Un certain 5 Octobre
Trente ans déjà se sont écoulés depuis ces journées mémorables d’octobre 1988 qui ont ébranlé l’algérie. Les événements qui ont marqué le pays ont commencé par des manifestations de lycéens, très vite qualifiées par un certain ministre de l’époque de «chahut de gamins».
Au fil des jours, ils allaient dévoiler à l’opinion l’horreur, l’impensable. Aux protestations de rue des jeunes, des chômeurs, des travailleurs et des syndicalistes, le pouvoir de l’époque allait opposer répression aveugle, tirs à balles réelles contre des manifestants, arrestations massives.
Et comble de l’effroyable, l’usage de la torture à grande échelle, dans les commissariats de police, casernements et autres lieux de détention de milliers de personnes qui faisaient partie de cette majorité qui aspirait au changement, à la fin de l’autoritarisme, au pluralisme et aux libertés démocratiques. Hélas, les espoirs de changement seront de courte durée, le temps d’un effet d’annonce par des promesses qui ne seront jamais tenues et renvoyées aux calendes grecques.
Les Algériens entraient sans le savoir et sans en avoir le moindre soupçon dans une ère faite d’incertitudes, d’atermoiements de leurs dirigeants et de compromissions renouvelées aux seules fins d’une sauvegarde de privilèges et dont la fin était espérée et attendue par la majorité des laissés-pourcompte, des sans-voix. Période tourmentée marquée par une «décennie noire», celle du terrorisme islamiste dans lequel fut précipité le pays tout entier.
Trente ans après, toujours autant d’incertitudes, sinon plus et qui font craindre le pire dans un contexte de vacance du pouvoir qui ne dit pas son nom, avec la maladie du président Bouteflika. L’autoritarisme est toujours de rigueur, dans un contexte de crise généralisée. D’abord une crise des ressources obligeant à des choix pas toujours évidents au plan économique.
Une crise qui n’épargne pas les institutions, comme on a pu le constater dernièrement à l’assemblée populaire nationale ou encore l’armée, qui a connu des changements à la tête de ses structures, ou encore dans la police suite à l’affaire de la saisie des 700 kilos de cocaïne, lesquels changements dans un environnement d’incertitudes ne font que renforcer les inquiétudes pour l’avenir très proche.
En effet, au-delà d’un pluralisme politique formel, le clientélisme est la clé de voûte de sa «pérennisation», tout comme il continue à être sourd aux attentes des différentes catégories de citoyens n’hésitant pas à recourir à la manière forte, à la répression de la contestation. L’espace public demeure sous contrôle exclusif, pour ne pas dire totalement interdit à l’expression de toute revendication. Au plan
Consultation n°10/2018
des libertés démocratiques, force est donc de constater qu’il n’y a eu que peu ou presque pas d’évolution en 30 ans.
On emprisonne à ce jour pour des délits d’opinion, la presse indépendante est toujours l’objet de pressions multiformes exercées de la part d’un pouvoir qui ne supporte pas le pluralisme qu’il perçoit comme une remise en cause de l’exercice du monopole dans toutes les sphères d’activités.