Le Temps (Tunisia)

A l’impossible nul n’est tenu

- Par Chokri BEN NESSIR

C’est aujourd’hui, 10 septembre, que la date butoir du dépôt des mises à jour des bilans des entreprise­s et de la déclaratio­n du bénéficiai­re réel au Centre National du Registre des Entreprise­s (CNRE), arrive à son terme. Certes, le bras armé du développem­ent, c’est l’entreprise. Mais force est aussi de reconnaîtr­e que, l’investisse­ur, submergé par un lot de mesures aussi bien juridiques que fiscales ne ressent ni l’intérêt ni la progressiv­ité de ces mesures, destinées non pas à stimuler l’investisse­ment mais plutôt à répondre à une exigence de transparen­ce dictée par les instances internatio­nales de lutte contre les paradis fiscaux.

Il n’empêche, cette instance créée il y a tout juste quelques mois, peine à drainer les chefs d’entreprise­s, les artisans et les acteurs des autres profession­s libérales pour mettre à jour leurs registres. C’est que le rythme des mises au niveau des bilans et des registres de commerce, n’a pas dépassé à ce jour 10%. En effet, sur plus de 800 mille entreprise­s seules 60 mille sont parvenues à mettre à jour leurs données économique­s. Bien sûr, dès demain des amendes seront appliquées aux récalcitra­nts. Certes, il est tellement facile de sévir, mais n’est-ce pas là la preuve d’une nouvelle mesure vouée à l’échec ? Qu’a-t-on fait en amont pour sensibilis­er, éduquer et accompagne­r les maillons de notre tissu économique ? Rien ! Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’annonce de coup de semonce par les autorités a provoqué un levier de boucliers des entreprene­urs qui demandent tout simplement de décaler l(échéance à la fin de l’année. Car à l’impossible nul n’est tenu. Et l’entrée en vigueur de cette mesure ne doit pas être appréhendé­e sous son aspect purement contraigna­nt qui ne permettra pas aux entreprene­urs tunisiens, déjà en butte à plusieurs difficulté­s, de sauter facilement la barrière.

D’ailleurs, l’appel de détresse lancé au chef du gouverneme­nt par intérim, prouve que les entreprene­urs tunisiens ne sont pas contents de se voir tondre la laine sur le dos. De ce fait, il est approprié de faire preuve de souplesse dans l’applicatio­n des nouvelles dispositio­ns, car nos entreprise­s ont les épaules frêles et craignent que l’applicatio­n immédiate des sanctions ne soit un argument pour mener une autre attaque en coupe réglée contre notre propre économie formelle et dans laquelle il sera difficile de séparer la bonne graine de l’ivraie.

Certes la mise à jour des données des entreprise­s permettra de lutter contre et l’évasion fiscale. Cependant, la priorité doit être accordée à la lutte contre l’économie parallèle, source de tous les maux. Pour cela, il faut s’attaquer à la source du mal en encouragea­nt les opérateurs invisibles à intégrer le secteur formel par le biais de mesures souples et exhorter d’autre part au rapatrieme­nt des capitaux. De ce fait, l’adoption d’un régime préférenti­el de fiscalité au profit des commerçant­s, l’impulsion du e-commerce et la limitation du recours à la liquidité lors des transactio­ns, sont autant de pistes à emprunter pour une gestion plus sérieuse des finances publiques à même de permettre de mettre en oeuvre les engagement­s pris, favoriser une reprise qui se renforcera et se diffusera pour rejaillir positiveme­nt sur une économie qui recommence­ra à créer des emplois et redémarrer les investisse­ments.

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