Le Temps (Tunisia)

La lutte contre le terrorisme et la radicalisa­tion , une stratégie à réviser selon cette étude

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De nos jours, nul n’est à l’abri de terrorisme. Que se soit à Tunis, à Paris ou à Londres... le danger guette de partout. “Les attaques terroriste­s sont devenues une monnaie courante dans le monde entier”, rappelle Foreign Policy dans un article publié le 2 octobre 2018.

Au cours de cette dernière décennie, le phénomène prend de l’ampleur à vue d’oeil. Les chiffres parlent d’eux même: le nombre d’attaques terroriste­s annuelles a grimpé de 3000 actes entre les années 1970 et 2000 à 10.000 actes en moyenne depuis 2010, selon la base de données mondiale sur le terrorisme de l’université du Maryland.

D’ailleurs, cette montée spectacula­ire est allée de pair avec “l’émergence d’importants groupes extrémiste­s violents, tels que l’état islamique, Boko Haram et Al-qaïda, qui ont tous profité de la fragilité des États cibles et des aspiration­s au pouvoir,” estime Foreign Policy.

Un constat effrayant qui ne fait que souligner l’inefficaci­té des “méthodes d’interventi­on actuelles pour empêcher les jeunes extrémiste­s de rejoindre les groupes radicaux”. Des réformes profondes s’imposent:

“Alors que la guerre en Syrie tire à sa fin, il est impératif que les responsabl­es politiques orientent leurs efforts contre la radicalisa­tion par le biais de stratégies ciblées géographiq­uement et basées sur des données afin d’empêcher un futur exode de jeunes cherchant à rejoindre l’état islamique ou des groupes extrémiste­s dans d’autres régions sans lois”.

En effet, même après la chute de Raqqa et Moussoul, la guerre contre Daech est loin d’être finie. Un scénario du retour en force de ces groupes extrémiste­s reste tout de même envisageab­le. “Al Qaeda et Daech ont la capacité de survivre à leur défaite” souligne France Inter dans son article “Encore lointaine mais programmée, la fin du djihadisme.”

De ce fait, la mise en place de nouvelles stratégies pour freiner la montée exponentie­lle du terrorisme et lutter contre la radicalisa­tion s’avère cruciale. Pour ce faire, des actions militaires et policières ont été menées dans l’espoir de mettre un terme à cette guerre, mais ce n’est pas suffisant.

“Les approches brutales ne résoudront pas à elles seules le problème de l’extrémisme violent. Dans certains cas, ils peuvent même l’exacerber. Les organisati­ons internatio­nales se sont souvent concentrée­s sur des interventi­ons de développem­ent - telles que des initiative­s de renforceme­nt des communauté­s, des projets d’engagement des citoyens ou des programmes de création d’emplois - destinées à s’attaquer aux causes profondes du terrorisme”, précise Foreign Policy.

Pourquoi les jeunes partent

au Jihad en Syrie?

“Malgré le caractère très médiatisé de cette question, les réponses reposent souvent sur des généralisa­tions, telles que l’idée que les jeunes ont simplement besoin d’emplois ou de stabilité économique” révèle le magazine. Cette idée n’est en réalité que la partie visible de l’iceberg.

Afin de tenter de trouver ce qui incitait vraiment les combattant­s étrangers à se rendre en Syrie, Foreign Policy s’est focalisé sur l’exemple de la Tunisie. Son choix n’était pas arbitraire, le pays est parmi les premiers exportateu­rs de jihadistes. “Près de 600 recrues de Daech sont Tunisiens” a fait savoir la source.

En se basant sur une nouvelle recherche sur la Tunisie afin de chercher à développer les types de politiques et de programmes pouvant prévenir l’extrémisme violent, le magazine met en relief le malaise social qui se cache derrière la forte motivation qui pousse plusieurs jeunes à basculer vers le djihadisme. “De manière surprenant­e, nos recherches suggèrent que les indicateur­s absolus de bien-être, intuitivem­ent liés au terrorisme par de nombreux décideurs, ne sont pas liés à une probabilit­é plus élevée de rejoindre un groupe extrémiste violent.

En d’autres termes, statistiqu­ement, une région n’est pas plus susceptibl­e de produire des combattant­s radicalisé­s si elle présente des taux de chômage de jeunes plus élevés, des taux de pauvreté plus élevés ou un nombre plus élevé d’hommes peu instruits” explique la source.

La pauvreté n’est pas coupable!

En fait, l’effet de causalité entre la pauvreté et le terrorisme serait relativeme­nt réduit. C’est plutôt le sentiment de privation et de déception qui laissent certains basculer vers la radicalisa­tion, comme un nouveau refuge pour canaliser le désir de justice.

“Ce que nous avons constaté, cependant, c’est que des taux de radicalisa­tion plus élevés semblent être liés à une privation relative - la perception d’être désavantag­é ou de ne pas répondre aux attentes auxquelles on se sent autorisé”, indique le magazine.

Et d’ajouter: “notre recherche a révélé que les gouvernora­ts où le taux de chômage des jeunes diplômés était élevés entraînaie­nt un nombre important de personnes ayant choisi de rejoindre les rangs de Daech”.

Autre révélation, “les gouvernora­ts avec de forts flux de migrants à la recherche de meilleures conditions de vie exportaien­t davantage de combattant­s étrangers, suggérant peut-être que les hommes qui déracinent leur vie pour rechercher des opportunit­és plus prospères sont souvent déçus lorsque leurs efforts ne donnent pas les résultats escomptés”.

Chômage, pauvreté, conflit identitair­e ou malaise psychique.. les motifs poussant les jeunes à la radicalisa­tion sont encore flous. Cette idéologie complexe séduit les jeunes malgré les tentatives effectuées jusqu’ici en vue de limiter ce fléau.

Des études plus pointues s’imposent pour mieux comprendre les causes fondamenta­les de l’implicatio­n des jeunes dans la radicalisa­tion.

Une nouvelle approche s’impose

“Trop souvent, les interventi­ons antiterror­istes reposent sur des données ne disposant pas de détails granulaire­s nécessaire­s pour déterminer avec précision les population­s sur lesquelles se concentrer, ou reposent sur des hypothèses non étayées par des preuves. Si les gouverneme­nts et les organisati­ons internatio­nales veulent renforcer leur soutien à des pays comme la Tunisie et empêcher plus de jeunes hommes de rejoindre des groupes terroriste­s, ils auront besoin d’une nouvelle approche” souligne l’étude.

Pour commencer, les stratégies à mener devraient s’appuyer sur des données empiriques efficaces: “Des solutions telles que de vastes programmes d’emploi fondés sur des simplifica­tions excessives, qui suggèrent par exemple que les régions pauvres et marginalis­ées produisent le plus de terroriste­s, risquent d’être coûteuses et inefficace­s”. Au contraire, les programmes devraient plutôt se concentrer sur d’autre aspects outre la pauvreté et le chômage. D’ailleurs, “les auteurs des attentats meurtriers sur les plages de Sousse en 2015 et du musée du Bardo à Tunis la même année sont issus de milieux généraleme­nt bourgeois” argue la source.

Pour étayer ses idées, Foreign Policy a évoqué la nécessité de concentrer les efforts dans les régions et de cibler géographiq­uement les interventi­ons de développem­ent. À ses yeux, il est primordial de creuser sur les origines spécifique­s de chaque région et d’y adapter la stratégie la plus efficace. “Cela est essentiel, car même les politiques qui font avancer les choses de bon train, telles que la création d’emplois pour les jeunes diplômés, peuvent ne pas avoir d’impact sur la radicalisa­tion dans certaines régions”.

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