Le Temps (Tunisia)

Le meilleur accord perdant-perdant

Brexit

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Ce n’est qu’une étape, et elle est incertaine. Il faut pourtant espérer que l’accord sur le Brexit conclu mardi 13 novembre entre la première ministre britanniqu­e, Theresa May, et le négociateu­r de l’union européenne, Michel Barnier, puis approuvé mercredi par le gouverneme­nt à Londres, constitue le début de la fin du cauchemar qui accapare toute l’énergie politique de la Grande-bretagne depuis deux ans et demi.

Il faut d’abord rendre hommage à la ténacité de Theresa May. Rarement chef de gouverneme­nt n’a pris autant de coups, subi autant d’humiliatio­ns, affronté autant de sarcasmes et de trahisons. Il faut croire que le sens du devoir de la fille de pasteur a été plus fort : cet accord impossible, Mme May a fini par le sortir de son chapeau. Dans son malheur, elle a aussi été servie par la courtoisie et la patience de son interlocut­eur, Michel Barnier, qui, tout en négociant d’une position de force, a eu les égards nécessaire­s avec un pays qu’il respecte profondéme­nt. A une époque où les échanges publics d’invectives et de menaces entre dirigeants deviennent un mode de gestion des relations internatio­nales, le maintien de ce savoir-faire européen a quelque chose de rassurant. Pour autant, Theresa May n’est pas au bout de son calvaire. Si elle a réussi à surmonter mercredi cinq heures de« débats passionnés » avec les membres de son gouverneme­nt, elle n’a pu éviter la démission de deux ministres, le ministre chargé du Brexit, Dominic Raab, et celui de l’irlande du Nord, Shailesh Vara. Et il lui reste à affronter le plus dur : la Chambre des communes.

C’est là, devant des députés inévitable­ment déchaînés, qu’il lui faudra expliquer la triste réalité, ou comment, au bout du compte, le Royaume-uni va se retrouver dans une situation pire que celle dont elle veut sortir. En recommanda­nt aux électeurs de voter oui au référendum du 23 juin 2016 pour quitter l’union européenne, les partisans du Brexit avaient un argument massue : « Take back control » – reprendre à Bruxelles le contrôle de l’accès au marché, de la circulatio­n des biens et des personnes, des règles environnem­entales et sociales, parmi d’autres. En un mot, recouvrer la souveraine­té nationale.

Remarquabl­e unité des Vingt-sept

A l’arrivée, sauf à couper tous les ponts et mettre en danger à la fois leur économie et l’union du royaume, les Britanniqu­es continuero­nt à se plier à un nombre important de règles européenne­s, comme celles de l’union douanière, mais en abandonnan­t le pouvoir de participer à leur élaboratio­n. Ce compromis a été cruellemen­t résumé par le titre qui barrait mercredi soir la « une » de l’evening Standard, journal désormais dirigé par l’un des tories qui ont quitté Mme May, George Osborne : « L’UE reprend le contrôle. »

En acceptant cet accord, la première ministre fait voler en éclats les illusions d’un Brexit auquel elle-même, avant de prendre la tête du gouverneme­nt, ne croyait pas. Avait-elle le choix ? Hormis l’option du Brexit dur (la sortie de L’UE sans accord), la pire hypothèse pour tout le monde, probableme­nt pas. Les marchands d’illusions, ceux qui ont mené la campagne de 2016 sur de fausses promesses, feraient bien d’accepter à présent une autre réalité : celle de la remarquabl­e unité dont ont fait preuve les Vingt-sept dans cette négociatio­n, alors que l’europe est divisée sur tant d’autres sujets. Dans cette situation que Donald Tusk, le président du Conseil européen, qualifie à juste titre de« perdant-perdant », Londres n’obtiendra pas de meilleur accord.

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