Une lecture à travers le prisme de la relance
Loi de finances 2019
En guise d’introduction, rappelons qu’au cours des trois dernières années, la hausse des impôts directs, de la TVA et des droits de consommation avait impacté des pans entiers de l’économie. Le secteur immobilier, notamment, a été mis en grande difficulté par la loi de finances 2018.
Rappelons également que le budget de 2019 s’inscrit dans un environnement dégradé. En effet, sur le plan économique, tous les indicateurs sont au rouge. Baisse de la production industrielle de 0,7% au cours des 7 premiers mois de 2018.
Ces mesures s’articulent autour de quatre axes. Premier axe : Mesures visant la relance de l’investissement et de soutien de la compétitivité des entreprises. 1- Exonération des entreprises créées en 2020 de l’impôt sur les revenus ou bénéfices pendant 4 années de la date de leur création à l’instar des entreprises créées au cours des années 2018 et 2019.
2- Révision du taux d’impôt sur les sociétés à 13.5% au lieu des 25% pour les bénéfices réalisés à partir de 2021 et déclarés au cours de 2022 et les années ultérieures et ce pour les secteurs des industries électroniques, mécaniques et électriques (IME), de fabrication d’automobiles, d’avions, de bateaux, de câbles, de fabrication de médicaments et des équipements médicaux. Outre le secteur du textile, du cuir et de la chaussure et des industries alimentaires, les centres d’appels, les services innovants dans les technologies de l’information et de développement des programmations et des sociétés de commerce international.
3- Permettre aux entreprises exerçant dans l’industrie et déjà soumises à l’impôt sur les sociétés d’adopter la méthode de la juste valeur pour l’évaluation de leurs immobilisations corporelles, et ce pour les états financiers arrêtés à partir du 31/12/2019. Cet avantage permettra de déduire des dotations supplémentaires au titre des nouvelles VCN ajustées pendant 5 ans pour les équipements et 20 ans pour les immeubles. Les plus-values de cession des actifs réévalués (autre que les stocks et les actifs d’exploitation) sont exonérées de l’impôt sur les sociétés, dans la limite de la différence entre la valeur réévaluée et la valeur historique. 4- Elargir le champ de déduction supplémentaire de 30% au titre des amortissements du matériel, outillage et équipements accordée aux entreprises nouvellement créées pour couvrir également les entreprises en activité à partir du 1er janvier 2017.
5- Permettre aux entreprises, autres que celles exerçant dans le secteur financier et de l’énergie (à l’exception des énergies renouvelables, des mines, de la promotion immobilière, de la consommation sur place et des opérateurs de télécommunication) de déduire la plus-value de cession des immobilisations corporelles destinées à leur activité principale, dans la limite de 50% , si la cession intervient dans les 5 années de la date d’acquisition et pour les opérations de cession qui interviendraient entre les années 2019 et 2021.
6- Soutenir les opérations de restructuration financière des établissements touristiques qui seront approuvées par un comité à créer dans ce sens et ce, par la déduction des revenus ou bénéfices réinvestis dans les opérations de restructuration dans la limite de 25% des bénéfices ou revenus soumis à l’impôt. L’avantage est accordé aux souscriptions qui interviendraient entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020.
7- Création de la banque des régions. Deuxième axe : Procédures visant la mise en place des normes internationales en matière fiscales 1- Suppression du régime de faveur des exportations et des prestataires de services financiers aux non-résidents:
• Pour les entreprises créées à partir du 1er janvier 2019, suppression du régime de faveur en matière de revenus et bénéfices réalisés par ces entreprises à partir de cette date ;
• Pour les entreprises en activité au 31 décembre 2018, suppression du régime de faveur pour les revenus et bénéfices réalisés à partir du 1er janvier 2021 et déclarés en 2022 et années ultérieures avec la mise en place de dispositions transitoires permettant la poursuite du bénéfice des avantages pour les revenus et bénéfices réalisés jusqu’au 31 décembre 2020.
2- Révision des dispositions accordant à l’administration fiscale la possibilité de réviser les prix de cession interne, notamment par la clarification des notions de contrôle et de dépendance et l’adoption des normes internationales en vigueur.
Sont considérées comme entreprises ayant des liens de contrôle ou de dépendance, les entreprises détenant directement ou par personne interposée plus de 50% au capital ou des droits de vote dans une autre entreprise, ou y exerçant effectivement le pouvoir de décision.
