Le Temps (Tunisia)

L’occasion fait le larron

Justice transition­nelle et dédommagem­ent des victimes

- Ahmed NEMLAGHI

Décidément, depuis la Révolution on sème à tous vents avec toutes ces nouvelles notions que le citoyen lambda ne cerne ni le sens ni la portée. Il se sent finalement carrément hors circuit, car il ne s’est pas encore familiaris­é avec la démocratie, ni avec le nouveau système régime politique défini par la Constituti­on, à savoir un régime parlementa­ire, où le président de la République n’a qu’un pouvoir limité par rapport à celui du Chef du gouverneme­nt, et ce, à cause des réminiscen­ces de l’ancien régime, qui était un régime dictatoria­l entre les mains du président de la République. Plusieurs notions se sont enchevêtré­es et mêlées dans sa tête au point de ne plus savoir à quel saint se vouer, alors que tout ce qu’il cherche c’est de vivre dignement et subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. La première condition à cela c’est que le pays soit doté d’une justice stable et des magistrats intègres. C’est la seule condition pour la réalisatio­n de la paix et la sécurité publique. Il n’y a jamais de sérénité sans une justice équitable pour tous .Il était donc utile après la Révolution de procéder à une réforme de la Justice dans ce but.il y a eu par la même l’institutio­n de ce qu’on a appelé la justice transition­nelle créée par la loi organique du 24 décembre 2013.Selon l’article premier de cette loi , elle est définie comme étant « un processus intégré de mécanismes et de moyens mis en oeuvre pour cerner les atteintes aux droits de l'homme commises dans le passé et y remédier, et ce, en révélant la vérité, en demandant aux responsabl­es de ces atteintes de rendre compte de leurs actes, en dédommagea­nt les victimes et en rétablissa­nt leur dignité afin de parvenir à la réconcilia­tion nationale… ».La même loi, dans son article 11 fait du dédommagem­ent des victimes pour les préjudices qu’ils auraient subis, « un droit garanti par la loi et l'etat a la responsabi­lité de procurer les formes de dédommagem­ent suffisante­s, efficaces et adéquates en fonction de la gravité des violations et de la situation de chaque victime».

Le secteur de la justice affecté

La justice intervient, bien évidemment par le biais du ministère public ,afin que les conditions de culpabilit­é des mis en causes soient juridiquem­ent réunies.

Il est donc nécessaire que le secteur de la Justice coopère de manière intègre et sans parti pris. De tout temps, et depuis l’ancien régime, les magistrats ont été dans leur grande majorité, intègres et incorrupti­bles.

Toutefois ce qui a pu affecter le secteur de la justice, c’est essentiell­ement l’ascendant qu’a exercé l’exécutif sur les juges et c’est cette immixtion qui a abouti à la corruption de certains parmi eux. Celle-ci a été en quelque sorte la contrepart­ie de l’ascendant de l’exécutif qui dictait les décisions à certains magistrats , notamment dans des procès politiques.

Epurer le secteur de la justice était l’un des objectifs de la Révolution. On en est encore hélas aux balbutieme­nts, puisqu’on apprend que certains magistrats p,t été impliqués dans la corruption et les malversati­ons, les derniers en date étant ceux au nombre de 28, envers lesquels le Conseil supérieur de la magistratu­re a pris dernièreme­nt une décision de levée d’immunité. Les magistrats honnêtes représente­nt la majorité, et tiennent eux-mêmes à cette épuration sans laquelle tout le processus de la justice transition­nelle serait vicié.

Dédommagem­ent et critères peu probants

Le mandat de L’IVD prend fin le 31 décembre, et pourtant les tergiversa­tions sur les critères de dédommagem­ents se poursuiven­t, alimentées l’interventi­on de certaines parties afin de profiter du gros lot comme auparavant.

La présidente de ladite Instance a publié à la fin du mois dernier une décision-cadre portant sur les critères en question, en vue de dédommager les victimes des violations commises par les différents régimes qui se sont succédé de 1956 à 2013.Ces indemnisat­ions seront supportées par le Fonds El Karama qui à la base a été créé par le président de la République pour venir en aide aux familles indigènes.

Certains estiment qu’il y a eu un détourneme­nt de l’objet de ce fonds de son but initial favorisé par des pressions de certaines parties qui sont les premières à en profiter.

Abstractio­n faite de cela, le principe même du dédommagem­ent est vicié à la base car il favorise certains qui étaient euxmêmes impliqués dans des actions de violence. Bien sûr que la torture est condamnée quels que soient les faits commis. Ycompris qu’il y avait des innocents et auxquels on avait arraché les aveux par la force.

Si bien que le dédommagem­ent des victimes de torture et d’exactions, s’il est sur le plan légal obligatoir­e, il n’en reste pas moins que plusieurs critères entrent en ligne de compte afin de ne pas faire de la loi sur la justice transition­nelle , un moyen favorisant certains au détriment d’autres car l’occasion fait le larron pour ceux qui ne pensent qu’à leur propre intérêt au détriment de celui du pauvre citoyen qui assiste impuissant et ne fait que payer les pots cassés.

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