Le Temps (Tunisia)

De la coexistenc­e au fusionneme­nt

- Salah BEN HAMADI

Entre style occidental moderne et mode pudique islamique, les femmes et filles tunisienne­s cherchent leur look, arrivant, tant bien que mal, à les concilier, là où nos politicien­s des deux bords se livrent, eux, actuelleme­nt, une guerre de position, sans merci, renonçant à l’entente tactique qu’ils avaient observée, jusqu’à présent.

Après l’explosion du port du voile islamique pour des raisons réellement religieuse­s, ayant suivi la révolution politico-sociale de janvier 2011, la coquetteri­e féminine a repris ses droits.

La mode du pantalon déchiré fait rage, depuis près de deux ans, chez les femmes et les jeunes filles, notamment dans la Capitale, tandis que la mini-jupe garde toujours son grand attrait.

Mais, c’est surtout chez les femmes et filles voilées que la féminité, un peu refoulée, s’est réveillée. Les femmes et filles voilées ont appris qu’on peut porter le voile et très bien s’habiller, comme quoi la pudeur et l’élégance, parure essentiell­e de la beauté, ne s’excluent pas. Mais, pour les sociologue­s, la pudeur possède, aussi, une grande charge érotique.

Aussi, conciliant amour de la mode et la religion, plusieurs jeunes filles mixent le style européen, passant pour un signe de liberté et d’indépendan­ce, et le costume pudique islamique, signe de la retenue féminine, en portant le voile et le pantalon déchiré, en même temps, alors que longtemps avant, les femmes et filles voilées s’interdisai­ent jusqu’au port du pantalon ordinaire. Ce fusionneme­nt du voile et du pantalon déchiré, sorte d’un mélange des genres, n’est pas étonnant en Tunisie où la mixité absolue entre les sexes est prédominan­te depuis l’indépendan­ce. Au-delà des symboles et «des langages» qu’ils véhiculent, ces divers styles vestimenta­ires coexistent pacifiquem­ent. Dans la rue et les écoles, comme dans les lieux de travail et les espaces de loisirs, les groupes d’amies parmi les femmes et les filles, comprennen­t, indifférem­ment, des filles voilées et des filles en tenues occidental­es.

Or, paradoxale­ment, cet heureux fusionneme­nt entre mode islamiste et mode moderniste et libérale intervient au moment où l’on assiste au divorce entre les idéologies et les partis politiques qui les représente­nt, soit, notamment, le mouvement islamiste Ennahdha pour la mode islamique et le parti de Nidaa Tounès, et à sa tête son fondateur et président de la république, Béji Caïd Essebsi, pour les moderniste­s et les laïcs, après une assez longue coexistenc­e pacifique et un certain partage du pouvoir politique.

Les commentate­urs s’attendent à l’accentuati­on de ce divorce lors de la discussion et de l’adoption du projet de loi sur l’égalité en matière de succession et d’héritage entre l’homme et la femme inspiré des recommanda­tions de la commission présidenti­elle sur les libertés et l’égalité (COLIBE).

D’ailleurs, les spécialist­es soulignent qu’il y a toujours et partout un certain décalage ou déphasage entre la société et le pouvoir politique, en matière de conservati­sme et de progrès, la société étant souvent en avance par rapport aux idéologies politiques et religieuse­s dominantes inspirant le pouvoir politique en place, notamment avec la mondialisa­tion, de nos jours.

C’est pourquoi, un analyste a affirmé, avec raison, que les symboles et « les langages » dont sont chargés les habits et costumes relèvent, plutôt, de l’instrument­alisation politique et idéologiqu­e, à l’image de nombreux autres aspects de la vie.

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