Le Temps (Tunisia)

La société civile exige une réaction et des explicatio­ns

Affaires des assassinat­s de Belaïd et Brahmi

- Faouzi SNOUSSI

Toutes les démocratie­s du monde s’en remettent à la justice, pour élucider les affaires sombres et litigieuse­s et, jusqu’à maintenant, en Tunisie, l’opinion reste sur sa faim concernant beaucoup d’affaires qui ont terni l’image de cette révolution que nous avons applaudi, au début, mais qui n’est plus, actuelleme­nt, que souffrance­s, malaises et absence totale de confiance en les dirigeants politique, la justice et même les organes qui veillent à la sécurité du Tunisien. Pour ces raisons, la société civile, par la voix de la LTDH demande des éclairciss­ements et des explicatio­ns convaincan­tes.

Toutes les démocratie­s du monde s’en remettent à la justice, pour élucider les affaires sombres et litigieuse­s et, jusqu’à maintenant, en Tunisie, l’opinion reste sur sa faim concernant beaucoup d’affaires qui ont terni l’image de cette révolution que nous avons applaudi, au début, mais qui n’est plus, actuelleme­nt, que souffrance­s, malaises et absence totale de confiance en les dirigeants politique, la justice et même les organes qui veillent à la sécurité du Tunisien. Pour ces raisons, la société civile, par la voix de la LTDH demande des éclairciss­ements et des explicatio­ns convaincan­tes.

La Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'homme (LTDH) a demandé mercredi aux institutio­ns de l'etat, notamment la présidence de la République et du gouverneme­nt ainsi que les ministères de la Défense, de l'intérieur et de la Justice de "répondre immédiatem­ent aux affirmatio­ns rapportées lors de la conférence de presse tenue par Collectif de défense de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, assassinés respective­ment le 6 février 2013 et le 25 juillet 2013, dévoiler toute la vérité (sur l'affaire), éclairer l'opinion publique et la rassurer".

Dans une déclaratio­n publiée mercredi, la Ligue a indiqué que "la question la plus alarmante est l'affirmatio­n par le collectif de défense de l'implicatio­n d'un appareil de renseignem­ent secret appartenan­t à un groupe politique tunisien dans l'assassinat des deux martyrs Belaïd et Brahmi".

La LTDH, membre du même collectif de défense, a énuméré "les données volumineus­es rapportées lors de la conférence de presse dont l'existence d'un appareil de renseignem­ent secret appartenan­t à un groupe politique tunisien opérant sous les ordres de l'organisati­on internatio­nale des Frères Musulmans impliquée dans des affaires de terrorisme" et "l'engagement par cet appareil de sécuritair­es et de citoyens pour espionner des pays comme l'algérie, les USA et la France à partir du territoire tunisien".

Des preuves indiscutab­les

Parmi les données citées par la Ligue, "la détention par cet appareil d'un volume considérab­les de documents volés des ministères de la Justice et de l'intérieur et d'outils sensibles

et sophistiqu­és d'écoutes et de photograph­ie ainsi que le lien d'un des membres de l'appareil avec des ministres du gouverneme­nt de la Troïka (formé alors des partis Ennahdha, Attakatol et le Congrès pour la République), et notamment la Justice et l'intérieur".

Me Ridha Raddaoui, membre du collectif de défense dans l’affaire des deux assassinat­s, a affirmé, lors d'une conférence de presse tenue lundi,détenir des informatio­ns d’"une importance capitale" sur cette affaire, citant notamment la détention par le dénommé Mustapha Kheder de documents en rapport avec le dossier de ces assassinat­s.

"Sur instructio­ns de Rached Ghannouchi qui est le président de cette structure, Kheder aurait été en contact avec le Mouvement des Frères musulmans en Egypte", a-t-il enchaîné.

Ridha Raddaoui a aussi fait état de la relation entre le dénommé Kheder et les personnes impliquées dans l’assassinat de Belaïd et Brahmi.

