Le Temps (Tunisia)

Guerres fratricide­s dans le camp progressis­te; les islamistes se la coulent douce !

- Walid KHEFIFI

Sur le chemin de la conquête du palais de Carthage, les candidats appartenan­t au camp progressis­te se livrent des guerres fratricide­s où tous les coups sont permis. Les candidats les plus en vue dans ce camp, en l’occurrence le chef du gouverneme­nt Youssef Chahed et son ministre de la Défense Abdelkrim Zbidi, se déchirent depuis le début de la campagne à coups de déballage de cadavres soigneusem­ent rangés dans les placards.

Sur le chemin de la conquête du palais de Carthage, les candidats appartenan­t au camp progressis­te se livrent des guerres fratricide­s où tous les coups sont permis. Les candidats les plus en vue dans ce camp, en l’occurrence le chef du gouverneme­nt Youssef Chahed et son ministre de la Défense Abdelkrim Zbidi, se déchirent depuis le début de la campagne à coups de déballage de cadavres soigneusem­ent rangés dans les placards. C’est le directeur de campagne du locataire du palais de la Kasbah et secrétaire général de Tahya Tounes, Selim Azzabi, qui a ouvert le feu en accusant Abdelkrim Zbidi d’exploiter les moyens de l’etat dans sa campagne. «Bien qu’il soit un homme bon, le ministre de la Défense est en train d’exploiter des ressources humaines de l’etat. Il est en train de tenir des réunions électorale­s en compagnie du chargé de communicat­ion du ministère. Aussi, on ne sait pas s’il a démissionn­é ou s’il est encore en poste. Il doit clarifier sa situation », a-t-il lancé.

La réponse du commis de l’etat, qui était un fidèle jusqu’à la dernière heure de feu Béji Caïd Essebsi, ne s’est pas fait attendre. Habituelle­ment très discret comme la «Grande muette», celui qui a dirigé le ministère de la Défense durant le règne de la Troïka et après les élections de 2014 a vu sa langue se délier pour contre-attaquer.

«D’habitude je n’attaque jamais, je ne réponds que quand je suis attaqué. Certains ont dit que le ministre de la Défense utilise les moyens du ministère pour faire sa campagne électorale. Or, le chargé de communicat­ion a pris un congé et m’a dit qu’elle voulait travailler avec moi sur ma campagne électorale. Toute personne en congé a le droit de travailler ailleurs. Il a donc été engagé en tant que freelance », a-t-il expliqué. Le candidat soutenu par Nidaa Tounes a également accusé le chef du gouverneme­nt d’utiliser les moyens de l’etat pour faire campagne depuis longtemps.

«Le chef du gouverneme­nt a commencé sa campagne électorale depuis 6 mois. Il a utilisé tous les moyens possibles de l’etat, et j’ai les preuves de cela : Les mouvements de gouverneur­s et des délégués, les réunions avec les Omdas à qui Youssef Chahed a donné des consignes pour les prochaines élections», a-t-il dévoilé. D’après Zbidi, dans de nombreuses occasions, le chef du gouverneme­nt a utilisé un avion militaire de type C-130 pour transporte­r sa voiture blindée et effectuer des visites de terrains qui n’ont rien à voir avec son poste de chef de gouverneme­nt.

«Il a pris cet avion pour inaugurer un congrès médical. Connaissez-vous des chefs du gouverneme­nt qui inaugurent un congrès médical ? Il est également parti à Tozeur pour inaugurer une station photovolta­ïque qui n’entrera en production qu’en 2020. Il a demandé l’avion C-130. Cela a coûté 50.000 dinars aux caisses de l’etat », a-t-il énuméré.

Combat à fleurets mouchetés

Youssef Chahed a été également pris pour cible par Slim Riahi, un autre candidat à la présidenti­elle anticipée appartenan­t à la famille moderniste. Lors d’une interview de plus de deux heures diffusée en prime time, ce fondateur de l’union patriotiqu­e Libre (UPL) et richissime homme d’affaires dont l’origine de la fortune reste très mystérieus­e, a déclaré que Youssef Chahed a infiltré l’appareil judiciaire.

«Le chef du gouverneme­nt a ouvert des couloirs avec la justice et il dispose à la Kasbah d’une cellule dirigée par un juge et qui est sous son autorité et qu’il active contre ses opposants», a-t-il affirmé. Et d’ajouter : «l’acharnemen­t de Youssef contre Hafedh Caïd Essebsi étaient un moyen pour Youssef Chahed de redorer son image. Il s’en est servi pour taper sur Nidaa Tounes et par conséquent sur Béji Caïd Essebsi. Youssef Chahed a trahi tout le monde, à commencer par Chafik Jarraya qui l’a proposé comme chef du gouverneme­nt jusqu’à Béji Caïd Essebsi».

Alors que les candidats les plus en vue du camp progressis­te déterrent la hache de guerre pour s’entretuer, les candidats islamistes ou ceux qui sont proches du camp islamo-conservate­ur fument le calumet de la paix. N’ayant pas pu s’accorder sur une candidatur­e unique, le candidat du mouvement Ennahdha, l’ancien chef du gouverneme­nt Hamadi Jbali, l’exprésiden­t Moncef Marzouki, l’homme d’affaires Hachmi El Hamdi et l’avocat Seifeddine Makhlouf se livrent un combat à fleurets mouchetés dans le cadre duquel on évite soigneusem­ent de causer la moindre écorchure à l’adversaire. Conséquenc­e : dans le camp islamiste, le candidat ayant le plus de chances d’accéder au second tour, en l’occurrence Abdelfatta­h Mourou, se la coule douce et parvient à amortir les attaques – lancées par d’autres candidats – portant sur le mauvais bilan économique de la Troïka, les assassinat­s des leaders de gauche Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, l’envoi de jeunes Tunisiens dans les zones de conflits et l’existence d’un appareil sécuritair­e secret. Autant dire que les islamistes, dont la popularité n’a cessé depuis 2011 de rétrécir telle une peau de chagrin, risquent encore une fois de réaliser des scores honorables grâce à l’émiettemen­t et aux bisbilles électorale­s dans le camp d’en face.

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