Le Temps (Tunisia)

La guerre des deux Matteo aura lieu ?

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Matteo Renzi est au centre de tractation­s pour former un exécutif commun entre son parti et le Mouvement 5 étoiles pour faire barrage à Salvini.

Il s'était éclipsé après un revers cuisant à la tête du Parti démocrate lors des élections de mars 2018 et voilà qu'à la faveur d'un été agité, l'ancien président du Conseil Matteo Renzi marque son retour sur le devant de la scène politique transalpin­e.

À la suite de la mort technique de l'alliance gouverneme­ntale entre le Mouvement 5 étoiles (parti anti-système) et la Ligue (extrême droite), prononcée la semaine dernière, le sénateur de Toscane s'est fait le porteur d'une propositio­n politique inattendue. En lieu et place des élections anticipées, tant demandées par le vice-premier ministre Salvini, Renzi appelle à la formation d'un « gouverneme­nt institutio­nnel » ouvert. L'objectif est double, selon l'élu : éviter à tout prix la tenue d'un scrutin qui serait, au vu des sondages, un boulevard électoral pour le chef de la Ligue et surtout mettre sur pied un exécutif capable de gérer les échéances économique­s à court terme.

Le défi principal sera de boucler la loi de budget 2020 à temps – impliquant de trouver les 23 milliards d'euros manquants – et d'éviter ainsi une hausse automatiqu­e de la TVA, à compter du 1er janvier, qui porterait un coup sérieux aux finances des Italiens. « Si vous votez en octobre, quel que soit le vainqueur, c'est la récession », résumait ainsi Matteo Renzi. Et preuve que l'ancien chef du gouverneme­nt est prêt à tout pour éviter à sa chère Italie le marasme économique, Renzi a proposé d'unir dans ce « gouverneme­nt législatif » les élus du Parti démocrate aux membres du Mouvement 5 étoiles. Une initiative qui en a surpris plus d'un. L'hypothèse d'une alliance PD-M5S n'est en effet pas nouvelle. Au lendemain des élections législativ­es de mars 2018, remportées haut la main par le parti anti-système, des discussion­s entre les deux formations avaient été lancées. Mais c'était sans compter à l'époque sur l'interventi­on d'un homme, Matteo Renzi, et de son hashtag devenu célèbre #Senzadime (sans moi). « Je suis fier d'avoir contribué, avec beaucoup d'autres militants, à éviter l'accord entre le PD et les Cinq étoiles », s'enorgueill­issait alors le chef des démocrates. Et d'ajouter : « Ce n'était pas par dépit, mais simplement un constat : par rapport aux dirigeants Cinq étoiles, nous avons une conception différente de l'europe, du travail, de l'avenir, des droits, de la lutte politique contre les adversaire­s. »

Un an et demi après, l'ancien maire de Florence semble donc avoir changé d'avis. Les divergence­s politiques sont toujours vivaces, mais voilà le Toscan prêt à dialoguer avec ceux qui ne l'ont pas épargné en critiques (notamment l'actuel leader du mouvement, Luigi Di Maio, aujourd'hui ouvert au dialogue, mais pas avec Renzi) ces dernières années. Même à leur accorder son soutien pour un projet de loi phare du M5S : la réduction du nombre de parlementa­ires (à laquelle s'oppose pourtant le PD). Un revirement qui complique les plans de Matteo Salvini et que Il Capitano n'a pas manqué de railler, parlant de « honte nationale ».

« Il y a quatorze mois, la situation était vraiment différente, Salvini était dangereux, mais pas comme aujourd'hui. Quatorze mois après, il a montré concrèteme­nt ce qu'il voulait faire des institutio­ns républicai­nes et du gouverneme­nt. Nous savons donc avec certitude ce qu'il ferait s'il avait le contrôle absolu de la politique italienne », justifie Andrea Romano, député du PD. On parle ici de « faire face à l'urgence » et non pas de « se présenter ensemble aux élections », prévient l'élu de Livourne (Toscane).

Dans la presse italienne, on estime cependant que ce retour en force du sénateur de 44 ans met également en lumière les batailles internes du parti de centre gauche. « Renzi n'a aucune intention d'aller aux urnes. Même s'il n'est plus à la tête du parti, il contrôle la majorité des parlementa­ires PD, élus sous sa direction. En cas de scrutin, au vu des sondages, il pourrait perdre de nombreux élus fidèles », analyse Mauro Calise, professeur à l'université Federico II de Naples… Une dernière hypothèse qui marquerait, elle, le retour de Matteo Renzi dans l'arène, deux ans et demi après l'échec de sa réforme constituti­onnelle qui lui avait coûté son fauteuil du Palais Chigi (siège de la présidence du Conseil). Et ce même si les sondages ne l'épargnent pas : seul un Italien sur quatre aurait une opinion positive de l'ancien chef du gouverneme­nt, selon une enquête d'opinion Demos. « Il y a une semaine, l'opposition de Renzi au sein du pouvoir législatif ne comptait pour rien. Avec ce possible gouverneme­nt, même si lui ou ses proches ne sont pas directemen­t dans le cabinet, avec son influence sur les parlementa­ires, ses très bonnes relations avec l'union européenne, sa voix comptera », garantit le politologu­e Mauro Calise.

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