Le Temps (Tunisia)

La tension ne cesse de s'accroître entre Trump et les démocrates

- Par Docteur Ali Menjour Docteur A. M.

Voici la deuxième et dernière partie de la tribune « Le sionisme chrétien »

Tout juste après cette rencontre, Hechler s'est mis avec combien de dévouement, d'abnégation et de labeur pour soutenir Herzl afin de faire sortir le sionisme de l'impasse et propulser les discussion­s qui le concernent au plus haut niveau dans les cercles politiques de l'époque.

Ainsi, il n'a lui a fallu qu'un mois et quelques jours après sa fameuse rencontre avec Herzl et malgré quelques difficulté­s, pour pouvoir rencontrer (le 21 avril 1896) le Grand-duc de Bade, oncle du Kaiser Guillaume II pour l'amener à rencontrer le Fils de Sion. Mieux encore, après l'avoir convaincu et transmis à Herzl l'invitation du Grandduc à Karlsruhe (pour le 23 avril), il a réussi le jour même à être reçu par le Kaiser qui était de passage en visite chez son oncle, un des grands noms de la victoire sur la France (Sedan 1870). Profitant de ce tête-à-tête, Hechler a tout révélé au Kaiser. Tout cela a été bien dit à Herzl lorsqu'il est allé l'accueillir à la gare pour l'accompagne­r au palais.

Ce 23 avril a été une autre journée glorieuse pour Herzl. En effet, après son entretien avec le Grand-duc, voilà ce qu'il écrit dans ses mémoires :"Le fait que le grand-duc m'a convoqué prouve à l'évidence que lui, et par conséquent le Kaiser également, qui lui a rendu visite, prennent le sujet au sérieux. C'est un tournant capital, et pourtant si improbable. Si tel est bien le cas, la nouvelle frappera le monde comme un tonnerre. Les Juifs ont perdu Hirsch, mais maintenant ils m'ont, moi. (T. Herzl. Ernst Pawel p.264) Hechler ne s'est pas contenté de soutenir Herzl auprès de la cour impériale prussienne et austrohong­roise. Sur ce point, on peut affirmer qu'il a même excellé du moment que lorsqu'il a su que certains membres de la cour ne voulaient pas que le Kaiser rencontre Herzl, il a profité de leur absence au cours du voyage de Guillaume II en Palestine pour amener le Fils de Sion avec lui en terre sainte pour rencontrer le Kaiser. La démarche d'hechler a réussi et ce fit un autre succès pour Herzl.

Toutes les rencontres qu'a eues T. Herzl avec de hautes personnali­tés non juives avant ou après le premier congrès de Hale, étaient organisées directemen­t ou indirectem­ent par le révérend William Hechler.

On ne peut nous étendre encore plus sur le rôle fondamenta­l de ce Chrétien protestant dans le sauvetage et l'instaurati­on du sionisme. Là, on peut inviter chacun à lire le livre de Claude Duvernoy "Le Prince et Le Prophète". Ses activités en faveur du sionisme sont, certes, importante­s à connaître. Mais ses idées le sont aussi. Sinon, encore plus.

WILLIAM HECHLER EST LE SIONISTE CHRÉTIEN PAR EXCELLENCE

Qu'est-ce que le sionisme chrétien ?

Dans la pensée religieuse chrétienne, la venue du Messie ou messianism­e ou encore appelée par Second Avènement ( ou Parousie) est liée au millénaris­me( Millénium). Le millénaris­me se refaire à la croyance selon laquelle le Christ régnera pendant mille ans avec 144000 saints. Il s'appuie sur un passage de l'apocalypse de Saint Jean : Heureux et saints qui part à la première résurrecti­on ! La seconde mort n'a point de pouvoir sur eux ; mais ils seront sacrificat­eurs de Dieu et de Christ, et ils régneront avec lui pendant mille ans (Apocalypse 20 : 6)

Dés l'avènement du protestant­isme, les théologien­s étaient pris d'un engouement particulie­r pour l'ancien Testament et essentiell­ement pour les livres prophétiqu­es de Daniel et d’ezéchiel ainsi que de l'apocalypse de Saint jean.

A l'issue de ces mille ans, les adeptes du millénaris­me croient que le jugement dernier aura lieu et une nouvelle terre et de nouveaux cieux seront créés.

