Deux visions de l’émigration
JCC-2018- «Une place dans l’avion» et «Goom Bi»
Le focus Sénégal a proposé deux courts métrages sur l’émigration mais avec un traitement différents: comique pour l’un, dramatique pour l’autre.
«Une place dans l’avion» de Khadidiatou Sow et «Goom bi» de Moly Kane, deux courts sénégalais traitant de l’émigration.
Dans le premier, cette émigration est traitée de manière comique. Moussa, allongé dans la cour de sa maison, écoute la radio pendant que son épouse cuisine et que son fils, adolescent, joue avec des amis. Soudain, il entend un message sur le poste : un avion est prêt à décoller à destination des Etats-unis. Ceux qui arriveront les premiers seront les premiers servis : voyage gratuit, sans visa et avec un contrat de travail à l’arrivée. Dès lors, laissant femme et enfant, Moussa se précipite vers l’aéroport. Mais c’était sans compter sur la concurrence. C’est à une véritable course contre la montre pour arriver à l’aéroport et tous les moyens sont bons, ce qui donne des situations loufoques : vol d’un vélo, se retrouver sur des échasses pour faire de plus grandes enjambées. Moussa arrivera le premier, monte dans l’avion qui disparaît le laissant chuter lourdement sur le tarmac. Moussa a-t-il rêvé tout cela ? Sûrement, car c’est une utopie de penser qu’un jour les Etats-unis s’ouvriront ainsi à l’immigration sans visa et en proposant des contrats de travail à l’arrivée. D’autre part, la voix qui annonce ce message est une voix venue d’ailleurs, grave, comme si un diable annonçait la proposition. Mais le mirage est tellement fort qu’il peut jouer des tours sur le subconscient qui luimême va endoctriner le conscient et l’inconscient.
Le focus Sénégal a proposé deux courts métrages sur l’émigration mais avec un traitement différents : comique pour l’un, dramatique pour l’autre. «Une place dans l’avion» de Khadidiatou Sow et «Goom bi» de Moly Kane, deux courts sénégalais traitant de l’émigration.
Dans le premier, cette émigration est traitée de manière comique. Moussa, allongé dans la cour de sa maison, écoute la radio pendant que son épouse cuisine et que son fils, adolescent, joue avec des amis. Soudain, il entend un message sur le poste : un avion est prêt à décoller à destination des Etats-unis. Ceux qui arriveront les premiers seront les premiers servis : voyage gratuit, sans visa et avec un contrat de travail à l’arrivée. Dès lors, laissant femme et enfant, Moussa se précipite vers l’aéroport. Mais c’était sans compter sur la concurrence. C’est à une véritable course contre la montre pour arriver à l’aéroport et tous les moyens sont bons, ce qui donne des situations loufoques : vol d’un vélo, se retrouver sur des échasses pour faire de plus grandes enjambées. Moussa arrivera le premier, monte dans l’avion qui disparaît le laissant chuter lourdement sur le tarmac.
Moussa a-t-il rêvé tout cela ? Sûrement, car c’est une utopie de penser qu’un jour les Etats-unis s’ouvriront ainsi à l’immigration sans visa et en proposant des contrats de travail à l’arrivée. D’autre part, la voix qui annonce ce message est une voix venue d’ailleurs, grave, comme si un diable annonçait la proposition. Mais le mirage est tellement fort qu’il peut jouer des tours sur le subconscient qui lui-même va endoctriner le conscient et l’inconscient. Face à ce leurre de l’émigration, la réalité représentée par la femme de Moussa et son plat de yassa poulet qui rappelle à son mari, à chaque détour, qu’il n’a pas déjeuné. La situation peut paraître comique. En fait, cette épouse est l’incarnation de la réalité que le subconscient projette. C’est comme un avertisseur à l’attention de Moussa pour lui dire que cette place dans l’avion n’est au final qu’une grosse blague ou encore une grande arnaque.
Ce court métrage de 16 minutes montre que l’occident ne fait pas rêver que les jeunes, mais toutes les générations confondues et presque toutes les classes sociales, du moins les classes moyenne et dite ouvrière, car la classe supérieure, elle, a les moyens de se rendre où elle veut, quand elle veut.
Et quoi de meilleur qu’un bon yassa poulet en famille pour redonner la vie à un homme qui voit son espoir se volatiliser comme l’avion qu’il devait l’emmener vers le rêve américain ? Le proverbe chinois qui dit que «le véritable chemin pour toucher le coeur d’un homme passe par son estomac» n’a pas menti… Cette utopie de «l’ailleurs est meilleur» est une véritable plaie !
La plaie de l’émigration
A propos de plaie, plus la plaie est invisible à l’oeil nu, plus elle est douloureuse, c’est ce que nous avons ressenti au cours de la projection du court métrage «Goom bi» («La plaie») de Moly Kane. Cette fiction de 15 minutes raconte le retour au pays, après plusieurs années de silence, de Ngagne, la trentaine, qui s’est exilé pour trouver un «ailleurs meilleur». Heureuse, sa femme ne comprend pas le mutisme de son époux. Seuls les flash-backs que revit Ngagne permettent aux spectateurs de comprendre le calvaire qu’a subi cet homme.
«Goom bi» montre qu’outre les naufrages de bateaux remplis de clandestins il y a un autre drame que subissent les migrants : la traite d’êtres humains.moly Kane montre, par flash-back et en pudeur par des non-dits mais des gestes explicites, les sévices subis par les migrants.
Ce court fait référence à tous ces Africains subsahariens qui transitent par la Libye avec l’espoir de rejoindre l’italie et qui se sont vendu sur des «marchés aux esclaves» avant d’être soumis au travail forcé ou à l’exploitation sexuelle, et ce, selon un rapport publié le 11 avril 2017 par l’organisation internationale pour les migrations. Selon L’OIM, «Des migrants originaires d’afrique de l’ouest disent avoir été achetés et revendus dans des garages et des parkings de la ville de Sabha, localité du sud de la Libye par laquelle passent de nombreux candidats à l’exil». Mais, il faudra attendre que des journalistes de CNN filment, en novembre de la même année, une vente d’êtres humains pour que le monde découvre les conditions effroyables que vivent les migrants, pour que L’ONU décide d’ouvrir une enquête, et même siles premières preuves photographiques avait été ramenées en 2016 par le photojournaliste Narciso Contreras.mais, à part condamner, qu’est-ce qui a été faitjusqu’à présent ? En mars dernier, L’OIM a annoncé qu’elle «avait aidé 10.171 migrants à rentrer chez eux de Libye avec l’aide de l’union européenne, de l’union africaine et du gouvernement libyen depuis l’intensification du Programme d’aide au retour humanitaire volontaire (ARHV) débuté le 28 novembre 2017. Quelque 5.200 autres migrants sont rentrés avec le soutien des Etats membres de l’union africaine pendant la même période. Ils sont 23.302 à être rentrés chez eux par l’intermédiaire du programme D’ARHV de L’OIM depuis janvier 2017». Malheureusement, certains sont prêts à repartir à l’aventure. Ce ne sera pas le cas des «Ngagne», le peu qui ont compris que l’on est mieux chez soi que chez les autres.