L’argent céleste ne fera pas le bonheur
La Tunisie pré-électorale
Le chiffre de deux millions de dinars découverts sur le compte bancaire du tenancier de « l’école coranique » de Regueb est-il si « choquant » que ça ?
Allons ! Brodons un peu là-dessus !
Disons que notre territoire recèle ou présente actuellement cinq cents unités similaires. Passons sur la carte de déploiement de cet arsenal céleste venu, à ses dires, arracher l’enfance tunisienne à son égarement existentiel. Reste le chiffre total : Un milliard de nos dinars. Soit le budget de 5 UGTT + 5 UTICA + 500 UTAP +50 ISIE + 100 HAICA+50 INLUCC. Il restera quand même quelque menue monnaie.
Le chiffre de deux millions de dinars découverts sur le compte bancaire du tenancier de « l’école coranique » de Regueb est-il si « choquant » que ça ? Allons ! Brodons un peu là-dessus ! Disons que notre territoire recèle ou présente actuellement cinq cents unités similaires. Passons sur la carte de déploiement de cet arsenal céleste venu, à ses dires, arracher l’enfance tunisienne à son égarement existentiel. Reste le chiffre total : Un milliard de nos dinars. Soit le budget de 5 UGTT + 5 UTICA + 500 UTAP +50 ISIE + 100 HAICA+50 INLUCC. Il restera quand même quelque menue monnaie.
Peut-on parler, dans ces conditions, d’élections libres et dégagées de tout trucage ?
Le montant tel qu’en lui-même dément catégoriquement et insolemment les déclarations de certains partis politiques qui nous ont habitués à se défaire de la gêne en se rabattant sur un argument qui ne tient plus. La mobilisation de tels montants ne peut être l’oeuvre d’initiatives individuelles isolées. Il s’agit donc bel et bien d’appareils, étatiques, qui financent des desseins à la hauteur de ce flot de devises dont seule la Banque Centrale est en mesure d’en assimiler la portée. La traçabilité de cet argent pose toujours problème. Car, protégée par les zones d’ombre d’une constitution qui paralyse la Justice et bi-céphalise l’exécutif, et que seuls « les forts » sont habilités à interpréter. Dans ce contexte précis, la force n’est pas ou n’est plus du côté des institutions de l’etat telles que les ministères de l’intérieur et de la Justice, ni les instances de contrôle opérant depuis 2011. Comment donc en est-on arrivé là ? En 2011, la Tunisie se réveille, au lendemain du départ de Ben Ali, sur une suite d’actions qu’aucun parti politique n’a eu le courage jusqu’ici de décrire publiquement. Pourtant, le citoyen lambda a assisté au démantèlement systématique de son appareil sécuritaire, classé jusque- là parmi les plus vigilants et les plus professionnels de la région. Une bonne quarantaine de hauts cadres du ministère a été remerciée sans ménagement. Une nouvelle ambiance de peur et de méfiance envahit aussitôt « le milieu de la sécurité». L’arrêté de l’amnistie générale achève de convaincre les plus réticents qu’il s’agit bel et bien d’une « ère nouvelle ». Les attaques et les assassinats des sécuritaires et de membres de l’armée ont fait le reste. Une ère de nondroit, et d’impunité au nom des droits de l’homme tels que dictés par les financeurs des renseignements arabes du Golfe. Quand les députés d’ennahdha crient à l’hémicycle que les auteurs d’actes de terrorisme, d’écoute ou d’entrainement et d’embrigadement d’enfants ne les engagent pas, ils disent vrai. Mais ne disent pas tout. Car ces gens à milliards sont loin d’être des poulets de batterie. A chacun son Cheikh. Si certains de ces « individus » millionnaires se revendiquent ouvertement d’ennahdha, d’autres s’en défendent même pour ne garder avec les instances du parti islamiste « légal » qu’une alliance tactique et éphémère contre leur ennemi commun, les laïcs. Nous avons encore à l’esprit deux « fuites » vidéo d’anthologie sur cette nouvelle conquête du territoire tunisien. La séquence où M. Abdelfattah Mourou assure son frère Wajdi Ghouneim de son alignement total sur les thèses des Frères musulmans qui sévissaient alors en Egypte. Dans cette séquence, Mourou explicite le schéma tactique de son parti, Ennahdha, en insistant sur la nécessité de travailler sur le long terme, en dorlotant les parents afin de ravir leurs enfants. Il ne s’agit donc pas d’actes individuels isolés, qui n’engagent pas Ennahdha. La deuxième séquence, la plus mal lue celle-là, est celle où Rached Ghannouchi est filmé à son insu alors qu’il « donnait » aux salafistes LE PERMIS de travailler sous son enseigne. « Allez installer les tentes de prédication, les écoles coraniques etc. ». La caméra tournait… son et image. Un travail de renseignement de haute voltige. Et c’est ce qui affecte le plus jusqu’à nos jours les Nahdhaouis. Leur « Morched » (guide) est tombé dans le panneau comme un petit pigeon, au moment même où ses « disciples » lui prêtaient sur les plateaux TV et dans les quartiers pauvres une intelligence surplombante, et un charisme dérivé directement de celui du prophète de l’islam. Une séquence lamentablement pathétique à tous les égards.
La délégation salafiste n’était pas le fruit d’une génération spontanée. C’était une délégation d’agents (du bas de l’échelle puisqu’ils sont Tunisiens) des services de renseignement de pays foncièrement hostiles à l’accession au pouvoir des Frères musulmans. Ayant vite compris que le printemps arabe leur était destiné entre autres, ils ont réagi si vite qu’en l’espace de quelques semaines, la Tunisie a connu un formidable déploiement de tentes et d’associations de prédication salafistes, jouant corps à corps avec celles d’ennahdha. La seule entente contre laquelle ils ont troqué leur présence, c’est d’être aux côtés des candidats nahdhaouis pendant les échéances électorales, pour les beaux yeux de l’islam et contre les laïcs et les athées de tout bord. Un minimum somme toute honnête. Le reste des péripéties de cette « alliance dans l’hostilité » des frères ennemis, on en trouvera quelques traces dans les documents publiés au gré de l’avancement de l’enquête sur « l’appareil secret » d’ennahdha.
Ce qui explique la pusillanimité du gouvernement tunisien, ce n’est pas le manque de moyens ni de compétences. C’est que les protagonistes de cette guerre larvée qui se déroule sous nos yeux en Tunisie, appartiennent de part et d’autre à des pays classés « frères », terme qui n’existe que dans la diplomatie arabe.
Cette consanguinité factice peut-elle justifier, du côté tunisien, que la souveraineté de la Tunisie et son positionnement géostratégique soient sacrifiés à un conflit d’un autre âge, d’une autre région en mal de positionnement dans le vingt et unième siècle ?
Est-il politiquement correct d’organiser des élections avec deux des plus farouches ennemis de la démocratie, armés à eux seuls de mille milliards de nos millimes, et qui agissent en toute impunité sur notre territoire?
Seuls les partis qui oseront poser le problème en ces termes comptables ont une chance d’être crédibles, indépendamment des résultats de ces élections, et de la littérature qui y sera exposée.
L’argent ne fait pas le bonheur, comme on le constate quotidiennement dans la Tunisie pré-électorale. Surtout l’argent arabe.