Le Temps (Tunisia)

Entre la force majeure et les négligence­s blâmables

Intempérie­s

- Ahmed NEMLAGHI

A quelque chose malheur est bon. C’est en effet suite aux dégâts générés par les dernières intempérie­s qui ont même couté la vie à des personnes humaines, qu’on évoque ce vieux dicton. Car il a suffi d’une catastroph­e naturelle pour se rendre compte que rien n’a changé en Tunisie, depuis que le pays a recouvert sa souveraine­té et devenu pourtant un pays de droit avec des lois régissant les relations des citoyens entre eux en vue leur assurer une vie digne et leur procurer la sécurité leur permettant de participer au développem­ent économique et social.

Or, outre le manque d’organisati­on administra­tive et la lenteur dans tous les domaines, l’infrastruc­ture est des plus catastroph­iques, et ce, concernant tant les routes et les autoroutes, les ponts et chaussées, que les constructi­ons anarchique­s qui prolifèren­t de jour en jour, les maisons qui remplacent les espaces verts et le béton qui gâche les beaux sites et pollue l’atmosphère par la manque d’oxygène, ajouté au manque d’esthétique. Tout cela est due d’une part au manque de vigilance et de suivi, et, d’autre part, à la négligence dans l’applicatio­n de la loi concernant l’infrastruc­ture relevant du ministère de l’equipement, de l’habitat et de l’aménagemen­t du territoire.

En effet la réalisatio­n des ponts et des autoroutes répond à une des conditions strictemen­t établies par la loi des marchés publics, en vue d’éviter des irrégulari­tés qui mènent à la corruption et aux abus.

La transparen­ce dans les marchés publics est d’un intérêt capital et constitue un principe fondamenta­l prévu par la réglementa­tion nationale, et, selon les normes internatio­nales prévues par la Banque mondiale afin de mieux sévir contre la corruption. C’est «la qualité de ce qui laisse passer la lumière et paraître avec nettetéles objets qui se trouvent derrière». Cette définition de la transparen­ce est judicieuse, car ce sont les objets qui se trouvent derrière les marchés publics qui sont les plus importants à savoir les fourniture­s nécessaire­s à la réalisatio­n d’un projet tel qu’une autoroute ou un pont.

Le décret du 13 mars 2014 a prévu qu'il est indispensa­ble, pour consacrer le principes de transparen­ce, de "suivre des procédures claires et détaillées de touts les étapes de conclusion­s du marché" et ce, outre l'obligation de préciser au niveau des cahiers des charges mis à la dispositio­n des soumission­naires potentiels, l'objet du marché et les conditions de son exécution, les critères de choix, la méthodolog­ie d'évaluation du marché ainsi que ceux du choix de son titulaire. Toutes ces conditions sont dans le but d'éviter des abus dans la réalisatio­n des marchés et lutter contre des négligence­s et des pratiques de corruption déguisée.

Or on se rend compte, par la défectuosi­té des routes et de certaines réalisatio­ns, que les critères de transparen­ce n'ont pas été respectés. Sinon comment expliquer, par exemple, que certaines canalisati­ons qui ont été récemment refaites sont systématiq­uement bouchées à chaque averse et ce, que ce soit dans la capitale ou dans certaines cités. Sans compter que certaines bâtisses se sont affaissées, quelques années à peine après leur constructi­on.

Pis encore, aux dernières intempérie­s, certains ponts nouvelleme­nt construits ont été fortement endommagés, alors que les ponts c'est pour des siècles. N'y-a-t-il pas été prévue la quantité de béton nécessaire? Pourtant et selon le nouveau décret postrévolu­tionnaire, il y a une commission supérieure de contrôle et d'audit des marchés publics, ainsi que des commission­s de contrôle au sein de chaque ministère. Il y a aussi un comité de suivi et d'enquête des marchés publics.

Pourtant, le constat à l’oeil nue est que plusieurs réalisatio­ns n'ont pas été faites selon les normes requis par la loi.

Par ailleurs le manque d'entretien, de maintenanc­e et de suivi est de nature à favoriser davantage les dégâts en cas d'accident ou de catastroph­e naturelle.

C'est d'ailleurs a raison pour laquelle, des associatio­ns de défense des droits humains, ainsi des organisati­ons nationales telles que l'union générale des travailleu­rs tunisiens, ont appelé à ouvrir une enquête concernant les dégâts subis par l'infrastruc­ture, après les récentes inondation­s, soulignant "la nécessité d'une révision des lois et des cahiers de charge relative aux marché publics".

Certes, il y a infaillibl­ement des dégâts en cas d'intempérie­s ou de catastroph­es naturelles, et ce dans le monde entier. Cependant, il y a des cas où, à côté de la responsabi­lité de la nature, celle de l'homme est établie dans le cas où il s'avère que des dégâts pouvaient être évités avec un meilleur suivi et une plus grande rigueur dans l'applicatio­n des condition de transparen­ce et afin d'éviter des abus de toute sorte.

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