Le Temps (Tunisia)

L'orphelinat de l'horreur

«Lalo’s House»

- Zouhour HARBAOUI

«Lalo’s house» («La maison de Lalo») est un court métrage haïtien en compétitio­n officielle des Journées cinématogr­aphiquesde Carthage. Il pose la problémati­que de la traite des personnes et surtout des enfants.

Au début du court métrage, «Lalo’s house», Manouchka, une adolescent­e, sa petite soeur Phara, et d’autres enfants s’arrêtent au retour de l’école, à Jacmel, pour écouter une histoire d’un oiseau trop naïf qui se fait couper la tête dans la maison de Fiyèt-lalo, racontée à travers des marionnett­es. Arrivées dans leur maison, elles sont grondées par leur maman pour leur retard, car elle a peur pour elles.

Phara fait des cauchemars à cause de cette histoire de «Lalo’s house», mais Manouchka promet de toujours la protéger contre «Fiyèt Lalo»; une promesse comme une prémonitio­n. Peu de temps après, les deux filles se font enlever et se retrouver dans un orphelinat. Manouchka comprend très vite que cet endroit est un lieu de prostituti­on des enfants sous couvert d’une oeuvre charité. Manouchka donnera de sa vie pour que sa petite soeur puisse s’enfuir.

Tirée de plusieurs événements qui se sont réellement déroulés en Haïti, «Lalo’s house» met l’accent sur la traite des personnes et surtout des enfants. Dans le court métrage, il existe ce mot de Fiyèt (qui se trouve dans le titre original) qui n’est pas traduisibl­e. En fait, il faut revenir aux années 1940, pour comprendre toute la valeur de ce mot. En effet, «Fiyèt Lalo» désignait les femmes loup-garou dans la tradition populaire haïtienne. Par la suite, avec l’arrivée au pouvoir de François Duvalier, surnommé «Papa Doc», président de Haïti de 1957 à 1971, ce mot a désigné les militantes zélées du pouvoir en place.

Le film utilise l’origine du mot fiyèt et d’ailleurs, comme on peut lire comme accroche du film: «Whenfairy tales become reality : Fiyèt Lalo», soit «Quand les contes de fées deviennent réalité: Fiyèt Lalo». Mais là point de bonne fée, mais des bonnes soeurs ou plutôt des mauvaises soeurs qui, sous le couvert de leur habit de nonnes, sont des femmes loup-garou qui prostituen­t des enfants. De véritables maquerelle­s en robe-chasuble.

La réalisatri­ce, Kelley Kalí, a déclaré avoir travaillé sur le sujet de la traite des enfants depuis qu’elle a enquêté sur un orphelinat qui se faisait passer pour une organisati­on religieuse bienveilla­nte. Elle a eu à coeur de raconter cette histoire.

Elle a également voulu mettre à l’index que Haïti est l’un des pays où il y a très peu de condamnati­on pour des actes d’exploitati­on sexuelle. Il existe, dans ce pays des Grandes Antilles, une catégorie d’enfants qu’on surnomme les «resteavec» ou, en créole haïtien, «restavèk». Ces enfants pauvres sont, pour certains, placés comme domestique dans des familles, pour les autres envoyés à des orphelinat­s «afin que les trafiquant­s puissent tirer profit du commerce d'adoption internatio­nal». 25 % des enfants haïtiens sont séparés de leurs parents biologique­s selon L’UNICEF. Il existe plus de 750 institutio­ns privées et non réglementé­es en Haïti qui accueillen­t 30 mille enfants, dont 80 % ne sont pas orphelins, toujours selon L’UNICEF.

«Lalo’s house» met également en avant une histoire d’amour fraternel, l’ingéniosit­é infinie du coeur humain face à l’adversité, et le courage d’une adolescent­e pour que sa petite soeur retrouve la liberté et ne soit pas livrée en pâture à des prédateurs sexuels.

Tout dans ce court métrage est bien mené et Kyrarosaly­ndlesperan­ce qui jouait Phara a tout d’une grande actrice ! «Lalo’s House» méritait son Tanit d’argent du court métrage !

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia