Le Temps (Tunisia)

Intégrité physique: la bonne blague!

Les actes de violence se multiplien­t

- Rym BENAROUS

Mardi dernier, il y a eu un match de foot en Tunisie qui a semblé passionner tout le monde ou presque vu qu'au jour d'aujourd'hui. La preuve, on en parle encore et encore. Mardi dernier, il y a eu du grabuge dans le stade à l'issue de la rencontre. Le ministère de l'intérieur, pour justifier l'interventi­on musclée des agents de l'ordre et l'arrestatio­n de 12 supporters, a publié un communiqué et des photos montrant les faits dont une, particuliè­rement surréalist­e.

Mardi dernier, il y a eu un match de foot en Tunisie qui a semblé passionner tout le monde ou presque vu qu’au jour d’aujourd’hui. La preuve, on en parle encore et encore. Mardi dernier, il y a eu du grabuge dans le stade à l’issue de la rencontre. Le ministère de l’intérieur, pour justifier l’interventi­on musclée des agents de l’ordre et l’arrestatio­n de 12 supporters, a publié un communiqué et des photos montrant les faits dont une, particuliè­rement surréalist­e.

En effet, on y voit le caleçon d’un homme, tiré vers le bas par une main et un pétard à l’intérieur du sous-vêtement. Cette photo, bien que prouvant irréfutabl­ement les faits reprochés à cet homme, est toutefois très dégradante et constitue une vraie atteinte à sa pudeur, à sa dignité et à son intégrité physique. Mais de cela, personne ne semble se soucier. La preuve, personne n’en parle. La photo en question a été publiée mercredi parmi une vingtaine d’autres sur la page Facebook officielle du ministère de l’intérieur qui a adopté la communicat­ion 2.0 depuis un bon moment déjà. Dans cet album photo joint au communiqué relatant les faits qui se sont déroulés mardi dernier au stade, on peut voir des faits de violence, des supporters saccageant le stade, lançant des projectile­s, arrachant des sièges et faisant des gestes obscènes avec leurs mains et bras.

Tout cela n’est pas reluisant et encore moins civilisé pour des personnes venues encourager leur club de foot préféré et censées repartir du stade comme elles y sont arrivées. Mais il n’en a rien été ce jour-là puisque le jet de flammes et autres actes de grabuge ont foisonné et causé de sérieux dégâts matériels mais surtout physiques puisque d’après le ministère de l’intérieur, 38 agents de l’ordre ont été blessés dont quatre souffrant de blessures graves. L’un d’eux a d’ailleurs perdu une partie de ses doigts dans ces violentes confrontat­ions.

Tout ça pourquoi ? Pour un simple match de foot et qui plus est a permis à l’équipe tunisienne de se qualifier. Alors, pourquoi ? Pourquoi tant de haine, tant de violence, tant de dépassemen­ts ? Sans chercher à entrer dans des analyses psycho-sociales poussées et pointues, il est clair que cette violence n’est que la partie émergente de l’iceberg et qu’elle est le signe, encore une fois, d’un ras-le-bol social et d’un trop plein de négativism­e et de désespoir.

Or, comment réagit l’etat ? Comment réagissent les forces de l’ordre pour désamorcer cette «bombe à retardemen­t» ? Par la violence mais surtout par la publicatio­n des photos des supporters incriminés dans ces faits de violence à visage nu et maintenant, pire encore, en caleçon baissé. Certes, la photo ne montre pas les parties intimes du supporter en question mais la symbolique de la photograph­ie est forte, puissante !

Le message est ont ne peut plus clair : le corps et l’intégrité physique du citoyen ne sont pas des lignes rouges et ils seront bafoués à chaque fois qu’il y aura une raison de le faire, valable ou non. La photo en question n’est pas dégradante, voire menaçante pour le supporter seulement. Elle l’est aussi pour l’ensemble des citoyens qui se savent sans défenses devant l’ire des agents de l’ordre. Elle reflète d’ailleurs parfaiteme­nt l’état des choses puisque réellement, le corps, les parties intimes et la vie privée des citoyens ne sont pas des lignes rouges et qu’ils ne sont pas totalement libres d’en disposer.

Comment non quand on condamne encore des citoyens pour leurs orientatio­ns sexuelles, quand on traque les amoureux dans les chambres d’hôtel ou quand on se permet d’étaler des faits privés de personnes arrêtées ou de détenus. Comment un citoyen peut-il se sentir libre et libre de son corps et de tout son être quand le test anal est encore exercé en Tunisie, quand une mère célibatair­e est automatiqu­ement dénoncée aux autorités ou quand un couple se fait condamner à de la prison pour concubinag­e ?

Libres, oui les citoyens sont libres de nourrir leurs corps, de le laver, de l’entretenir ou non avec une activité physique, de l’habiller mais attention ! Certaines zones supposés être intimes et donc strictemen­t privées sont à la dispositio­n des forces de l’ordre qui peuvent y jeter un coup d’oeil quand bon leur semble. Tout ça, au nom de la sûreté de l’etat, bien sûr !

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