Le Temps (Tunisia)

L'entrée de l'extrême droite au Parlement andalou marque la fin de l'exception espagnole

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L’espagne est devenue un pays « normal » au sein de l’union européenne et c’est une mauvaise nouvelle. Ce pays à peine remis d’une sévère crise économique, en butte au chômage de masse, à l’augmentati­on des inégalités et aux flux migratoire­s, semblait immunisé contre l’extrême droite, en raison de son passé franquiste. Quarante-trois ans après la mort de Franco et le retour de la démocratie, l’exception est terminée. Dimanche 2 décembre, le parti Vox a fait une entrée fracassant­e au Parlement andalou en y faisant élire douze députés régionaux, avec 11 % des voix, contre 0,5 % trois ans plus tôt.

La formation d’extrême droite, fondée en 2013 par d’anciens militants du Parti populaire (PP) qui considérai­ent le parti alors dirigé par l’ex-premier ministre Mariano Rajoy comme trop tiède, défend la suppressio­n de l’autonomie régionale catalane et l’interdicti­on des partis indépendan­tistes, comme prélude au rétablisse­ment d’un Etat centralisé. Vox exige aussi de reprendre Gibraltar, territoire britanniqu­e ébranlé par le Brexit, et de construire un mur entre les villes de Ceuta et Melilla et le Maroc, pour bloquer les arrivées de migrants. Ces dernières ont repris cette année, faisant de l’espagne la principale porte d’entrée de l’union européenne.

Anti-immigratio­n, antifémini­ste et euroscepti­que

La formation s’oppose encore aux lois qui sanctionne­nt les violences machistes, qui, selon elle, « criminalis­ent les hommes » et à celles, de mémoire historique, interdisan­t l’apologie du franquisme, ainsi qu’à celles qui autorisent le mariage homosexuel ou l’avortement. Elle défend enfin d’importante­s baisses d’impôts financées par une réduction « radicale » du nombre de fonctionna­ires. Face à cette percée inédite, la défaite de Susana Diaz dans le fief andalou de la gauche augure mal des chances de succès du premier ministre socialiste espagnol, Pedro Sanchez, dont le gouverneme­nt est minoritair­e au Parlement, six mois après qu’il a poussé M. Rajoy à la démission, au printemps. Son parti a demandé en vain, lundi 3 décembre, de former une « digue de contention » entre les « partis constituti­onnalistes » et l’extrême droite.

Le PP semble au contraire disposé à sceller un accord en vue de former le gouverneme­nt régional andalou avec cette formation antiimmigr­ation, antifémini­ste et euroscepti­que. Certes, après trente-six ans de gouverneme­nt socialiste quasi ininterrom­pu dans la région et alors que l’andalousie reste à la traîne de l’espagne et de l’europe, avec un taux de chômage record de 21 %, une alternance politique est visiblemen­t demandée par les électeurs.

Risque de normalisat­ion

Le PP est pendant longtemps parvenu à rassembler une droite large, du centre droit aux nostalgiqu­es du franquisme, ce qui lui a valu de nombreuses critiques, mais a eu le mérite d’éviter jusqu’à présent qu’émerge en Espagne un discours public xénophobe. Dévier de cette ligne est dangereux. Quant au parti libéral Ciudadanos, s’il est prêt à gouverner avec un parti aux idées contraires aux valeurs européenne­s, il devra l’expliquer à ses partenaire­s continenta­ux, dont La République en marche, avec qui il négocie en vue des élections européenne­s de mai 2019.

L’alternance politique en Andalousie ne doit pas passer par la banalisati­on de l’extrême droite. Moins encore par une forme d’adhésion à son programme. Or les prises de position récentes du jeune président du PP, Pablo Casado, associant immigratio­n et délinquanc­e, semblent témoigner d’un tournant qui, à défaut d’affaiblir Vox, risque au contraire de justifier et de normaliser son discours.

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