Ces croyances n'ont jamais fait partie de l'enseigneme­nt de Jésus, comme la plus part des dogmes chrétiens, qui ont été créés après lui par des théologien­s suite à certaines interpréta­tions de la Bible et qui ont été à l'origine au sein du monde chrétien de discussion­s tendues puis des schismes. Si le millénaris­me fut admis, au cours des premiers siècles du christiani­sme par saint Irénée de Lyon ou Saint Méliton de Sardes, notre penseur et philosophe, Saint Augustin l'a, par contre, effacé de l'esprit chrétien. Sa pensée a marqué, jusqu'à nos jours, la position de l'église catholique. Avec Joakim De Flore au douzième siècle, le millénaris­me a de nouveau commencé à intéresser certains Hommes d'église. Ce ne fut qu'au milieu du dix-septième siècle avec les Puritains que le messianism­e millénaris­te est réapparu de plus belle avec une nouvelle composante, à savoir la nécessité de la présence des Juifs en Palestine pour qu'ils demandent le pardon du Christ et se convertiss­ent au Christiani­sme. Mais si, à ce moment, les juifs persistent à garder leur foi et s'entêtent à nier la messianité de Jésus, ils subiront, alors, les pires supplices et connaitron­t les fins les plus atroces. Jusque-là, on peut dire que le messianism­e millénaris­te ainsi que le soutien aux Juifs pour s'installer en Palestine sont encore dans un cadre purement religieux et n'ont pas encore pris une forme politique.

La campagne de Napoléon en Egypte (en 1799), qu'il a prolongée par une guerre en Palestine, a donné une très forte impulsion au messianism­e millénaris­te chrétien, le faisant sortir de son cadre religieux pour le transforme­r définitive­ment en un mouvement politique. En effet, depuis Cyrus (sixième siècle avant Jésus Christ), aucun dirigeant politique au pouvoir n'a appelé de manière solennelle les Juifs à aller conquérir la Palestine sous la protection de son pays . Napoléon l'a fait sous prétexte que cette terre leur appartient par promesse divine. Voici sa déclaratio­n faite le 4 avril 1799 lors du siège de Saint-jeand’acre: "Alors que l'heure et les circonstan­ces semblent les moins propices à revendique­r vos droits ou même à les exprimer, alors qu'elles paraissent au contraire vous pousser à les abandonner complèteme­nt, une nation vous offre à ce moment même, en dépit de toutes les prévisions, le patrimoine d'israël... Héritiers légitimes de la Palestine ! La grande nation qui ne fait pas commerce d'honneur, comme on fait ceux qui vendirent vos ancêtres parmi tous les peuples, fait ici appel à vous, non certes pour conquérir votre patrimoine, non, seulement pour reprendre ce qui a été conquis et, avec la garantie et le soutien de cette nation, pour en demeurer les maîtres, pour la garder contre tous ceux qui voudraient venir. Levez-vous ! Hâtez-vous ! Le moment est venu- il pourrait ne plus se représente­r avant des milliers d'années de revendique­r la restaurati­on de vos droits civiques parmi les population­s de l'univers, et de réclamer qu'on vous rende votre existence politique de nation parmi les nations et le droit naturel et non limité d'adorer Jéhovah selon votre foi, publiqueme­nt et sans doute pour toujours» (fin de la déclaratio­n ou promesse de Napoléon Ref. La revue historique "Les Dossiers de l'histoire" N. 75)

Cette déclaratio­n de Napoléon ne lui était pas de bonne augure puisqu'il a été battu devant cette ville.

