Problématiques du marché mondial de l'art
Journées d'art Contemporain de Carthage
Les problématiques liées au marché de l'art dans le monde arabe et les défis rencontrés par l'artiste pour la valorisation de son oeuvre, tels étaient les principaux thèmes débattus lors de la conférence internationale sur le " marché mondial de l’art : systèmes et mécanismes " tenue le vendredi et samedi dernier (21 et 22 septembre).
Dans le cadre de la première édition des Journées d'art Contemporain de Carthage (JACC) qui se sont déroulaient du 19 au 23 septembre 2018, la conférence sur "le marché mondial de l'art : systèmes et mécanismes" s'est penchée sur six thèmes liés au marché de l'art lors des deux journées d'étude qui ont connu une forte participation d’artistes, universitaires, chercheurs ainsi que des galeristes et marchands d’art.
Abordant les problématiques relatives au marché de l'art dans le monde arabe, le premier workshop a été une opportunité pour cerner un marché arabe aux contours encore flous et qui évolue dans le chaos. A cet effet, le modérateur de la séance, l'artiste et chercheur syrien en esthétique, Talel Mâalla a déploré le fait que les institutions financières dans le monde arabe ne financent pas les mouvements artistiques laissant le marché de l’art au gré des marchands qui jonglent avec les collections avant de les classer à leur guise de nouveau, sans aucune considération aux artistes et à leurs oeuvres.
Pour sa part, soulevant le rôle des galeristes dans la dynamique du marché de l'art, le critique d’art irakien, Farouk Youssef, a indiqué que le marché de l’art échappe à la structure culturelle et a regretté le fait que les acteurs économiques parmi les galeristes et les collectionneurs, qui détiennent les clés du marché et en connaissent les mécanismes et les secrets, ne figurent pas au panel. " Le problème du marché de l’art n’est pas une problématique culturelle mais économique ", a-t-il assuré. Il a, par ailleurs, souligné l’importance de ces acteurs dans la pérennité des arts contemporains et qu’il ne sert à rien de nuire à l’image des marchands de l’art. " L’artiste est un producteur et ses oeuvres sont transmises au public à travers les galeristes ", a-t-il indiqué. Néanmoins, il a alerté les participants à des pratiques douteuses qui entachent cette activité comme l’utilisation de l’art pour le
blanchiment d’argent.
Prenant la parole, le critique d’art et professeur universitaire, Habib Bida a abordé le commerce illicite des oeuvres en Tunisie. " Comment se vendent les oeuvres en Tunisie? Le sujet est complexe. ", a-t-il révélé à l’assistance. " Il existe en Tunisie plus de 15 écoles de beaux arts et les diplômés se comptent par milliers, c’est pourquoi cette question mérite d’être traitée de façon sérieuse afin qu’on puisse structurer ce marché et garantir à ces artistes de vivre de leur art ", a-t-il souligné. "Nous n’avons pas d’experts en le domaine, on n’a pas de critiques et on n’achète que les oeuvres des artistes décédés ", a-t-il déploré en signalant que "Le paradoxe en Tunisie, est que le marché existe mais qu’il demeure encore flou".
Dans le même sillage, l'artiste plasticien jordanien Mohamed El Amri, est revenu sur les tabous et les mythes religieux qui plombent encore l’essor de cette activité dans le monde araboislamique.
Il a, dans ce sens, pointé du doigt un système éducatif qui dénigre les arts dans les écoles et prive la société de futurs acquéreurs.
De son côté, la directrice du Musée d’art moderne et contemporain d’algérie, Nadhira Lagoune a, quant à elle évoqué la question de l’art dans les périphéries.
Notant à ce propos l’existence d’un flux régulier de l’art non-occidental vers l’occident qui s’accroit de jour en jour, elle a souligné qu’une forme de noncentralité va apparaitre et qui va irriguer le marché et qui va se raccorder à cette économie de désir et voir par conséquent la part des artistes nonoccidentaux augmenter. " Ce sont les oeuvres de l’exotisme de contestation qui priment ", a-t-elle assuré. Toutefois, elle a révélé que " le marché de l’art
demeure sous le contrôle des grands pôles économiques " et qu’il y a un risque de voir " les spécificités s’effacer devant le souci de la rentabilité ".
Sur un autre plan, Christine Bruckbauer, critique et commissaire d’exposition autrichien, a parlé de l’art comme un capital avec des bénéfices et retour sur
investissement. Elle a, à cet effet, indiqué que les capacités créatives sont l’unique capital et que c’est pour cela qu’elles doivent être rentables.
La dernière séance a été réservée au critique d’art, Paul Ardennes, qui a soulevé la question de l’art contemporain, du local à l’international. " Ce qui n’est pas vu, n’existe pas ", a-t-il expliqué. Cependant, malgré la vitalité que connait l’art dans les pays du Sud, il n’y a pas une visibilité pour les artistes, a-tsouligné. Scrutant la réalité du marché de l’art dans le monde, il a indiqué que le problème reste politique. " Car, sans engagement politique et une volonté
d’exportation des artistes, l’occident aura toujours la main mise sur le marché de l’art ", a-t-il conclut.