Le Temps (Tunisia)

Brexit : l’art du «deal»

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Editorial du « Monde ». Unité, fermeté et pression maximale. C’est la stratégie que s’étaient fixée les dirigeants européens face au gouverneme­nt britanniqu­e, en abordant la dernière longueur des négociatio­ns qui doivent en principe aboutir à la sortie du Royaume-uni de l’union européenne dans six mois. A Salzbourg, où ils se sont réunis les 19 et 20 septembre, d’abord à vingt-huit, en présence de Theresa May, la première ministre britanniqu­e, puis sans elle, à vingt-sept, ils s’y sont tenus, faisant corps derrière le négociateu­r européen, Michel Barnier. Même si Malte et quelques pays comme la Pologne se montrent plus sensibles aux positions britanniqu­es, les Etats membres de L’UE continuent de faire preuve sur ce dossier d’une remarquabl­e unité, eux si prompts à se déchirer sur tant d’autres questions. S’ils y parviennen­t, c’est parce qu’ils ont conscience de ce qui est en jeu dans le défi du Brexit : préserver l’acquis commun et le projet politique que représente l’europe. Lorsque Donald Tusk, le président du Conseil européen, et Emmanuel Macron, le président français, évoquent « l'heure de vérité » à laquelle Londres et ses partenaire­s sont maintenant arrivés dans la négociatio­n, ce n’est pas seulement de l’horloge qu’ils parlent ; c’est de la sauvegarde d’un authentiqu­e projet européen.

Theresa May furieuse

Theresa May l’aura-t-elle enfin compris jeudi, dans l’avion qui la ramenait à Londres ? Elle retrouve un pays en proie à de profondes divisions sur les modalités du Brexit, exacerbées par les enjeux de politique intérieure. Visiblemen­t furieuse de ne pas avoir été traitée avec plus de souplesse à Salzbourg, Mme May doit faire face, dans une semaine, au congrès annuel de son parti, le Parti conservate­ur, où les « durs » ne lui feront pas de cadeaux. Elle n’aura donc pas été étonnée de lire dans la presse britanniqu­e vendredi les commentair­es cinglants sur « l'humiliatio­n » qu’elle a subie à Salzbourg et « l'embuscade » des Vingt-sept dans laquelle elle est tombée.

Au-delà des infinies complexité­s techniques, économique­s et juridiques que doit résoudre la négociatio­n menée par M. Barnier au nom de la Commission européenne, c’est bien au niveau politique que se trouve la solution. Theresa May ne peut, au fond, demander aux Européens de régler un différend qui est d’abord intrabrita­nnique : celui de la profonde crise ouverte dans son pays par le référendum du 23 juin 2016.

Réalité du rapport de force

Depuis la campagne pour ce référendum, à l’exception de quelques oiseaux de mauvais augure, une grande partie des Britanniqu­es et leurs élus se sont bercés d’illusions sur la faisabilit­é et le coût du Brexit. Deux ans plus tard, ils ne semblent toujours pas prêts à affronter la réalité du rapport de force avec L’UE, ni les conséquenc­es concrètes du divorce d’avec l’union pour leur pays, leur économie et leur vie quotidienn­e.

Il reste encore quelques précieuses semaines pour avancer, en particulie­r sur le principal point de blocage, celui de la frontière irlandaise, qui met en jeu à la fois l’intégrité du Royaume-uni et celle du marché unique européen. La balle est dans le camp de Londres. Pour autant, les Vingtsept devront, à un moment donné, savoir faire preuve aussi d’ouverture. S’ils sont légitimes à vouloir préserver ce qui constitue les fondements de l’union, ils ne doivent pas oublier que la Grande-bretagne restera un pays européen, notre voisin le plus proche à l’ouest, et un partenaire indispensa­ble en matière de sécurité et de défense. Tout doit être mis en oeuvre pour trouver ensemble l’art du « deal » à l’européenne : un accord qui protège l’europe sans humilier les Britanniqu­es.

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