Un saut indigne dans le vide
Bhiri défendant Daghsni sur Facebook :
Imaginez quelqu’un avec ces qualités : Avocat, député, chef de bloc parlementaire, ancien ministre de la Justice, responsable dans le « plus grand parti politique » ou parti unique en devenir, rédacteur actif de l’actuelle constitution, candidat aux législatives…
Ce quelqu’un, sans crier gare, publie, sur le réseau Facebook, un post sous forme de « lettre au ministre de l’intérieur », en voyage en Turquie, le sermonnant pour deux descentes policières sur les foyers d’un accusé (Daghsni) dans deux affaires de droit commun. Soit dit en passant, l’accusé a été « absent » dans les deux cas. Il est donc en fuite.
Dans cette lettre, cette personne considéra les descentes policières comme étant nulles et non avenues. Elle avance même qu’elles ont eu lieu en dehors de toute assignation judiciaire. Considérant qu’il s’agit d’une forme de harcèlement, le « facebooker » va jusqu’à qualifier le travail de l’appareil de sécurité de suspect et de condamnable à tous égards. On ne sait pas cependant quelle est la qualité prêtée par cette personne à « Daghsni », et qui a poussé notre avocat, député, chef de bloc, ex-ministre de la Justice à en prendre « bénévolement » la défense. Un détail : Le nom d’abdelaziz Daghsni, président du conseil régional de la Choura d’ennahdha pour la région de Ben Arous et que l’on dit gendre de Ghannouchi, chef du Mouvement Ennahdha, et de surplus candidat aux législatives, revient souvent dans le grand dossier du présumé appareil sécuritaire secret de ce parti. Avec moult ramifications que la Justice et le comité de défense des deux martyrs, Belaïd et Brahmi, savent mieux que quiconque.
C’est effectivement ce détail qui a prévalu dans l’explication largement partagée par les facebookers réagissant à ce curieux post. Le ministère casse le jeu
Quelques heures après, c’est au ministère de l’intérieur de publier un communiqué-mise au point, où il exclut toute relation des deux descentes policières avec le dossier de l’appareil secret. En ce faisant, le ministère balance, malgré lui, des détails assez croustillants sur la vie privée du pieux Daghsni. On apprend qu’il a deux maisons, l’une pour son ex-femme (en séparation de corps), et une autre pour sa seconde famille, laquelle était absente au moment des faits policiers. Dieu merci, l’islam n’est plus en danger, ouf !
Reste que l’auteur de ce post facebook, ne sera pas poursuivi pour incitation à la violence, ni pour atteinte à une institution de l’etat, ni de mensonge assorti d’accusations frauduleuses, ni d’interférence dans les affaires d’un corps régalien. Il a plus d’une immunité en poche, celui qui nous a fait la Constitution dont le préambule est un chef d’oeuvre de discrimination ethnique et confessionnelle.
Lui qui a « enjoint » au ministère de l’intérieur de présenter des excuses et de réhabiliter Daghsni aux yeux des siens et de nous autres !
Avec ce niveau de culture juridique, et d’engagement (témérité) politique, on peut laisser passer certains égarements. Mais voilà que le mal est fait. M. Bhiri a été le ministre de la Justice postrévolutionnaire, doublé d’un sinistre Ayatollah Khalkhali, qui faisait exécuter les Iraniens au terme de longs procès, de cinq à dix minutes chacun. Au moment où le même Rached Ghannouchi attendait son tour pour voir Khomeiny, et se remplir de sa baraka. C’était en 1979.
Qu’est ce qui a changé depuis ? Tout, sauf la mentalité et la culture de Ghannouchi, Bhiri, Daghsni et d’autres encore.
Le seul à pouvoir « halaliser » ou justifier ce processus encore en cours, c’est Abdelfattah Mourou, heureux candidat à la présidentielle, du parti du mouvement Ennahdha.
Le problème est donc bel et bien : A quoi servent les institutions de l’etat, si elles ne sont pas mises à contribution pour éliminer tous ceux qui ne répondent pas au préambule de la Constitution, à la manière d’ayatollah Khalkhali, le boucher de la révolution, selon la presse internationale d’alors. L’etat tunisien a encore beaucoup de chemin à faire. Non seulement en matière de rédaction des textes, mais en matière d’en donner la portée politique. Cela reste l’apanage du plus fort. Soyons d’accord au moins sur ce point.
Qui donc doit s’excuser publiquement ? Et réhabiliter le ministère de l’intérieur ?