Les islamistes subiront seuls désormais l'usure du pouvoir
Fin du consensus Ennahdha-nidaa Tounes
Le président de la République Béji Caïd Essebsi a annoncé, lundi soir, la rupture du consensus entre le parti Nidaa Tounes, dont il est le fondateur, et le mouvement islamiste Ennahdha.
«La relation entre Béji Caïd Essebsi et Ennahdha est terminée depuis la semaine dernière. C'est Ennahdha qui l'a voulu», a-t-il affirmé dans un entretien accordé à la chaîne privée El Hiwar Ettounsi.
Le président de la République Béji Caïd Essebsi a annoncé, lundi soir, la rupture du consensus entre le parti Nidaa Tounes, dont il est le fondateur, et le mouvement islamiste Ennahdha.
«La relation entre Béji Caïd Essebsi et Ennahdha est terminée depuis la semaine dernière. C’est Ennahdha qui l’a voulu», a-t-il affirmé dans un entretien accordé à la chaîne privée El Hiwar Ettounsi.
«Le consensus et la relation entre Ennahdha et moi sont arrivés à leur terme lorsqu’ils ont choisi de former une autre alliance avec (le Premier ministre) Youssef Chahed», a-t-il aussi déclaré. Et d’ajouter : «Ils ont choisi ce chemin. Je leur souhaite bon vent». Visiblement amer, le locataire du palais de Carthage semble regretter d’avoir défendu le mouvement issu de la mouvance des Frères musulmans, dont la mue annoncée en parti civil nourrit la suspicion aussi bien en Tunisie qu’aux yeux de certains partenaires étrangers du pays.
«J’ai fait partie de ceux qui ont défendu Ennahdha, et j’en ai payé le prix», a-t-il lâché.
Le vieux briscard de la politique aujourd’hui âgé de 93 ans, a-t-il ainsi abdiqué face au jeune loup Youssef Chahed, qui a ingénieusement pu conjurer le risque de sa destitution par l’assemblée des représentants du peuple (ARP), en s’assurant l’appui du groupe parlementaire du mouvement Ennahdha (68 députés) et, potentiellement, du bloc de la Coalition nationale (43 députés)? Rien n’est moins sûr. Selon certains observateurs avertis, le fondateur de Nidaa Tounes a finalement tenté un ultime coup de poker qui pourrait se révéler gagnant.
En signant l’arrêt de mort du consensus entre son parti et celui de son frèreennemi Rached Ghannouchi, le président de la République chercherait à faire d’une pierre plusieurs coups.
Il s’agit d’abord de mettre en relief la «haute trahison» de ses anciens alliés islamistes et prévenir tous ceux qui s’en rapprochent, y compris l’actuel chef du gouvernement, Youssef Chahed, qui doit essentiellement sa survie politique au soutien que lui a apporté le mouvement Ennahdha.
Remettre Nidaa dans une posture d’opposition à Ennahdha
Le président de la République semble également vouloir coller l’étiquette de l’allié privilégié des islamistes à son poulain rebelle, Youssef Chahed, et compromettre ainsi ses chances au cas où il se résoudrait à créer sa propre formation politique sur les cendres de Nidaa Tounes et à briguer la magistrature suprême.
Et last but not least, le nonagénaire qui a été plusieurs fois ministre de Bourguiba cherche visiblement à faire subir au mouvement Ennahdha l’usure du pouvoir et lui faire assumer les éventuels échecs du gouvernement de Youssef Chahed dans un contexte général marqué par la détérioration de la situation économique et l’exacerbation des tensions sociales. Cette manoeuvre servirait en même temps à remettre Nidaa Tounes, qui devrait subir un toilettage en profondeur dans les mois à venir, dans la posture d’opposition au parti islamiste qui lui a permis de remporter les élections législatives et présidentielle de
2014.
Flairant le danger, le mouvement Ennahdha a d’ailleurs nié avoir demandé la rupture de ses relations avec le président de la République et réaffirmé son attachement au consensus.
«Nous n’avons pas demandé cela. Nous sommes pour la poursuite du consensus» a affirmé hier le porte-parole du parti islamiste, Imed Khemiri, sur les ondes de la radio Express FM. «Nous pensons que le consensus est une valeur nationale sur lequel notre pays a pu compter pour sortir de la crise politique», a-t-il ajouté avant de nuancer: «Le consensus ne veut pas dire que nous sommes d’accord sur tout les points. Nos visions peuvent parfois être différentes».
Le porte-parole du mouvement Ennahdha a également tenu à préciser que son parti n’est pas l’unique soutien du chef du gouvernement. «Concernant la demande de stabilité gouvernementale, Ennahdha n’est pas isolé (...) Nous n’étions pas seuls à prendre cette position, il y a avait aussi El Massar, l’initiative (El Moubadara), L’UTAP et même l’union patriotique libre», a-t-il détaillé.
L’ultime coup de poker de Béji Caïd Essebsi pourrait-il sauver Nidaa Tounes d’une mort certaine et affaiblir son adversaire islamiste ? Seul l’avenir nous le dira…