Prendre les takfiristes au mot
Attentat terroriste
Au-delà des condamnations usuelles et des réactions «politiques» sans cesse ressassées en pareilles occasions et devenues indigestes, l’attentat-suicide terroriste perpétré lundi contre une patrouille de la police, devant le théâtre municipal de Tunis, a fait revivre chez beaucoup de citoyens le malheureux souvenir du vendeur de cigarettes à la sauvette, Adel Khédri, qui s’était immolé le 12 mars 2013 au même endroit en criant «voilà le sort des jeunes tunisiens» ou «voilà la fin du chômage». Il n’avait aucune instruction
Attentat terroriste
Au-delà des condamnations usuelles et des réactions «politiques» sans cesse ressassées en pareilles occasions et devenues indigestes, l’attentat-suicide terroriste perpétré lundi contre une patrouille de la police, devant le théâtre municipal de Tunis, a fait revivre chez beaucoup de citoyens le malheureux souvenir du vendeur de cigarettes à la sauvette, Adel Khédri, qui s’était immolé le 12 mars 2013 au même endroit en criant «voilà le sort des jeunes tunisiens» ou «voilà la fin du chômage». Il n’avait aucune instruction
En se faisant exploser, la kamikaze Mounaguébli, titulaire d’un diplôme supérieur en anglais des affaires, avait crié «Dieu est grand» (Allah Akbar), cri de guerre des groupes terroristes, accompagné de «Mort aux tyrans».
Selon nos interlocuteurs, face à de tels actes «irrationnels», il est urgent de penser à leurs causes profondes pour mieux les circonscrire.
Si la précarité économique pouvait expliquer le comportement du pauvre revendeur de cigarettes, la kamikaze Mounaguébli menait, par contre, une vie normale comme tout le monde et avait une certaine situation avant de sombrer en 2012 dans une sorte de radicalisme soufi que d’aucuns trouveraient même burlesque.
Endoctrinée par un terroriste professionnel qui s’était enfui, entretemps, en Lybie, notre kamikaze abandonna tout d’un seul coup, et se convertit en bergère, à l’image de Don Quichotte de Cervantès qui rêva de faire le berger au terme de ses aventures de chevalier errant.
Un spécialiste nous a dit à ce sujet qu’abstraction faite des difficultés économiques souvent invoquées comme étant les causes directes à l’origine de l’adhésion des jeunes des deux sexes aux thèses radicales des groupes terroristes, les facteurs socioculturels jouent un rôle important dans l’embrigadement. Or, a-t-il ajouté, ces facteurs socio-culturels existent en Tunisie et se reflètent dans l’occidentalisation ou l’européanisation «artificielle» de la vie tunisienne, notamment dans la capitale Tunis et certaines grandes villes.
Notre interlocuteur a souligné qu’il ne faut oublier que ces activistes radicaux sont des «takfiristes», comme ils se nomment eux-mêmes, c'est-à-dire des gens qui considèrent
que la société arabe ou islamique à laquelle ils appartiennent est hérétique et mécréante, en adoptant, entre autres, les modes de vie occidentaux. En effet, le plus souvent, cette occidentalisation et cette européanisation sont utilisées par les prédicateurs radicaux comme le cheval de Troie quand ils veulent embrigader et laver le cerveau de leurs victimes.
Nous devons en Tunisie penser à «nationaliser» notre environnement socio-culturel, en imposant, par exemple, l’utilisation de la langue arabe dans les enseignes des établissements publics, les menus des restaurants et des cafés, les établissements commerciaux, mais aussi et surtout dans les radios et les télévisions nationales, car il est très déplacé d’employer le franco-arabe dans les radios nationales, alors que les générations de la lutte pour l’indépendance l’avaient déjà combattu comme une marque de dénaturation de la culture tunisienne.
Il y a eu également, après la révolution, trop de hâte dans l’adoption ou la proposition de certaines mesures intéressant la vie sociale qui auraient pu attendre un moment plus opportun, et ce sous la pression des partenaires occidentaux, comme il avait été le cas sur le plan économique, sous la pression des bailleurs de fonds.
Aussi, a-t-il fait remarquer, les premiers réformateurs arabes et musulmans du 19ème siècle et du début du 20ème siècle comme le leader nationaliste tunisien Abdelaziz Thâalbi avaient été, de loin, plus perspicaces en recommandant une modernisation productive et domestiquée par l’attachement aux valeurs nationales et aux attributs identitaires, comme certains pays nonarabes et non-musulmans l’ont fait avec succès.
Salah BEN HAMADI