La vétusté du réseau de la SONEDE à l’index
Plusieurs régions sans eau le jour de l’aïd :
Des coupures d’eau ont été enregistrées dans plusieurs régions du pays durant la fête de l’aïd Al-idha, provoquant des manifestations bruyantes et des blocages de routes. Ces coupures ont été notamment recensées dans des quartiers populaires et des zones rurales situées dans les gouvernorats de Bizerte, Nabeul, Sousse, Kairouan, Sfax, Ben Arous, Jendouba, Medenine, l’ariana, Gafsa et Zaghouan.
Le PDG de la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux, (SONEDE), Mosbah Helali, s’est empressé de préciser que ces «perturbations au niveau de l’approvisionnement» ont été causées par un pic de consommation exceptionnel du à la vague de chaleur et à la grande consommation au cours du premier jour de l’aïd.
«Durant l’heure qui a suivi la prière de l’aïd, les ménages ont consommé 80% de ce qu’on a l’habitude de consommer en une journée, ce qui fait qu’il ne restait pas suffisamment d’eau stockée dans les réservoirs pour couvrir les besoins pour le reste de la journée», a-t-il souligné. Et d’ajouter : «Le débit de l’eau dépend aussi de l’offre et de la demande, dans certains cas la demande dépasse largement l’offre. Cela dit, nous avons augmenté les réserves en eau de 20% par rapport à la même période de l’année dernière. Dans tous les cas, nous regrettons les coupures d’eau, mais ceci est dû à des circonstances qui échappent à notre contrôle».
Le PDG de la SONEDE a également promis de régler définitivement le problème des perturbations d’approvisionnement d’ici deux ans et demi grâce à de lourds investissements qui seront consentis par ma société. Il s’est cependant tû sur la responsabilité de la société dans ses coupures inadmissibles et qui ont gâché la fête de l’aïd de plusieurs dizaines de milliers de citoyens. Les explications de M. Helali sont en effet peu convaincantes. D’auatnt plus que la SONEDE aurait en effet pu anticiper et se préparer aux pics de consommation ou, du moins, prévenir les citoyens dans les régions les plus menacées pour les coupures d’eau. Les regrets de la SONEDE n’ont pas empêché les citoyens de crier haut et fort leur colère. Des habitants de la ville de Gafsa ont exprimé leur ras-lebol en observé un sit-in et en déversant leurs ordures ménagères devant le district régional de la société publique.
Lundi, les habitants de quartier Ennahli ont érigé des barricades pour bloquer la route Tunis-bizerte, à proximité du centre commercial Géant, provoquant ainsi des embouteillages montres sous un soleil de plomb. Une verbale gabegie routière s’est rapidement installée, avec des automobilistes qui rebroussaient chemin à contre sens, des disputes musclées et des accidents, ce qui a obligé les forces de l’ordre à entamer des négociations avec les manifestants pour rouvrir la route.
Dans le gouvernorat de Nabeul, des habitants du village Errahma ont bloqué la route régionale numéro 43 reliant Mnezel Bouzelfa à Menzel Temim, en signe de protestation contre la coupure d’eau durant deux jours.
Situation de pénurie absolue
L’eau est devenue depuis quelques années un catalyseur des tensions sociales. De violentes «manifestations de la soif» ont été déjà organisées en 2018 dans une dizaine de gouvernorats, dont Sidi Bouzid, Nabeul, le Kef et Jendouba. L’observatoire tunisien de l’eau, une structure associative, a relevé 104 manifestations de colère contre les coupures répétées de l’eau durant les seuls mois de mai et juin 2018.
Pour Raoudha Gafrej, experte en gestion des ressources en eau et en adaptation au changement climatique, ces coupures s’expliquent, entre autres, par la vétusté du réseau de la SONEDE qui entraîne d’importantes pertes d’eau. La société, qui gère environ 54 000 kilomètres de conduites, l’avoue sans détour. Le maintien du réseau en bon état avec une moyenne de vie acceptable nécessite le renouvellement annuel de 1100 kilomètres de conduite. Étant donnée sa mauvaise situation financière, la Sonede n’en renouvelle qu’entre 120 à 150 kilomètres chaque année.
Professeur universitaire à l’institut Supérieur des sciences biologiques appliquées de Tunis, Mme Gafrej a également indiqué que les manifestations de la soif enregistrées au cours des dernières années constituent «un message fort» aux autorités qui ne semblent pas avoir pris conscience de la gravité de la situation hydriques du pays.
«Avec moins de 400 mètres cubes par habitant et par an, la Tunisie est en situation de pénurie d’eau absolue, une situation chronique qui a été accentuée ces dernières années par les effets des changements climatiques, l’augmentation des besoins mais également par la vétusté des infrastructures», a-t-elle précisé, estimant que les divers gouvernements «ne sont pas jusqu’ici allés au-delà des solutions de replâtrage et des demi-mesures».
La spécialiste en hydraulique pense que l’économie d’eau au robinet, la rénovation des infrastructures de la SONEDE et la mobilisation conventionnelle des ressources hydriques ne suffisent plus.
«Le gouvernement devrait déclarer l’état d’urgence et mettre en place un plan de gestion de crise. Il faudrait désormais investir dans le dessalement de l’eau, le traitement des eaux usées et revoir la tarification de l’eau potable et d’irrigation vu que le prix de vente de l’eau aussi bien brute qu’au niveau de la SONEDE, demeure largement en-dessous du prix de revient», suggère-t-elle, notant que l’etat ne doit pas, par exemple, subventionner l’eau utilisée dans les hôtels et les usines.