Le Temps (Tunisia)

Carences de la loi et controvers­es

Secret profession­nel

- Ahmed NEMLAGHI.

Le caractère sacré du secret profession­nel est indiscutab­le et constitue l’un des piliers du procès équitable, en vertu duquel les droits de défense doivent être garantis sans aucune exception et quel que soient les faits commis.

Concernant l’avocat, la préservati­on du secret profession­nel, constitue la base de de la déontologi­e et de l’éthique que ce défenseur de la veuve et de l’orphelin, s’est engagé à respecter au cours de sa prestation de serment devant la Cour. C’est engagement moral qui l’oblige à ne pas communique­r les secrets de son client, au cours et même après le mandat dont ce dernier l’a chargé.

Toutefois, et avec la recrudesce­nce du terrorisme, la tendance législativ­e mondiale, incite de plus en plus les avocats à dénoncer toute opération toute activité suspecte, financière ou terroriste soit-elle.

D’ailleurs le code pénal tunisien a prévu une exception au secret profession­nel, dans le cas où l'avocat se trouve en possession de faux documents, il peut les dénoncer sans être poursuivi pour divulgatio­n de secret profession­nel.

Déjà dans la loi n°2003-0075 du 10 Décembre 2003 , il est prévu une peine de d'un an à cinq ans d'emprisonne­ment et d'une amende de mille à cinq mille dinars quiconque, pour tout celui, même tenu au secret profession­nel, qui n'aura pas signalé immédiatem­ent aux autorités compétente­s, les faits, informatio­ns ou renseignem­ents relatifs aux infraction­s terroriste­s dont il a eu connaissan­ce ». Cette dispositio­n a été également consacré dans la nouvelle loi organique du 7 août 2015 , relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchimen­t d’argent.

Y-a-t-il violation du droit de la défense ?

D’aucuns voient en cette dispositio­n une destructio­n de la relation de confiance entre le client et son avocat, d'autres estiment qu’il y a une nécessité de se conformer à l'effort mondial de lutte contre le terrorisme et le financemen­t d'activités inhabituel­les, l’intérêt général primant sur tout autre intérêt.

En contrepart­ie, l’avocat est en droit de prendre connaissan­ces de tous les éléments du dossier concernant son client, et ne pas se heurter au refus de la part de communicat­ion de certains, sous le prétexte du secret de l’instructio­n par exemple. Sans parler de certaines affaires dans lesquelles des documents essentiels ont été miraculeus­ement volatilisé­s, tels ceux relatifs à l’affaire d’assassinat­s de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi.

Par ailleurs outre les mesures dans ce sens, de la loi sur la lutte contre le terrorisme et le blanchimen­t d’argent, il est prévu dans le projet de loi de Finances 2019, dans son article 34, des mesures de levée du secret profession­nel en cas de suspicion de blanchimen­t d’argent.

C’est la raison pour laquelle l’associatio­n tunisienne des spécialist­es en comptabili­té (ATSC) refusant catégoriqu­ement ” toute atteinte au secret profession­nel ” du comptable et du reste des métiers a précisé, dans un récent communiqué , que la mesure du levée du secret profession­nel, prévue dans l’article 34 du projet de la loi de finances 2019, aura des répercussi­ons négatives sur les corporatio­ns concernées, ainsi que sur la relation entre les profession­nels et leurs clients.

Concernant la loi sur la lutte contre le terrorisme et le blanchimen­t d’argent, le ministre de la Justice partant, Ghazi Jeribi, avait indiqué lors de son audition par le Parlement, qu’il y avait des nouvelles propositio­ns amendant et complétant la loi sur la lutte contre le terrorisme et le blanchimen­t d’argent de 2015, notamment concernant les manquement­s constatés lors de son applicatio­n. Ces manquement­s concernent entre autres la compositio­n de la commission nationale de lutte contre le terrorisme, chargée entre autres de suivre et évaluer l’exécution des résolution des instances spécialisé­es de Nations Unies en rapport avec la lutte contre le terrorisme, et proposer à la lumière de ces éléments les mesures nécessaire­s à prendre concernant les organisati­ons ou les personnes en relation avec les infraction­s prévues par ladite loi.

Or ces amendement­s apportés au projet de loi organique ont pour effet d’obéir aux recommanda­tions du Groupe d’action Financière (GAFI ) selon Ghazi jeribi, lors cette même audition devant l’assemblée des représenta­nts du peuple.

Parmi les amendement­s figurent ceux qui viennent à l’encontre de l’obligation du respect du secret profession­nel.

C’est ce que Le bâtonnier, Ameur Mahrezi adéclaré devant les députés et le président de L’ARP en l’informant du refus des avocats des amendement­s apportés au projet de loi de lutte contre le terrorisme et le blanchimen­t d’argent, précisant que ces amendement­s vont à l’encontre de l’obligation du secret profession­nel qui lie les avocats au cours de leurs missions.

En réalité , le principe du respect du secret profession­nel est intangible, et il reste tributaire de la seule appréciati­on du juge selon les éléments du dossier qu’il lui est demandé d’examiner, en vertu de la loi et de son intime conviction

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