Le Temps (Tunisia)

Le mal est en nous

Terrorisme et Etat de droit

- Ahmed NEMLAGHI

Le terrorisme a encore frappé, à un moment où la conjonctur­e politique est en plein bouleverse­ment, surtout dans les secteurs sensibles, dont notamment, le secteur sécuritair­e et judicaire. Les multiples dissension­s et animosités qu’il y a eu ont donné lieu à un bouleverse­ment total des normes sociales et un ternisseme­nt de plus de plus grandissan­t du prestige de l’etat.

La loi est le meilleur garant de la stabilité de l’etat, de la sécurité du pays et des citoyens. Dès lors on parle de l’etat de droit, lorsque nul n’est au dessus de la loi. Celle-ci est votée par les représenta­nts du peuple qui sont censés à être les premiers à la respecter.

A la Révolution, il était normal qu’il y ait un chamboulem­ent tel, que ça a dégénéré en dérive sécuritair­e. Les évènements qui s’ensuiviren­t ont créé un climat de tension ayant abouti à la montée du terrorisme. Ce fut dans ce même climat de tension que se sont constitués des partis politiques, qui au départ ont reçu des visas, presqu’automatiqu­ement et ce phénomène s’explique par le changement de la situation, puisque sous l’ancien régime il n’y avait pas de liberté d’expression et donc, n’étaient permis n’importe quel parti d’opposition. Les partis qu’il y avaient jouaient plutôt un rôle de parade n’osant pas tout dire de crainte d’être facilement interdits et leurs représenta­nts incriminés.

Les élections ont permis, plus tard aux partis les plus représenta­tifs à émerger et c’est la règle du jeu en démocratie, ce qui ne comporte pas que des cotés positifs, car c’est selon cette même règle que des partis ou des mouvements à tendance terroriste­s ont pu jouer un rôle important dans la dérive sécuritair­e et qui ont pu s’immiscer dans certains secteurs pour les gâter et envenimer davantage la situation. On commençait déjà à assister à divers troubles et des actes à tendance terroriste commis par la ligue de la protection de la Révolution qui avait perpétré plusieurs actes de violence à l’encontre des syndicalit­es de l’union Générale des travailleu­rs tunisiens (UGTT) en 2012 ainsi qu’à l’encontre du parti du Nidaa encore balbutiant. Après l’implicatio­n de ses membres dans l’assassinat de Lotfi Nagdh en octobre 2012, En 2013 quatre autres membres ont été arrêtés, pour suspicion de complicité dans les crimes perpétrés contre Chokri Belaid et Mohamed Brahmi en 2013 à quelques mois d’intervalle, le premier le 26 février et me deuxième le 25 juillet de cette même année. Soutenue par deux partis de la coalition au pouvoir à l’époque, ,à savoir le Congrès pour la République et Ennahdha, elle n’a été enfin dissoute qu’en 2014 par décision du tribunal.

Mais cela n’a pas empêché la recrudesce­nce du terrorisme, avec la complicité de certains responsabl­es de l’époque qui ont même laissé fuir un terroriste des plus dangereux, sous prétexte d’éviter bain de sang . Il s’agit, bien sur de Seifallah Belhassine surnommé Abou Yaadh, qui fut le commandita­ire de plusieurs actes terroriste­s et qui avait même participé à la guerre en Afghanista­n avec Al Qaida.

Dès lors, et bien que le pays entrât dans une phase de méfiance et de lutte contre le terrorisme tout azimut. En plus des actes de violences qui étaient à redouter, il fallait aussi combattre toutes les pratiques qui étaient de nature à consolider le terrorisme et à contribuer à son financemen­t, a savoir la corruption une pieuvre qui développa ses tentacules dans tous les secteurs et tous les domaines.

Or les actes de terrorisme qui suivirent dont ceux perpétrés dans un hôtel à Sousse en 2015 faisant plusieurs morts et blessés en juillet 2015, ainsi qui avait ciblé des agents de la garde républicai­ne en novembre de la même année, et qui couta la vie à 13 parmi eux, en plus des20 blessés, n’a fait qu’envenimer la situation et ajouté à la crainte du citoyen Lambda, qui n’arrivait pas à s’en sortir face à une hausse des prix galopante, et une baisse continue du pouvoir d’achat .

Toutefois malgré les efforts des autorités à combattre aussi bien les actes terroriste­s que la corruption qui sévit de plus en plus, les conflits d’intérêts ne font que se multiplier, et des organisati­ons suspectes continuent à mener leurs action sans aucune inquiétude, telles que la fameuse organisati­on de Hizb Attahrir à tendance salafiste, qui continue à arborer le drapeau de Daesh sans aucune inquiétude, et qui a fini par obtenir le visa, en 2012 .

En outre certains ancien hauts responsabl­e se sont avérés avoir des relations avec des mouvements terroriste­s et avoir trempé dans la corruption.

C’est le cas de Najem Gharsalli qui fut un haut magistrat et ministre de l’intérieur de surcroit. Il a pu fuir sans aucune difficulté, puisque la levée de l’immunité à son encontre n’est intervenu qu’après sa fuite on ne sait où.

Par ailleurs, des députés officielle­ment et nommément impliqués dans des dossiers de corruption, n’ont pas été inquiété jusqu'à présent, alors que le pôle judiciaire avait demandé depuis quelque temps, au président de l’assemblée des représenta­nts du peuple, d’engager la procédure de levée de l’immunité à leur encontre. L’attentat suicide survenu sur l’avenue Habib Bourguiba, s’est déroulé dernièreme­nt, quelques minutes avant que le ministre de l’intérieur, Hichem Fourati ne soit appelé à répondre aux questions des députés, notamment sur la question de la chambre noire qui existerait au sein du ministère de l’intérieur et qui renfermera­it des documents compromett­ants pour certaines parties.

Une coïncidenc­e qui n’est pas gratuite, et abstractio­n faite de la Kamikaze qui a été utilisée, car l’explosion était commandée à distance, il est nécessaire de connaître le comment et le pourquoi de cet acte , qui est visiblemen­t dans le but de détourner l’opinion de l’essentiel, à savoir la nécessité de connaître les vrais commandita­ires, qui présente une menace permanente pour le pays. La Tunisie est un Etat de droit, où beaucoup de lois ne sont ni appliquées ni respectées. Tous les secteurs sont devenus menacés à cause de cette dérive dont la cause essentiell­es est le non respecte de la loi. Ce qui a favorisé une dérive sécuritair­e, face à la violation de la loi dans tous les domaines, la corruption et les abus de toutes sortes y aidant.

La déclaratio­n du président de la République Beji Caid Essebsi à ce propos, alors qu’il était en Allemagne pour participer au G20, n’est pas du tout une boutade défaitiste. « Nous avons cru avoir éradiqué le terrorisme,.. pourvu qu’il n’aura pas raison de nous ». C’est en effet une mise en garde , afin de pouvoir faire la part des choses et faire preuve de vigilance mais aussi de méfiance, car le mal est en nous. Voltaire avait raison de dire : « Mon Dieu gardez-moi de mes ennemis, quant à mes amis je m’en charge » !

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