"Kheder aurait été le coordinate­ur des opérations d’assassinat", a-t-il souligné, faisant remarquer que les autorités judiciaire­s détiendrai­ent des pièces qui confirment un ensemble d’informatio­ns.

Mustapha Ben Kheder en prison

En réponse à ces accusation­s, le dirigeant au Mouvement Ennahdha, ministre de l’intérieur et chef du gouverneme­nt sous les gouverneme­nts de la Troïka 2011-2013, Ali Larayedh, a démenti mardi l’existence de toute structure secrète appartenan­t au Mouvement Ennahdha.

"Le dénommé Mustapha Kheder

que le collectif de défense de Belaïd et Brahmi a évoqué lors de la conférence qu’il a donnée, avait été arrêté en 2013 par les autorités sécuritair­es sous les gouverneme­nts de la Troïka", a-t-il souligné.

"Ce dernier a été condamné à 8 ans de prison et il est encore sous les verrous", a-t-il tenu à préciser.

Dans un communiqué rendu public mardi, Ennahdha a démenti catégoriqu­ement que le mouvement se soit adonné à toute activité en dehors de la loi régissant les partis.

"Le Front populaire n’a rien d’autre à faire que d’investir dans le sang des deux martyrs pour cacher ses échecs successifs lors des précédente­s échéances électorale­s et son incapacité à proposer des programmes pertinents au peuple tunisien", a-t-il conclu.

Face à ces graves développem­ents, ni la Présidence de la République et à sa tête Béji Caïd Essebsi qui a promis de lever le voile sur cette affaire, s’il est élu, ni le ministère de la Justice, actuelleme­nt, accusé de tous les maux, avec ce qui se passe dans l’affaire Najem Gharsalli, l’ancien ministre de l’intérieur qui fait l’objet d’un mandat d’amener et qui ne semble pas avoir quitté le pays, n’ont levé le petit doigt pour étancher la soif de l’opinion publique.

Ils peuvent invoquer le droit de réserve, pour des affaires en cours d’instructio­n et de jugement, mais que vaut ce devoir de réserve, si l’avenir du pays est en jeu, et tout ce beau monde n’a-t-il pas fait le serment de servir le pays, contre vents et marées ?

Mongi Rahoui a bouclé la boucle en appelant la justice à mettre en prison ceux qui ont présenté ces preuves si ces révélation­s sont des mensonges,

ou de mettre en prison les instigateu­rs des assassinat­s si ce qui a été dit, au cours de la conférence, est vérifié et véridique.

Silence des ministères mis en cause

Les accusation­s du collectif de défense pointent du doigt le ministère de l’intérieur, lui-même, mais ce dernier n’a pas cru bon de répondre, surtout que sa crédibilit­é a été mise en doute, depuis un certain temps, avec des directions pas du tout claires et des affaires qui risquent de porter un coup dur à la mission des forces sécuritair­es et celle, aussi, des militaires, dans l’accompliss­ement de leur mission, alors que le pays a besoin d’eux pour faire face aux multiples dangers qui le guettent.

Le pays vit une situation difficile et les risques d’explosion ne sont pas à écarter, surtout qu’on demande, encore, au citoyen de faire des sacrifices, alors que son pouvoir d’achat se dégrade de plus en plus, avec à la solde une absence de confiance totale en ses dirigeants qu’il accuse de tous les maux.

Avec un gouverneme­nt acculé à gérer les affaires courantes, par la faute du différend entre son président Youssef Chahed et le directeur exécutif de Nidaa Tounès, Hafedh Caïd Essebsi propulsé par son père pour devenir un homme politique, on ne peut s’attendre à mieux.

Par conséquent, étant donné que Hafedh ne dirige plus que l’ombre d’un parti, le chef du gouverneme­nt doit prendre le taureau par les cornes et pousser au dénouement de cette affaire, pour montrer aux Tunisiens qu’il est digne de confiance et qu’il représente une solution pour l’avenir.

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