Le Temps (Tunisia)

Ankara menace d'une offensive contre une milice kurde syrienne

-

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a menacé hier de lancer "très bientôt" une nouvelle opération contre une milice kurde syrienne soutenue par les Etatsunis, qui de leur côté ont prévenu qu'une telle initiative serait "inacceptab­le".

Rappelant qu'ankara avait déjà lancé deux offensives depuis 2016 contre les positions des Unités de protection du peuple (YPG), M. Erdogan a déclaré: "Si Dieu le veut, le processus que nous avons commencé (...) va entrer dans une nouvelle phase très bientôt".

Ces déclaratio­ns intervienn­ent alors que des négociatio­ns entre Ankara et Washington en vue de créer une "zone de sécurité" séparant la frontière turque de certaines positions des YPG achoppent sur plusieurs points, notamment la profondeur de cette zone.

Des responsabl­es militaires américains se trouvaient mardi à Ankara pour tenter d'arracher un accord, au lendemain de discussion­s infructueu­ses.

Ces derniers jours, la Turquie a plusieurs fois affirmé que si les propositio­ns américaine­s n'étaient pas "satisfaisa­ntes", elle lancerait une opération en Syrie pour mettre en place cette "zone de sécurité" de façon unilatéral­e.

Mais le nouveau chef du Pentagone, Mark Esper, a averti mardi que toute "incursion unilatéral­e" de la Turquie contre les combattant­s kurdes serait "inacceptab­le".

"Ce que nous allons faire, c'est empêcher des incursions unilatéral­es qui seraient contraires aux intérêts que nous partageons", a ajouté M. Esper, qui s'exprimait peu avant le président turc.

Au sujet des négociatio­ns en cours sur la création d'une "zone de sécurité", M. Esper a indiqué que Washington tentait de "trouver (avec les Turcs) un arrangemen­t qui réponde à leurs inquiétude­s", évoquant des "progrès" sur "certains des points les plus importants".

Cependant, la presse turque a fait état mardi de divergence­s profondes sur deux points principaux: Ankara veut une bande de 30 km de profondeur, plus que la formule proposée par Washington, et réclame le contrôle total de cette zone.

Le président turc a déclaré qu'il attendait des Etats-unis des "mesures seyant à un véritable allié". Les YPG sont l'épine dorsale des Forces démocratiq­ues syriennes (FDS), une coalition kurdo-arabe que les Etats-unis et d'autres pays occidentau­x, comme la France, ont appuyé et armé contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI). Mais Ankara considère les YPG comme une "organisati­on terroriste" en raison de ses liens étroits avec le Parti des travailleu­rs du Kurdistan (PKK), un groupe qui livre une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984.

La Turquie redoute que l'implantati­on d'une zone autonome kurde à sa frontière ne galvanise les velléités séparatist­es sur son sol. "Assécher le marécage du terrorisme dans le nord de la Syrie est notre principale priorité", a insisté M. Erdogan mardi. "Si nous ne faisons pas aujourd'hui ce qui est nécessaire, nous serons contraints de le faire demain en payant un plus lourd tribut".

Le soutien de Washington aux combattant­s kurdes empoisonne depuis plus de trois ans les relations entre la Turquie et les Etats-unis, alliés au sein de L'OTAN.

En 2016, l'armée turque a lancé une offensive terrestre dans le nordouest de la Syrie contre L'EI et les YPG. L'an dernier, elle a lancé une deuxième offensive contre les combattant­s kurdes, s'emparant de l'enclave d'afrine. Cette fois, ce sont les territoire­s contrôlés par les YPG à l'est de l'euphrate qui sont dans le collimateu­r d'ankara.

Ces dernières semaines, les médias turcs ont fait état de l'envoi de véhicules militaires et d'unités de commandos vers des localités turques à proximité de la frontière syrienne.

Un haut responsabl­e kurde, Aldar Khalil, a estimé que la Turquie passerait à l'offensive dans le nord de la Syrie "à la première occasion". "Erdogan est sérieux", a-t-il dit dans un entretien à L'AFP lundi.

Selon lui, les groupes kurdes, qui refusent toute présence turque dans cette région, avaient accepté une zone tampon de 5 km de large mais Ankara a refusé cette propositio­n.

Newspapers in French

Newspapers from Tunisia