«Lents métrages» de Badreddine Ben Henda
Le nouveau recueil «Lents métrages» de Bedreddine Ben Henda, paru en septembre 2018, s’inscrit dans la ligne de son premier recueil intitulé « Douces et sans pépins ». Encore, c’est un hymne à l’amour, mais cette fois, à travers une certaine nostalgie du pays, Jendouba, où le poète est né. En effet, le poète en garde des souvenirs indélébiles, dont notamment la salle de cinéma «Le Régent» que tenait son père dans cette ville et qu’il fréquentait dans les années soixante; mais cette salle de cinéma a malheureusement disparu, comme d’ailleurs un grand nombre de salles noires dans toute la Tunisie. Le titre du recueil et la photo de couverture en font allusion, quoiqu’il s’agisse d’un jeu de mot par rapport aux films «Longs métrages». L’auteur fut impressionné à cette époque par les grands acteurs américains, européens ou égyptiens si bien que son recueil est agrémenté de photos des grands acteurs de l’époque et d’affiches de films anciens encore fixées dans sa mémoire. La création de ce recueil est donc le fruit de l’imprégnation profonde de son âme et son esprit, dès son adolescence, par l’art cinématographique et le monde merveilleux du cinéma.
Bedreddine Ben Henda est maitre de conférences à l’université de Tunis El Manar. Essayiste, il écrit «Patrimoines flaubertiens par delà les biens et le mal» en 2016 et «Voyage au bout de la nuit flaubertienne: émotions, tensions et intentions» en 2018. Poète, il publie trois recueils en 2018, «Douces et sans pépins», «Au nom du père, du fils et de l’artiste» et le dernier-né «Lents métrages». Toutes ces oeuvres ont fait récemment l’objet d’une rencontre-débat au sein du Club de la francophonie à l’union des Ecrivains Tunisiens.
Tout comme les précédents recueils, «Lents métrages» se caractérise d’abord par un langage court, bref et précis, ensuite par la forme, le rythme et la musicalité des vers et enfin par le style original plein d’humour, mais aussi d’ironies et de fantaisies. S’ajoute à tout cela le recours au jeu de mots où le poète passe pour un grand maitre. Des mots simples, mais jamais simplistes, et faciles à digérer. On peut à titre d’exemple lire ce poème intitulé «Impérissable» en page 41: «Ecrismoi/ Belle star/ Un petit/ Autographe/ Un gentil/ Paragraphe/ Dans mon coeur/ Dans ma chair/ Je l’agrafe/ Tout le jour/ Je le baise/ Et le soir/ Le paraphe.»
«Lents métrages», format livre de poche, est composé de 41 poèmes auxquels sont ajoutées des photos d’acteurs de cinéma classique ou contemporain, comme si le poète avait voulu établir une sorte de décloisonnement entre ces deux arts : la poésie et le cinéma, comme il a déjà fait avec son recueil précédent «Au nom du père, du fils et de l’artiste» où il a associé la poésie avec la peinture en insérant des tableaux de l’artiste-peintre Faouzia Dhifallah, car enfin tous les arts se complètent ! Le premier poème intitulé « Permanent » est dédiée à la placeuse de la salle de cinéma, le dernier poème qui s’intitule « Cette obscure salle de désir » est un grand soupir poussé par le poète à l’idée que ces salles de cinéma, qui ont fait la joie et le bonheur de toute une génération, ont disparu ! Deux poèmes émouvants : le premier poème décrit la salle de cinéma à l’apogée de sa grandeur et le dernier décrit le déclin désastreux de la salle de cinéma, mais aussi le désir exprimé par le poète à voir un jour la réouverture de ces salles obscures: «Revenez/ Belles salles/ Revivez/ Grands écrans/ Revenez/ C’est vital/ Revivez/ C’est urgent»