Il convient de préciser dans ce cadre, qu’au sein des groupes de sociétés, il est généralement indispensable que les différentes entités composant le groupe s’échangent des biens et des services et qu’il existe différentes méthodes de fixation des prix de ces derniers. (Les prix auxquels ces biens et services sont échangés sont appelés prix de transfert ou prix de cession interne), Ces méthodes sont basées sur le principe de pleine concurrence et sont reconnues par L’OCDE. Etant rappelé que, pour les entreprises multidivisionnelles, les facteurs déterminants en matière de prix de transfert sont d’une part le couple stratégie-structure et d’autre part les contraintes fiscales, juridiques et financières qui s’imposent à chacune des entités qui les composent.
Ces mesures (1 & 2) font suite aux engagements pris par la Tunisie envers le parlement européen qui a ajouté (en février 2018) la Tunisie à sa liste des pays tiers à haut risque concernant le blanchiment de capitaux. Rappelons quand même que l’optimisation fiscale, qui, parfois, frôle l’évasion, est un fléau mondial. En 2016, les entreprises américaines ont enregistré plus de profits en Irlande qui a le plus faible taux d’imposition des sociétés des pays les plus avancés à 12,5%- qu’en Chine, au Japon, au Mexique, en Allemagne et en France réunis. Et sur ces profits faramineux, elles ne se sont acquittées que du taux dérisoire de 5,7%. Chaque année, 40% des bénéfices des multinationales sont transférés artificiellement vers des paradis fiscaux et ainsi, 600 milliards de dollars de base taxable échappent aux Etats. L’union européenne perd chaque année l’équivalent de 20% du montant d’impôt sur les sociétés. Troisième axe: Lutte contre l’économie parallèle et l’évasion fiscale
D’après un rapport de la Banque mondiale, l’économie informelle et le marché parallèle représentent presque 50% du PIB (dans une récente déclaration, le gouverneur de la BCT vient de confirmer ce chiffre), ce qui fait beaucoup de tort aux entreprises et prive le budget de l’etat d’une part non négligeable des rentrées fiscales, notamment en matière de droits de douane et de consommation et de TVA.
Si, depuis quelque temps, les gouvernements qui se sont succédé ont affiché leur volonté de lutter contre l’économie parallèle et l’évasion fiscale, le projet de loi de finances de 2019 contient des mesures concrètes pour y faire face.
1- Imposer aux parties, autres que l’etat, les collectivités locales et établissements publics de mentionner sur les contrats de cession d’immeubles, de fonds de commerce et de véhicules, les références du paiement (par voie postale ou bancaire) et interdire aux instances municipales de procéder aux légalisations de signatures en cas de défaut. Mesure applicable pour les contrats signés à partir du 1er juin 2019 et comportant des sommes supérieures à dix mille dinars.
2- Mise en place de la facturation électronique pour les ventes de médicaments et de carburant.
3- Mise en place d’un référentiel légal permettant l’instauration d’un système de traçabilité surtout pour les médicaments, les produits subventionnés, le tabac et les boissons gazeuses et alcoolisées.
4- Révision des critères d’évaluation forfaitaire des revenus sur la base des éléments de train de vie afin de traduire l’évolution des niveaux de prix. 5- Augmentation du taux de retenue à la source libératoire de l’impôt sur les revenus et bénéfices revenant aux établissements stables tunisiens des établissements résidant dans des paradis fiscaux et qui n’ont pas déposé de déclaration d’existence de 15 à 25%. 6- Révision des taux de pénalités
Quatrième axe : Les mesures à vocation sociale
Le projet de loi de finances 2019 prévoit des mesures sociales, comme l’enregistrement au droit fixe des acquisitions de logements réalisées auprès des promoteurs immobiliers dans la limite de 300 000 dinars (200 000 auparavant), l’exonération des droits de consommation et la réduction du taux de TVA à 7% pour les voitures de tourisme dont la puissance fiscale n’excède pas les 4 chevaux (cylindrée inférieure à 1 200 CC), ainsi que la réduction de 19 à 7% de la TVA imposée sur les services Internet fixe dans les foyers. Cette mesure vise à augmenter le nombre des abonnés au réseau Internet et à réduire le fossé numérique entre les régions.