Les médias interdit de couverture de la guerre
Combien de morts la guerre, que mène l’arabie saoudite au Yémen depuis mars 2015, a-t-elle provoqué ? 10 000, comme on le lit ou l’entend partout ? 50 ou 80 000, comme l’écrit The Independent, sur la foi de l’expertise d’un groupe de recherche associé à l’université britannique du Sussex ? En réalité, personne n’en sait rien.
Ce qui est sûr, c’est que le chiffre de 10 000 morts, qui provient d’un rapport des Nations unies daté d'août 2016, n’a plus aucun rapport avec la réalité. Ou alors, il faut imaginer que les centaines, les milliers de bombardements aériens de la coalition réunie derrière l’arabie saoudite, n’ont eu aucun effet et que le décompte des morts est resté bloqué.
Parallèlement, la catastrophe humanitaire est patente du fait d’une épidémie de choléra et de la famine. Mark Lowcock, secrétaire général adjoint de L’ONU, a déclaré le 18 octobre que 8,4 millions de personnes étaient au Yémen en « situation d’insécurité alimentaire grave » et dépendaient « d’un apport en nourriture urgent ». Face à cette urgence, les médias commencent seulement à se mobiliser. Le New York Times a publié cette semaine des photos d’enfants yéménites décharnés du fait de la famine. Facebook était si peu habitué à ce type de publications qu’il a commencé par censurer ces photos d’enfants dénudés.
Il a fallu attendre le scandale de l’assassinat du chroniqueur du Washington Post, Jamal Khashoggi, pour que la presse américaine s’intéresse vraiment à la guerre au Yémen. Jusqu’ici reléguée dans les pages intérieures, la guerre est désormais présente en Une dunew York Times à travers le corps squelettique de la petite Amal Hussain, 7 ans. Le Monde, en France, consacre aussi de plus grands papiers à cette guerre depuis quelque temps.
Le grand reporter du quotidien Jeanpierre Rémy expliquait il y a un mois à Bayeux que la couverture médiatique du conflit est « inversement proportionnelle à son importance ». Mais c’est vrai qu’il est très difficile de couvrir le Yémen. « Les photographes et reporters qui ont pu y travailler se comptent sur les doigts d’une main, disait-il. Les Saoudiens bloquent l’accès au Nord. Pour les Yéménites, le pays est devenu une prison. »
Alors que se passe-t-il aujourd’hui ? La guerre n’est pas pire qu’auparavant, les pressions pour une sortie du conflit se sont même multipliées en direction de Riyad, aux États-unis, au Royaume-uni, en France, trois pays où l’on vend des armes à l’arabie saoudite. Surtout, la volonté des Occidentaux de soutenir le réformisme apparent du prince héritier Ben Salman, à l’origine de la guerre, ne résiste plus à l’épreuve du sang… d’un journaliste du Post.