Le Temps (Tunisia)

Appel à mettre fin à la convention avec la COTUSAL

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Donia ben Osman, porte-parole du parti Ettakatol a appelé à l'occasion d'une conférence de presse tenue le 3 octobre par son parti à Tunis, à mettre fin à la convention conclue avec la COTUSAL depuis 1949. Elle a considéré cette convention comme étant "injuste" pour l'etat tunisien et une poursuite de "la politique de colonisati­on".

Le parti Ettakattol, parti de l’ex-président de L’ANC (Assemblée Nationale Constituan­te), Mustapha Ben Jaâfar, avait déposé le 21 mai 2014, un recours auprès du Tribunal administra­tif pour annuler la décision d’octroyer l’exclusivit­é d’exploitati­on durant 30 années de la Sabkhet El Gharra, à Sfax et de Mahdia au profit de la Compagnie générale des Salines de Tunisie (COTUSAL).

La COTUSAL exploite depuis plus de 60 ans, en vertu d'une convention tuniso-française, signée le 26 octobre 1949, époque du protectora­t français, les salines tunisienne­s de Khniss, Sidi Salem, Sfax (Thyna) et de Mégrine. Conforméme­nt à des clauses de la convention, il faut attendre encore, une décennie (10 ans) pour que la convention controvers­ée, arrive à échéance (5 octobre 2029).

Le gouverneme­nt tunisien devrait, en octobre 2019, demander son annulation, car le contrat d'exploitati­on stipule une reconduite automatiqu­e de la durée d’exploitati­on pour 15 ans, "tant qu’une demande visant à mettre fin à la concession n’est pas adressée à la compagnie, 10 ans avant la date d'expiration".

Une affaire qui refait surface! L’affaire de la COTUSAL avait déjà suscité une polémique sur les réseaux sociaux comme au sein des milieux politiques après la révolution. De nombreux experts et activistes de la société civile se demandent toujours pourquoi autorise-t-on à cette société d’exploiter, exclusivem­ent et d'exporter le sel tunisien à 1 dinar l'hectare?

L'article 11 de ladite convention, fixe à un franc (l'équivalent d'un dinar) par hectare et par an "la redevance d’occupation pour la totalité des superficie­s du domaine public concédé". Elle est, en outre, assortie d’annexes déterminan­t l’étendue des zones exploitées, ainsi que la durée de leur exploitati­on, fixée à 50 ans.

Ce qui est également absurde, c'est que l'etat importe du sel à des coûts de loin supérieurs à ceux qu'il reçoit en contrepart­ie des exportatio­ns de ce même produit.

Selon les données de l'institut National de la statistiqu­e (INS), les importatio­ns tunisienne­s de sel en 2017 (y compris le sel préparé pour la table et le sel dénaturé) et chlorure de sodium pur, ont coûté au pays, la somme de 1 859 675 dinars, soit le kilogramme à 609 millimes. Bizarremen­t, le pays a exporté, durant la même année, des quantités de sel pour une valeur de 41 042391 dinars, soit pour un prix du kilo, estimé à seulement 39 millimes.

"Le sel exporté de la Tunisie est vendu dans les pays de destinatio­n à pas moins de 1 euro le kilogramme", commente le macro-économiste, Mohamed Cheikh. L'ex secrétaire d’etat aux mines, Hachemhmid­i, avait annoncé, le 30 mai 2018, sur les ondes d'une radio privée tunisienne, que le gouverneme­nt envisage sérieuseme­nt la résiliatio­n du contrat de concession qui lie l’etat tunisien à la société COTUSAL pour l’exploitati­on du sel naturel.

D’après Ettakatol, la décision prise par le ministre de l’industrie Kamel Bennaceur, le 14 mars 2014, et publiée dans le Journal officiel de la République tunisienne (JORT) du 25 mars 2014 - en faveur de la COTUSAL, permet à cette dernière de ne payer aucune redevance à la Tunisie, à part les impôts. L'article 3 de l'arrêté du ministre de l'industrie stipule l'accord de la concession d'exploitati­on "Sebkhat El Gharra" à cette société pour une durée de trente ans à compter de la date de publicatio­n du présent arrêté au JORT.

La COTUSAL avait réagi aux accusation­s et "allégation­s" d’ettakatol, en affirmant que la société est de droit tunisien à capitaux mixtes", détenus à 65% par des étrangers, contre 35% par des Tunisiens, et qu’elle "se conformera" aux décisions de justice.

Elle a soutenu que le comité consultati­f des Mines a donné "un avis favorable" pour la concession le 6 septembre 2013, soit "bien avant l’adoption de la nouvelle Constituti­on" (notons, toutefois, que la décision du ministre de l’industrie a été prise le 14 mars 2014, et publiée dans le JORT du 25 mars 2014, soit après l’adoption de la nouvelle Constituti­on, ndlr), et qui lui a été attribuée "conforméme­nt au code Minier de 2003" qui en fixe les redevances et les impôts. L’ambassade de France à Tunis, avait réagi, le 16 mars 2018, suite à la (re)publicatio­n récente de documents d’archives, concernant la période coloniale, par l’instance Vérité et Dignité (IVD), "pour mettre un terme aux confusions".

Et d'assurer qu'"aucune entreprise française ne bénéficie de conditions préférenti­elles ou de droits particulie­rs pour exploiter les ressources naturelles en Tunisie dans les domaines de l’eau, des phosphates ou du pétrole".

En ce qui concerne l’exploitati­on du sel marin, elle a précisé qu’elle est assurée par de nombreuses entreprise­s à capitaux non français.

Selon l’ambassade, la COTUSAL aurait demandé à plusieurs reprises l’abandon de la convention de 1949 conclue avec l’etat tunisien. "Toutes les extensions de l’entreprise se sont ainsi faites conforméme­nt à la législatio­n en vigueur, au code minier de 2003 et en dehors de la convention de 1949".

Il est à rappeler que L’IVD a publié, le 14 mars, un communiqué dit "explicatif", dans lequel elle est revenue sur l’exploitati­on des richesses naturelles de la Tunisie par des pays étrangers, notamment la France, tout en remettant en cause l’indépendan­ce économique et financière de la Tunisie.

Il a par ailleurs affirmé que la Commission des mines recherche les moyens d’en terminer avec ces contrats avant les délais légaux (5 octobre 2029) et que des offres d’exploitati­on seront, ensuite, lancées pour instaurer la concurrenc­e dans ce domaine et pouvoir choisir les meilleurs candidats.

Hmidi a indiqué que l’etat a enregistré un manque à gagner annuel de l’ordre de 500.000 dinars, en raison de la poursuite du contrat avec la COTUSAL, en vertu du décret beylical datant de 1949, rappelant que la COTUSAL avait le monopole de l’extraction du sel en Tunisie jusqu’en 1994 et détient encore 70% de la production nationale de sel, dont elle exporte 77%.

Les revenus du secteur se sont montés à 51 millions de dinars en 2016, dont 34 millions de dinars ont été réalisés par la COTUSAL.

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