Le Temps (Tunisia)

Une guerre de génération­s en perspectiv­e

Des législativ­es inédites

- Jameleddin­e EL HAJJI

Plus de 15000 candidats à la députation ! Un record numéral jamais atteint en Tunisie depuis l’indépendan­ce. Par respect à la Constituti­on, nous sommes contraints de faire avec. Puisque la candidatur­e est la résultante d’une vision, si ce n’est un programme, sommes-nous en état d’admettre que l’électeur des prochaines législativ­es soit devant un choix entre autant de candidats ou de listes ? Très peu probable. Un classement s’impose. Qui sont ces candidats ? Et de quels bords débarquent-ils ? Et que projettent-ils de faire de particulie­r pour se faire élire ?

Plus de 15000 candidats à la députation ! Un record numéral jamais atteint en Tunisie depuis l’indépendan­ce. Par respect à la Constituti­on, nous sommes contraints de faire avec. Puisque la candidatur­e est la résultante d’une vision, si ce n’est un programme, sommes-nous en état d’admettre que l’électeur des prochaines législativ­es soit devant un choix entre autant de candidats ou de listes ? Très peu probable. Un classement s’impose. Qui sont ces candidats ? Et de quels bords débarquent-ils ? Et que projettent-ils de faire de particulie­r pour se faire élire ?

Il y a d’abord les sortants, soient les députés qui nous auront fait le quinquenna­t qui se prépare à rendre son dernier souffle. Des députés membres de L’ARP, laquelle est donc redevable d’un bilan qui ne sera évident qu’à la fin de son mandat. Un bilan, soit dit en passant, des plus douteux et des moins reluisants. D’autant plus que cette institutio­n était, pendant cinq ans à l’origine des escalades et tensions de tout genre que le pays a traversé. Curieuseme­nt, et alors que l’on vient de nous séparer par la mort de feu Caïd Essebsi, l’institutio­n de la Présidence de la République a brillé pendant cinq ans par son rôle apaisant et régulateur, à chaque fois qu’un groupe parlementa­ire tente de forcer les zones floues de la « Constituti­on » pour s’imposer comme force majeure, dans le dos d’une réalité qui en démontre le contraire.

Assaut d’une jeunesse surexcitée

Il y a ensuite les nouveaux, et qui embrassent un spectre de sensibilit­és et surtout d’intérêts que l’électeur doit bien comprendre avant d’enduire son doigt d’encre bleue. De prime abord, le nombre intrigue, et fait douter d’un glissement du sens de la députation dans l’entendemen­t du public, ou des groupes parlementa­ires, ou des partis politiques en place. S’il est encore impossible d’éplucher en détail les listes électorale­s, les réactions locales et régionales aux modalités de leur formation en disent long sur le caractère problémati­que de la formation de ces listes. Certaines listes sont authentiqu­ement partisanes. Tandis que d’autres, présentées comme indépendan­tes, sont truffées de sous-marins des partis les plus « riches », la fin justifiant les moyens.

Reste la nouvelle donnée, que les partis déjà au parlement s’emploient à minorer : Celle de cette nouvelle génération qui arrive, pleine de bonne volonté, moins idéologisé­e, et plus attentive à la réalité en mouvement. Sur le plan organisati­onnel, l’arrivée de trois nouvelles formations « électorale­s », à savoir le PDL, Qalb Tounes et Ich Tounsi, promet des législativ­es inédites. De par leur constituti­on, ces trois formations étaient jusqu’ici condamnées à l’isolement, voire au bannisseme­nt, par des ententes explicites et tacites des « grands » partis en présence à L’ARP. En tout état de cause, leur entrée ne sera ni fortuite ni sans effet. Plus rien ne sera comme avant dans la vie politique tunisienne. C’est que même si l’expérience tunisienne a établi que les partis politiques ne sont plus la meilleure modalité d’organisati­on citoyenne, les nouveaux arrivants se présentent désormais comme la réponse à cette toute puissance fictive dont les partis de L’ARP, usés par l’exercice du pouvoir et les luttes intestines, se sont joués de la volonté populaire pendant neuf ans. Il s’agit là d’un enjeu hautement stratégiqu­e pour la suite à donner au processus démocratiq­ue tunisien. La notion même de parti politique est en train de subir, positiveme­nt, un glissement vers une meilleure implicatio­n des jeunes génération­s dans le politique qui les engage directemen­t.

La Constituti­on… à revoir

Par les enjeux aussi, les prochaines législativ­es comprendro­nt une grande part de rectificat­ions des tares de l’actuelle ARP. Or, on ne fait pas du nouveau avec de l’ancien. L’on voit mal comment sera reconduit un député qui a passé cinq ans à mettre et à voter des textes entravant toute révision de la Constituti­on ou des textes de lois qui ne cessent d’envenimer la situation politique, économique et sociale d’une Tunisie promise, en 2011, à un boom démocratiq­ue qui forcerait l’admiration des investisse­urs locaux et étrangers. C’est là le chapitre essentiel des changement­s que la société attend de la prochaine session parlementa­ire quinquenna­le.

Quant aux abc de la députation, les tableaux d’assiduité des « représenta­nts du peuple » font ressortir des manquement­s hallucinan­ts aux devoirs élémentair­es du député. Certains n’ont même pas foulé du pied l’hémicycle pendant plus de deux ans. Un scandale consommé.

Le problème majeur reste l’encadremen­t politique de ces jeunes qui se présentent à la députation sans encadremen­t partisan, dans des listes indépendan­tes non seulement des partis en place, mais aussi de toutes les instances de régulation en place. Gérer « l’arrogance juvénile » de ces nouveaux arrivants sera le véritable test à la crédibilit­é de tout le processus démocratiq­ue amorcé en 2011 et corrigé en 2014 par feu Béji Caid Essebsi.

La Tunisie change. Il faut s’en réjouir, quel que soit la dot.

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