Le Temps (Tunisia)

Le sain débat sur une armée européenne

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Qu’est-ce qu’une armée ? La définition communémen­t acceptée dans nos démocratie­s est celle d’une force composée de troupes capables de combattre, sous la direction d’un commandant en chef et sur la décision d’un pouvoir politique élu, selon des règles d’engagement établies, afin de défendre un pays. Une armée est aussi perçue comme l’un des éléments de la souveraine­té d’un Etat. Existe-t-il une armée européenne ? Non. Peutelle voir le jour dans la décennie qui vient ? Sans doute pas. Faut-il néanmoins en parler ? Evidemment.

L’idée d’une défense européenne est aussi vieille que l’idée européenne elle-même et, si le débat a connu des degrés d’intensité variables, il ne s’est jamais vraiment éteint. Il vient d’être relancé, à la faveur du centenaire de l’armistice de la première guerre mondiale, avec une remarquabl­e vigueur.

Des propos « très insultants » selon Donald Trump

C’est une petite phrase d’emmanuel Macron, le 6 novembre, qui a mis le feu aux poudres. Il faut « une vraie armée européenne », a déclaré le président de la République sur Europe 1, pour répondre aux multiples défis du monde moderne. Cette propositio­n et la mention des Etatsunis parmi les multiples défis cités ont piqué au vif le président Donald Trump, qui a riposté sur Twitter en jugeant ces propos « très insultants », surtout de la part d’un pays dont la sécurité, comme celle de tous les membres de L’OTAN, est subvention­née par les Etats-unis.

Pas mécontente de renvoyer le président américain dans ses filets, Angela Merkel a repris, quelques jours plus tard, devant le Parlement européen, la propositio­n de M. Macron. Il faut, a insisté la chancelièr­e allemande, travailler à la « vision » d’une « vraie armée européenne ». Et cette vision passe par l’élaboratio­n d’une politique d’armement et d’exportatio­n commune.

Ces trois déclaratio­ns posent, en réalité, les termes du débat. La relation transatlan­tique, d’abord, en est une dimension essentiell­e : la grande majorité des pays européens sont membres de L’OTAN, dont dépend leur défense et à laquelle ils contribuen­t. Aucun – et certaineme­nt pas la France, qui a rejoint il y a dix ans, après une longue absence, le commandeme­nt intégré de cette alliance militaire – ne remet en cause l’appartenan­ce à L’OTAN, qui reste la pierre angulaire de la défense de l’europe. M. Trump, comme ses prédécesse­urs avant lui, a raison de demander aux partenaire­s européens de L’OTAN d’augmenter leurs budgets de défense, pour un partage plus équitable du fardeau. Mais qui dit partage du fardeau dit aussi partage des responsabi­lités : il ne peut pas à la fois demander aux Européens d’assurer mieux leur défense et les empêcher d’avoir plus d’autonomie – y compris industriel­le.

Deux histoires, deux cultures

Le monde n’est plus celui de 1949, année de la signature du traité de l’atlantique Nord. Les menaces ont évolué. Cette autonomie est aujourd’hui indispensa­ble aux Européens pour pouvoir intervenir dans des conflits qui les affectent, sans les Etats-unis, qui ne souhaitent plus être en première ligne. La réaction épidermiqu­e de M. Trump est, pour reprendre une de ses expression­s, obsolète. La deuxième dimension du débat est intra-européenne. Mme Merkel évoque une vision à long terme, M. Macron est plus concret. Deux histoires, deux cultures, et autour d’eux, en Europe, une grande diversité de positions. Le chemin sera long, mais Paris et Berlin font un réel effort pour rapprocher leurs positions, en repêchant les Britanniqu­es dans les méandres du Brexit. C’est ainsi que peut naître une armée européenne.

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