Le Temps (Tunisia)

« Irrécupéra­ble… »

- Par Samia HARRAR

C’est le tribut à payer. Nécessaire­ment. A la fin, lorsque s’ouvre la porte, il y juste la fulgurance d’un instant. L’ultime instant. Celui qui vous délivre, en vous livrant par là-même au bourreau. Cela s’appelle un choix consenti. Le libre-arbitre.

A la fin des « Mains sales », Sartre n’envoie pas son héros en enfer, mais lui ménage une porte de sortie qui pourrait le sauver. Pas de ce qui l’attend de l’autre côté, mais de lui-même s’il opte pour son propre asservisse­ment, en tournant le dos, à la dernière minute, à ce pourquoi il s’était battu jusque-là, à ce pourquoi il a été jugé libre, et donc rétif à tout embrigadem­ent, pour entrer dans le moule jusqu’à y perdre la raison. La raison d’espérer et de tout recommence­r. Mais on pourrait imaginer une autre fin. Le héros des « Mains sales » ouvre la porte, et lorsqu’il lance sur un ton de défi, son « irrécupéra­ble », les bourreaux s’écartent et lui cèdent le chemin. Eux, ils pourront toujours fermer la marche. Et se rallier à lui s’ils ont compris. Ont-ils compris ? Rien n’est moins sûr… A l’heure où d’autres font des comptes lorsque certains les défont, il faut accepter l’idée que celui qui est né libre, choisit de préférence de mourir libre, après avoir vécu libre. Il ouvrira la porte sans hésiter lorsque sonnera l’heure, et lâchera un seul mot : celui que tout le monde n’attendait pas. Ou est-ce bien le contraire ?

De l’eau est passée sous les ponts… Et il en passera encore avant que le dernier des « justes » ne troque son habit de juste contre un air de la saison. Pour être récupérabl­e. Lui, il est de ceux qui regardent la mer…

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