L’humour, arme «blanche» des Tunisiens
Contre mauvaise fortune bon coeur :
Certes, la Tunisie est loin d’être un pays riche économiquement, développé industriellement ou abondant en ressources naturelles. Toutefois, la Tunisie est riche de son peuple et cela, nul ne peut le nier. Les compétences humaines sont en effet la principale ressource du pays et son épine dorsale. Et qu’aurait été la vie des Tunisiens sans leur humour décapant ? Auraient-ils supporté pacifiquement leur quotidien ou la cocotte aurait explosé depuis bien longtemps ?
La scène semble surréaliste. Elle se déroule un dimanche soir au Kram. Une fanfare entonne des chansons festives dans la rue et des badauds, attroupés, applaudissent et immortalisent le moment avec leurs téléphones. S’agit-il de l’inauguration d’un nouvel établissement public de la commune ? S’agit-il de la célébration de mariage de l’un des riverains ? S’agit-il de la fête de circoncision de l’un des petits garçons du quartier ?
Non, il s’agit d’un anniversaire et pas n’importe lequel ! Il y a un mois, jour pour jour, la municipalité creusait en effet un gros trou au niveau de l’une des routes du Kram, un énorme cratère, diront certains, occasionnant une gêne énorme pour tous. Trente jour plus jour, le trou y est toujours aussi béant et la municipalité ne semble pas pressée d’achever les travaux et combler la fosse.
Les riverains ont alors décidé de faire entendre leur voix, mais de la plus insolite des manières. Ils ont amené une fanfare et organisé l’ « anniversaire du trou ». Un panneau bien visible a été planté, avec écrit dessus : « Voilà 30 jours que le trou est là. Où est le maire du Kram ? » C’est donc ainsi que les riverains ont décidé d’exprimer leur mécontentement, sans accrocs ni grabuge mais avec beaucoup d’humour.
Relayée sur les réseaux sociaux, la vidéo est vite devenue virale et a été partagée à très large échelle. Changera-t-elle la donne et le trou sera-t-il rapidement comblé ? Période pré-électorale exige, parions qu’il en sera ainsi mais ce qui est à retenir c’est le degré de civisme atteint par certains Tunisiens qui ont fait de l’humour un moyen subtil et efficace pour attirer l’attention des responsables et autres décideurs.
Quand on n’a que l’humour...
Quand certains ont inventé la capoeira pour dénoncer et extérioriser les affres de l’esclavage et que d’autres ont choisi les affrontements violents et sanguinaires pour exprimer leur ras-le-bol, les Tunisiens ont, eux, choisi l’humour. Certes, ce n’est pas toujours le cas et des dérapages plus ou moins violents et plus ou moins graves sont recensés.
Toujours est-il, les Tunisiens ont toujours fait de l’humour leur arme « blanche », c’est à dire pacifique mais tellement acérée et lourde de sens. Pour preuve, lors des inondations, n’a-t-on pas vu des citoyens sortir de petites barques et des planches de surf dans les rues ? L’avion militaire libyen atterri en urgence en Tunisie n’a-t-il pas été mis en vente sur un site en ligne ? Les candidats aux élections présidentielles n’ont-ils pas été immédiatement tournés en dérision ? La hausse des prix des fruits et légumes n’a-t-elle pas donné lieu à des commentaires loufoques ? La grève des transporteurs de carburant et malgré les interminables files d’attente, n’a-t-elle pas été commentée avec force plaisanteries par les Tunisiens, qui trouvent, depuis la révolution, dans les réseaux sociaux un réel espace de liberté dans lequel ils mêlent, à profusion, critiques, insultes, ironie et humour ?
C’est qu’à défaut d’en pleurer, les Tunisiens ont choisi de rire de leur quotidien qui est loin d’être simple, tranquille et serein. Même de l’actualité internationale, ils ont choisi de s’en mêler avec humour. Pour preuve, les commentaires hilarants sur les gilets jaunes ou encore les trolls sur les pages de certains personnages célèbres à l’instar de Barack Obama en 2011. Aujourd’hui et à l’approche des élections qui s’annoncent rudes et impitoyables, parions qu’on n’a pas fini de rire...