Le Temps (Tunisia)

Reculer pour mieux sauter

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Inébranlab­le, le gouverneme­nt Legault garde le cap sur une baisse du seuil d’immigratio­n de 53 300 à 40 000 admissions en 2019. Mais le ministre de l’immigratio­n, de la Diversité et de l’inclusion, Simon Jolin-barrette, a insisté deux fois plutôt qu’une sur le fait qu’il s’agit d’une réduction temporaire.

Il faut dire que ce seuil de 40 000 immigrants est parfaiteme­nt arbitraire et qu’il n’a fait l’objet d’aucune évaluation objective. Le gouverneme­nt caquiste aurait fait preuve d’amateurism­e s’il avait coulé ce chiffre dans le béton alors que les pénuries de maind’oeuvre, que le recours à l’immigratio­n peut contribuer à atténuer, sévissent au Québec. Le ministre a indiqué qu’il profitera de la prochaine Planificat­ion pluriannue­lle de l’immigratio­n 2020-2021, présentée pour consultati­on en août prochain, pour revoir ce seuil.

Au-delà de la question du nombre, c’est une réforme en profondeur du système d’immigratio­n que le ministre a évoquée. On ne peut reprocher au gouverneme­nt Legault de vouloir donner un sérieux coup de barre après les quinze ans du gouverneme­nt libéral dont l’indolence en la matière lui servait de politique.

Les problèmes sont nombreux : une sélection qui ne correspond pas aux emplois à pourvoir, une francisati­on déficiente, voire inexistant­e, de nouveaux arrivants dont les compétence­s ne sont pas reconnues et qui, souvent occupent des emplois pour lesquels ils sont surqualifi­és, un chômage élevé et des départs nombreux vers d’autres cieux, surtout parmi les travailleu­rs qualifiés. En outre, la régionalis­ation de l’immigratio­n est un échec : plus des trois quarts des immigrants s’installent toujours dans la grande région de Montréal.

En déposant son plan d’immigratio­n 2019 à l’assemblée nationale, le ministre Jolin-barrette a affirmé qu’il respectait l’entente Québec-ottawa sur l’immigratio­n. Sur le strict plan technique, peut-être. Mais rappelons qu’en vertu de cette entente, le Québec, qui reçoit les mêmes sommes d’ottawa quel que soit le nombre d’immigrants qu’il accueille, doit tendre vers des seuils qui maintienne­nt son poids démographi­que au sein de la fédération. On est loin du compte. Même avec le seuil de 53 300 du gouverneme­nt libéral, on n’y arrivait pas. Pour respecter cette exigence, il aurait fallu accueillir plus de 70 000 immigrants au Québec en 2018.

Pour parvenir à ce seuil de 40 000, le ministre devait en principe se résoudre à ne réduire que le nombre d’immigrants sélectionn­és par Québec. Retrancher 13 300 admissions correspond­ait à une coupe de plus de 40 % de l’immigratio­n dite économique, celle, justement, que réclame le marché du travail. Ce n’est pas ce qu’il a fait. Il a tout simplement abaissé en proportion toutes les catégories d’immigrants de 23 %, y compris les catégories dont la sélection est la prérogativ­e d’ottawa, que ce soit le regroupeme­nt familial ou les réfugiés. C’est en quelque sorte mettre le gouverneme­nt Trudeau devant le fait accompli en présumant qu’en cette année électorale il cherchera à éviter les affronteme­nts avec le gouverneme­nt québécois…

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