Face à Daech, la guerre est loin d'être finie
A son apogée, Daech contrôlait près du tiers de l'irak et la moitié de la Syrie. Après avoir perdu Mossoul et Raqqa en 2017, l'organisation est en passe d'être chassée de son dernier réduit, une zone étroite située entre l'euphrate et la frontière syro-irakienne. En décembre 2017, le Premier ministre irakien, Haider alabadi, annonçait la « victoire finale » et la « fin de la guerre contre Daech ». Le mois suivant, Donald Trump faisait lui aussi des déclarations triomphales lors de son discours sur l'état de l'union. Si le califat proclamé par Abou Bakr al-baghdadi s'est effectivement effondré, crier victoire est largement prématuré. La lutte contre le terrorisme promet d'être longue, tant à l'extérieur de nos frontières que sur le territoire national.
Des victoires en trompe-l'oeil
Plusieurs fois, par le passé, les Occidentaux ont pensé tenir leur victoire face au djihadisme. Après les attentats du 11 septembre 2001, les États-unis ont lancé un ultimatum aux talibans pour qu'ils ferment les camps d'entraînement d'alqaïda et livrent les dirigeants de l'organisation terroriste aux autorités américaines. Les talibans n'ayant donné suite, les États-unis et leurs alliés déclenchèrent une opération militaire de grande ampleur.
En quelques semaines, le régime des talibans fut balayé, les camps d'entraînement détruits et de nombreux combattants d'al-qaïda tués. La victoire paraissait nette. Et pourtant, Al-qaïda – bien que très affaiblie – n'avait pas disparu. Le groupe terroriste a muté, misant sur une stratégie de décentralisation pour survivre. Cette décentralisation a pris deux formes. D'une part, le déversement de propagande et de conseils tactiques sur Internet afin de susciter des vocations djihadistes. D'autre part, l'adoubement de groupes affiliés dans différentes régions du monde.
Al-qaïda a pu se relancer avec la guerre en Irak de 2003. L'insurrection qui a suivi la chute du régime de Saddam Hussein a rapidement pris une dimension djihadiste. En 2004 a été créée Al-qaïda en Mésopotamie, la première «filiale» de l'organisation d'oussama Ben Laden. Dirigée par Abou Moussab al-zarqaoui, elle s'est notamment distinguée par ses attentats anti-chiites et ses décapitations d'otages diffusées sur Internet. Après la mort de Zarqaoui, en 2006, Al-qaïda en Mésopotamie est devenue l'état islamique d'irak et a connu d'immenses difficultés. Ces dernières étaient essentiellement liées à l'incurie de ses nouveaux dirigeants et au renforcement de la répression. Après la mobilisation des tribus sunnites de la province de l'anbar et après l'arrivée de renforts américains, l'état islamique d'irak s'est retrouvé au bord du gouffre.
Au moment de l'élimination de ses deux principaux chefs en 2010, le groupe semblait moribond. Pourtant, il a su renaître de ses cendres, à la faveur notamment des révoltes arabes de 2011 et de la politique discriminatoire à l'égard des sunnites conduite par le gouvernement irakien de l'époque. Personne n'aurait pu prédire en 2010 qu'abou Bakr al-baghdadi, nouvel émir d'un État islamique d'irak en bien mauvaise posture, annoncerait quelques années plus tard la restauration du califat.
Une mouvance qui reste vivace
Aujourd'hui, la prudence reste de mise pour au moins trois raisons. Premièrement, Daech continue d'opérer clandestinement sous forme de guérilla.
À la mi-2018, le Pentagone estimait que l'organisation terroriste conservait environ 30 000 combattants en zone syro-irakienne. Par ailleurs, Daech est actif dans d'autres zones. Sa propagande insiste particulièrement sur ses actions en Afghanistan, en Égypte et au Yémen. Dans son livre The Islamic State in Khorasan, le chercheur Antonio Giustozzi montre que la dimension internationale de l'état islamique ne relève pas du simple effet de marque.
Des transferts de cadres, de combattants et de fonds ont eu lieu pour tenter de répliquer le modèle syro-irakien dans d'autres régions. Deuxièmement, la mouvance djihadiste ne se limite pas à Daech. Al-qaïda est toujours présente. En Syrie, par exemple, un groupe de 2 à 3 000 combattants – Tanzim Hurras al-din– est fidèle Al-qaïda. En outre, il faut se méfier d'autres structures qui ont été liées à Alqaïda avant de rompre officiellement avec elle. C'est le cas, par exemple, de Hayat Tahrir al Sham qui contrôle actuellement la région d'idlib. Au-delà de la zone syro-irakienne, Al-qaïda dans la péninsule arabique compterait, selon L'ONU, plusieurs milliers de combattants. Dans la bande sahélo-saharienne, Alqaïda au Maghreb islamique a formé une alliance avec des groupes locaux appelée le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM).
Les forces de sécurité – y compris les Casques bleus – sont régulièrement attaquées. En outre, une insurrection semble émerger au sud de la boucle du Niger, dans des zones peuplées notamment de Peuls.