Réchauffement climatique: avancez en arrière!
Le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) est catégorique : le monde doit entreprendre de toute urgence une « transition rapide et de grande portée » pour espérer limiter à +1,5 °C le réchauffement climatique, qu’on évalue d’ores et déjà à +1 °C par rapport à l’ère préindustrielle.
À l’heure actuelle, les mesures prises à l’échelle de la planète sont à ce point insuffisantes que les experts prédisent un réchauffement de l’ordre d’au moins 3 °C d’ici la fin du siècle. Or, même en respectant une cible de 1,5 °C, nous assisterons à des changements importants, comme la fonte des glaciers et la hausse du niveau des mers, l’accroissement de la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles, la disparition d’espèces animales et l’appauvrissement de dizaines de millions d’individus.
Le problème, majeur, c’est que pour limiter la hausse du réchauffement à 1,5 °C, il faut réduire les émissions de CO2 de moitié (-45 %) d’ici douze ans seulement, puis les éliminer totalement d’ici 2050. Or, pour y parvenir, les pays du monde entier doivent non seulement s’entendre entre eux, mais faire en sorte que les populations, entreprises et individus, adhèrent à des mesures nécessairement radicales sans précipiter la chute des gouvernements démocratiques au profit de gouvernements d’extrême droite.
Lors de la dernière campagne électorale québécoise, plusieurs électeurs ont critiqué les partis pour la faiblesse de leur programme en matière d’environnement. Mais c’est quand même le parti qui en a parlé le moins qui a obtenu l’appui populaire. Quant à Québec solidaire, à qui on reconnaît le plus d’audace, il a été élu dans les quartiers montréalais qui sont déjà les mieux desservis par le transport collectif et où il est le moins nécessaire de posséder une voiture pour le travail, les études et les loisirs. Qu’en sera-t-il le jour où ce parti, lui ou un autre, proposera de tripler le prix de l’essence, d’ajouter plusieurs milliers de dollars à l’achat d’une moyenne cylindrée et d’installer partout des péages ? Et que dire du transport par camion, qu’il faudra aussi pénaliser si on veut ralentir l’explosion à laquelle on assiste depuis une vingtaine d’années ?
Et si la voiture électrique apparaît comme une solution aux yeux de plusieurs, on ne peut ignorer le fait que sa popularité ne règle en rien les problèmes de congestion et qu’elle accroît même la pression en faveur d’infrastructures routières plus étendues sous prétexte d’y ajouter des voies réservées aux bus et… à l’auto électrique. À l’échelle du Canada, on constate l’énorme difficulté rencontrée par le gouvernement de Justin Trudeau à implanter une banale taxe de 20 $ par tonne de carbone alors que le GIEC suggère un strict minimum de 150 $ la tonne pour obtenir des résultats tangibles.
Alors que neuf provinces appuyaient Ottawa l’an dernier, cinq d’entre elles, dont l’ontario, s’y opposent aujourd’hui. Quant au principal parti d’opposition à Ottawa, il fait du rejet de cette taxe son principal cheval de bataille en vue des prochaines élections sans proposer d’autres solutions. Selon plusieurs sondages effectués ces dernières années, les électeurs de la plupart des pays développés, y compris chez nous, placent l’environnement en tête de leurs attentes à l’endroit des gouvernements. Mais ils redoutent d’avoir à en payer le prix, que ce soit sous forme d’augmentations de taxes, de changements à leurs habitudes de vie et d’alimentation (moins de viande) ou de moratoire sur le développement immobilier en dehors des zones déjà desservies par les services publics.
Avec un leader politique aussi réactionnaire quedonald Trump à la tête de la plus grande puissance économique mondiale, le cri d’alarme répété ad nauseam par le GIEC se cherche plus que jamais des porte-parole politiques crédibles, populaires et résolus aux quatre coins de la planète. Des porteparole qui ne parlent pas des deux côtés de la bouche, comme c’est le cas du gouvernement Trudeau, dont les milliards consacrés à l’exploitation des hydrocarbures discréditent tous les efforts de lutte contre le réchauffement climatique.
Quant aux militants locaux tels que Steven Guilbeault (Équiterre) ou Patrick Bonin (Greenpeace), ils restent positifs et optimistes. Tant mieux, mais avouons qu’il y a de quoi se réveiller la nuit pour se convaincre que les choses vont de mieux en mieux.