Vingt-sept : Londres souhaite accepter une libre circulation des marchandises, des services et des capitaux, mais pas des personnes. Bruxelles refuse de saucissonner ainsi les règles du marché intérieur européen.
"Il y aura des moments difficiles"
Emmanuel Macron a insisté hier à Salzbourg sur l'importance pour les Européens de rester "groupés" à l'approche de la dernière ligne droite : "Il y aura des moments difficiles, a prévenu le président français, mais nous devons pour le court, le moyen et le long terme défendre les intérêts de l'union européenne".
Si les négociations échouent, "ce serait difficile pour l'europe, mais ce serait terrible pour le Royaume-uni", a prévenu le chancelier autrichien Sebastian Kurz. De fait, un divorce sans accord compromettrait la survie politique de Theresa May, la première ministre britannique. Voilà plus de deux ans que le Brexit agit à la manière d'un virus informatique dans la vie politique et dans la société outre-manche. Le sujet coupe en deux le pays et, tout particulièrement, le parti conservateur de Theresa May. La cheffe du gouvernement est contestée par la frange eurosceptique, voire europhobe de son mouvement : l'ex-ministre des Affaires étrangères, l'impétueux Boris Johnson, n'hésite pas à comparer son plan pour le Brexit à "un suicide". Résultat : à la négociation en cours, entre Bruxelles et Londres, s'ajoutent des marchandages incessants à Londres même.
A Bruxelles, chacun comprend que ces bisbilles représentent un obstacle politique de taille pour Theresa May, qui s'est engagée à solliciter un vote du Parlement sur les conditions du Brexit. Ce n'est pas un hasard si le principal négociateur de L'UE, Michel Barnier, multiplie depuis peu les communiqués aux termes vagues, parlant de "dialogue utile" et de "progrès".
A l'approche du congrès du Parti conservateur, réuni du 30 septembre au 3 octobre prochain, nul doute que Michel Barnier cherche à se faire discret : il ménage ainsi un espace de négociation pour la cheffe du gouvernement britannique, chahutée par les extrémistes et ambitieux de tous bords.
Si un accord est bel et bien conclu à la mi-novembre, Theresa May saura-t-elle emporter ensuite l'adhésion d'une majorité de parlementaires à Londres ? Les paris sont ouverts. La première ministre n'a ni l'autorité ni l'intelligence politique d'une Margaret Thatcher, loin s'en faut. Or une cinquantaine d'élus de son propre parti seraient d'ores et déjà hostiles à son plan pour le Brexit. Et le salut ne viendra pas de l'opposition: le leader du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, cultive une savante ambiguïté sur la question européenne.
Le scénario noir
Si Theresa May parvient à arracher une majorité au Parlement, tout ira bien. D'autant qu'une période de transition, longue de 21 mois, est prévue après l'échéance du 29 mars 2019, afin de régler les derniers détails de l'accord.