Portraits sous la lumière
De Marie à Ouled Ahmed, parue en novembre 2018 de Mohamed Boughanmi, intrigue par son titre et invite à en savoir plus, tous les tunisiens connaissent le nom du poète, décédé, il y a trois ans qui a notamment écrit « les femmes de mon pays sont des femmes et demies», mais Marie, et le rapport entre celle-ci et lui ? Celle-ci est le nom du personnage qui figure dans l’une des nouvelles. Avouons que le titre est accrocheur et le nom du poète est à lui seul vendeur.
L’auteur vit en France, il y enseignant l’arabe et le cinéma, conseiller pédagogique, il a écrit quelques essais dont l’ un d’eux traite d’une méthode d’apprentissage de la langue arabe, s’intéressant à la littérature il a écrit un roman « Traversée » ; dans le domaine du cinéma, il a réalisé plusieurs courts métrages, l’un d’eux, primé, a été réalisé avec la collaboration du danseur et chorégraphe Maurice Béjart, traite a des rapports entre la chorégraphie et la calligraphie. De Ouled Ahmed à Marie renferme une vingtaine de nouvelles de quelques pages chacune, où l’on découvre une série de portraits assez sympathiques que l’auteur a côtoyés ou fréquentés et qu’il décrit avec beaucoup d’affection, parfois de chaleur, un seul personnage, qui a occupé la direction du Centre international de Hammamet ne trouve pas grâce à ses yeux, il s’en sort avec des traces et des adjectifs peu amènes.
Prenons le personnage de l’« inoubliable» Marie que l’auteur, en surveillance a connue dans une salle d’examen du baccalauréat. Elle fut prise d’une tétanie et écumai de la bouche, il fallait l’évacuer … Cela nous vaut une digression sur le nom de Marie qui se décline en Maryam, mère de Jésus dans le Coran et un vagabondage dans le passé et des souvenirs chauds. On saute pour rencontrer une autre jeune fille du nom de Zénobie, voulant dire « don de Zeus » en grec, princesse de Palmyre, défaite par Aurélien, qui au fil de l’histoire se transforme en Zayneb « bel arbre » en arabe, avec un tel nom légendaire, la digression s’impose. ..Boughanmi ne s’en prive pas.
Et Ouled Ahmed ? L’auteur l’a rencontré dans les années quatre dix à Dar Sebastien à Hammamet, ce poète, comme Mahmoud Darouiche est entré, estime-t il dans un processus de déconstruction audacieux et moderne. Rentré en France, l’auteur commence à lire aux étudiants l’oeuvre des deux poètes… une rencontre avec le poète tunisien, une promesse de traduction d’un poème, une photo, la mort du poète, le mentor de l’auteur. On lira la vie d’autres personnages, français, comme le chaleureux Raymond, grand ami de l’auteur ou de Mohamed « alter ego » dira Boughanmi.
Le style de Boughanmi ne bouleverse en rien la littérature, simple, conventionnel même, conforme à ce qu’un enseignant transmet à ses élèves, point de distorsion e phrases, ni de transgression, l’auteur est manifestement nourri à la littérature classique ou académique. Style lisse, clair, «lisible », par moments orné. Dans des chapitres, il y a des répétitions de mots parfois assez gênants: le mot « épreuves » dans un chapitre de Marie par exemple. Mais malgré ces infimes remarques, Boughanemi loue le rôle qu’ont joué ses personnages dans sa vie, il leur rend en quelque sorte hommage. A la lumière de ses fréquentations, l’homme, l’auteur nous paraît tourné vers l’avenir, doté d’une culture éclairée et éclairante, ses « compagnons de route » sont sympathiques, quelques-uns attachants comme Raymond, Sophia ou Mohamed.
De Marie à Ouled Ahmed éd. Nirvana, 200p, 15d