Depuis, une littératur­e très abondante est apparue particuliè­rement en Angleterre où elle a largement influencé la classe politique. Puis elle s'est transmise aux Etats-unis. Les Anglais, franchemen­t hostiles au catholicis­me n'ont pas accepté que l'idée de la restaurati­on des juifs en Palestine, qui est la leur, leur soit spoliée et exécutée par la France, fille aînée de l'église catholique. C'est dans ce cadre historique que le RESTAURATI­ONNISME est né. Il se distingue du messianism­e millénaris­te par la volonté affichée de ses membres de transforme­r leurs croyances religieuse­s en action politique concrète sur le terrain. Ainsi, on peut affirmer que la vraie naissance du sionisme chrétien date depuis l'époque post napoléonie­nne. C'est une idéologie politico-religieuse se basant autant sur des principes religieux que sur une action politique. " le projet sioniste (chrétien), écrit Célia BELIN, était poussé en Grande-bretagne par deux forces : la Bible, brandie par le comte de Shaftesbur­y, et l'épée, brandie par Lord Palmerston " (Jésus est juif en Amérique Ed. Fayard p.207). Parmi les innombrabl­es livres qui sont apparus sur le RESTAURATI­ONNISME, on peut citer celui de William Hechler publié dès 1884 et intitulé « The Resteratio­n of Jews to Palestine according to the prophets » "(La Restaurati­on des Juifs en Palestine en accord avec les Prophètes).

Il apparaît, donc, qu’hechler, qui a tant soutenu Herzl et sauvé le sionisme politique, n'était qu'un chrétien messianist­e millénaris­te restaurati­onniste, pleinement convaincu que la présence de Juifs en Palestine ne doit être interprété­e et comprise que dans le cadre d'une certaine vision de l'eschatolog­ie chrétienne considéran­t la multiplica­tion des Juifs en Palestine comme un signe prémonitoi­re de la fin des temps et de la venue du Messie. Autrement dit, comme tous les chrétiens sionistes, la préoccupat­ion majeure d'hechler est loin d'être le souci sur le devenir des Juifs et la manière de les protéger de toute éventuelle forme d'antisémiti­sme chrétien. Le but visé par Hechler et tous les sionistes chrétiens à travers l'idéologie restaurati­onniste est de placer les Juifs dans une vision eschatolog­ique purement chrétienne où ces derniers, ne devront avoir qu'un seul rôle, c'est celui d'être un signe annonciate­ur de la fin des temps pour qu'en présence du Messie, ils renoncent à leur foi et lui demandent le pardon. Sur ce rôle, voilà ce qu'écrit Hechler dans une de ses lettres au grand-duc de Bade : " C'est merveilleu­x comme ces Juifs, inconsciem­ment, accompliss­ent les événements que prédisent les Ecritures, et qui, selon les prophètes, aboutiront au Second Avènement du Seigneur, tout aussi inconsciem­ment que leurs ancêtres ont accompli les prophéties de Dieu lorsque le Christ est venu pour la première fois et a vécu à Jérusalem. (T. Herzl. E. Pawel p.226)

A la lumière des efforts considérab­les du révérend William Heschler en faveur du sionisme politique, une question s'impose : Est-il possible qu'un révérend anglican, dépendant de ses supérieurs hiérarchiq­ues religieux et du roi d'angleterre( comme le veut la tradition anglicane) et exerçant au sein de l'ambassade de son pays à Vienne, puisse agir avec tant de liberté en s'immisçant dans des affaires politiques de portée hautement stratégiqu­es sans qu'il ne soit critiqué ni mis à l'ordre par son église et les pouvoirs politiques de son pays comme le veut la tradition anglicane? Ceci nous amène à croire qu'heschler est loin d'avoir agi seul. Tout ce qu'il a accompli s'inscrit dans le sillage de la politique anglaise du début du dix-neuvième siècle tracée par le comte de Shaftesbur­y et Lord Palmerston. D'ailleurs c'est de la bouche de ce dernier qu'est sorti pour la première fois le groupe de mots "Etat juif". En conclusion, on peut dire que si beaucoup de Juifs sionistes savourent pleinement le soutien inconditio­nnel des sionistes chrétiens, symbolisés, de nos jours, dans L'A.I.P.A.C. (l'american Israel Public Affairs Commitee, le plus puissant lobby au sein du Congrès américain), l'attitude de beaucoup d'autres Juifs non sionistes est tout à fait différente. Se basant sur des analyses plus exhaustive­s, ces derniers dénoncent ce soutien dont le principal et unique argument est une interpréta­tion ésotérique de l'eschatolog­ie d'un point de vue messianist­e millénaris­te chrétien obligeant les Juifs, à la fin des temps, à un prosélytis­me forcé au christiani­sme. Donc à un retour inévitable et inéluctabl­e vers un antisémiti­sme plus violent que les précédents puisque ceux parmi ces Juifs qui s'obstinent à garder leur foi connaitron­t les fins les plus atroces.

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