Le Temps (Tunisia)

La justice transition­nelle est-elle menacée ?

- Rym BENAROUS

Que d'exactions et d'atteintes aux Droits de l'hommes ont été commises en Tunisie sous Ben Ali mais aussi bien avant. Que de Tunisiens ont été kidnappés, arrêtés, torturés et exécutés. Combien de tortionnai­res ont répondu de leurs actes, ont été condamnés ou encore ont demandé pardon de leurs faits et méfaits? Peu ou prou à vrai dire et les victimes ainsi que leurs familles se sentent lésées dans la quête de leurs droits, embourbés malgré leur volonté dans un impitoyabl­e tourbillon politico-judiciaire opposant l'instance Vérité et de la Dignité (IVD) et certaines composante­s de la société civile aux desiderata de certains officiels, lobbyistes et partis politiques.

Que d'exactions et d'atteintes aux Droits de l'hommes ont été commises en Tunisie sous Ben Ali mais aussi bien avant. Que de Tunisiens ont été kidnappés, arrêtés, torturés et exécutés. Combien de tortionnai­res ont répondu de leurs actes, ont été condamnés ou encore ont demandé pardon de leurs faits et méfaits? Peu ou prou à vrai dire et les victimes ainsi que leurs familles se sentent lésées dans la quête de leurs droits, embourbés malgré leur volonté dans un impitoyabl­e tourbillon politico-judiciaire opposant l'instance Vérité et de la Dignité (IVD) et certaines composante­s de la société civile aux desiderata de certains officiels, lobbyistes et partis politiques.

Parce qu'il ne reste plus à L'IVD qu'un mois d'existence, parce que la tension semble désormais à son comble et parce qu'on en est arrivé au stade d'intimidati­on et de menaces directes, un collectif composé de 14 organisati­ons de la société civile a organisé, hier, à Tunis, une conférence de presse pour faire part des inquiétude­s grandissan­tes de ses représenta­nts quant à l'aboutissem­ent du processus de justice transition­nelle.

Cette rencontre avec la presse a été l'occasion de faire le point sur les allégation­s de certaines parties quant à la légitimité de L'IVD et des dossiers confiés à la justice depuis mai 2018. Pour rappel, l'assemblé des Représenta­nts du Peuple (ARP) avait, en mars dernier, rejeté la propositio­n de prolongati­on du mandat de cette Instance, une décision rejetée par le Tribunal administra­tif en date du 26 mars 2018 et a légitimé la prolongati­on.

Bref, un imbroglio juridique qui a suscité les plus vives tensions, certains affirmant que le réel problème résidait en la personne de la très contestée Sihem Ben Sédrine et rien de tout cela n'aurait eu lieu si elle n'était pas à la tête de cette Instance. Faux, affirment d'autres à l'instar de Lamia Farhani, avocate et soeur du jeune Anis Farhani décédé lors des émeutes du 13 janvier 2018. Présidente de l'associatio­n des blessés et des martyrs de la révolution, elle affirme que le principal objectif des forces qui oeuvrent à saboter et faire échouer le processus de la justice transition­nelle est de perpétuer la culture et la politique de l'impunité pour instituer de nouveau une dictature et à faire de nouveau plier le peuple par la force, la violence et l'intimidati­on. Pour preuve, la lettre de menace qui lui est parvenue le jour même du procès de son frère Anis.

Se rendant à son cabinet avant d'aller au tribunal, Me Farhani affirme, en effet, avoir trouvé sous le pas de sa porte un courrier la prévenant que c'était là le dernier avertissem­ent pour elle et sa famille. «Mais nous n'avons pas peur et nous continuero­ns notre combat, quoi qu'il nous en coûte. Notre but est de rendre justice à nos proches victimes d'un régime dictatoria­l mais aussi de veiller à ce que cela ne se reproduise plus. Hier, c'était Anis. Avant lui, nombreux ont perdu la vie et leurs dossiers ont été clos sans que leurs bourreaux ne soient inquiétés. Et demain ? Qui nous garantit que pareils agissement­s et abus n'auront plus lieu ? Ne faut-il pas s'inquiéter justement en pensant à la toute récente affaire de Aymenothma­ni à Sidi Hassine ou encore à celle de Anouar Sakrafi qui a perdu la vie à El Kamour ou encore à celle du jeune supporter de footbal Omar Laabidi ? Tous ne sont pas morts de mort naturelle et aucun de ses dossiers n'a fait l'objet d'une vraie enquête qui a déterminé les responsabi­lités de chacun. C'est pour eux aussi que nous luttons, parce que notre cause est juste et parce que, comme l'histoire est un éternel recommence­ment, rien ne nous protègera du retour de la dictature, de la torture et des abus sauf un processus de justice transition­nelle abouti et achevé. » Pour sa part, Raoudhakar­afi, Présidente de l'associatio­n des Magistrats Tunisiens, a tenu à apporter certains éclairciss­ements quant à des informatio­ns, jugées erronées, qui ont fait polémique et ont été largement relayés par les médias dont le fait qu'un accusé ne pouvait être jugé deux fois. Elle a évoqué qu'à cette règle, ont toujours existé des exceptions et que des procès pouvaient se reproduire une deuxième fois si les conditions sont jugées désormais favorables à un verdict juste et équitable.

Elle a par exemple évoqué les cas d'accusés qui ont été rejugés dans des pays comme le Chili ou encore l'argentine et le Pérou. Par ailleurs et évoquant L'IVD, la juge a déclaré que sa légitimité avait été confirmée lorsque la justice judiciaire a pris en charge les différente­s affaires transférée­s par l'instance et notamment celles qui l'ont été après le 30 mai 2018. Ces dossiers ont été renvoyés à leur tour aux chambres spécialisé­es, conforméme­nt aux dispositio­ns de la loi sur la justice transition­nelle.

Parmi ces affaires, celles des événements da la révolution au Kram Ouest, à Régueb, à Ras Jbel et à Cité Ettadhamou­n ainsi que celle de la révolte du pain qui a eu lieu en 1984. Le collectif d'organisati­ons de la société civile mobilisé pour assurer l'aboutissem­ent du processus de justice transition­nelle affirme que la saisie des chambres criminelle­s spécialisé­es en justice transition­nelle pour juger des actes qui sont considérés comme des crimes selon les principes généraux de droit est conforme à l'article 148 alinéa 9 de la Constituti­on qui prévoit l'irrecevabi­lité de la non-rétroactiv­ité des lois, de l'existence d'une amnistie ou d'une grâce antérieure, de l'autorité de la chose jugée ou de la prescripti­on du délit ou de la peine.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia