La machine à laver blanc est en marche
Quelques heures avant que le président turc Recep Tayyip Erdogan ne prenne la parole au Parlement devant les députés de son parti et duquel l’opinion internationale était en attente de révélations pouvant lever le voile sur l’identité des commanditaires de l’ignoble assassinat à Istanbul du journaliste Jamal Khashoggi, à Ryad, le sulfureux prince hériter, Mohamed Ben Salman, sur qui pèse le soupçon d’être précisément ce commanditaire, s’est ménagé trois séquences médiatiques visant au même message : celui d’être innocent du crime qui lui est universellement imputé et n’en être pas réduit à l’état de pestiféré infréquentable pour le gotha des milieux internationaux d’influence. La première et certainement la plus abjectement cynique a été la parodie de présentation de condoléances royales à laquelle le roi son père et lui-même se sont prêtés en recevant au palais le fils et le frère du journaliste assassiné, probablement forcés à se plier à l’odieuse mise en scène.
La seconde a été celle où l’on a vu accordant une audience au secrétaire américain au Trésor lequel avait pourtant renoncé à participer au Forum international sur l’investissement organisé à l’initiative de son hôte. La troisième, enfin, a été celle le montrant à ce même forum au milieu d’une pléiade de personnalités internationales d’importance et être l’objet de leur part d’une «standing ovation». Quoique fasse cependant Mohamed Ben Salman pour tenter de se laver du soupçon d’être le donneur d’ordre de l’élimination de Khashoggi, la magie médiatique dont il a usé pour se faire l’image d’un jeune prince moderniste, en rupture avec les pratiques barbares de ses aïeuls ayant régné sur le royaume, n’agira plus. Le crime d’istanbul est la faute de trop que ce féodal a commise.
Elle est en effet celle qui a fait prendre conscience que le sentiment de puissance et d’impunité a atteint chez lui un tel degré qu’il se croit permis de tout commettre et entreprendre. Il en a eu d’autant la certitude qu’il a constaté qu’il lui suffisait de faire miroiter ce que l’arabie Saoudite peut distribuer de milliards de dollars pour que ses dérives trouvent des défenseurs là où elles auraient dû être fermement condamnées et lui-même traité en trublion irresponsable.
C’est sur de telles lâchetés et de cyniques convoitises que le cruel prince héritier saoudien compte pour se faire exonérer de l’accusation d’être le commanditaire de l’élimination de Khashoggi. La machine à laver le soupçon qui le cerne est déjà en marche, de Washington à Ankara en passant par Londres, Paris et Berlin. Il n’y a pas de doute quant au blanchiment qu’elle parviendra à opérer.
Mohamed Ben Salman est trop précieux aux yeux de ceux qui l’ont actionné pour qu’ils acceptent de le laisser se dépêtrer seul du scandale universel dont il est le sinistre protagoniste. Il ne s’écoulera pas un temps long avant que «MBS» ne soit à nouveau accueilli avec égard et platement courtisé là où s’élèvent encore de dures accusations à son encontre. Ainsi va le monde, comme a dit l’autre.