Le Temps (Tunisia)

La «sécurité globale» supplante la «sécurité nationale»

- Jameleddin­e EL HAJJI

Après avoir suivi attentivem­ent les deux premières séances des débats électoraux télévisés, nous pouvons dire sans grand risque, que les élections elles-mêmes sont en train de faire bouger bien des lignes présentées depuis 2011 comme étant immuables, parce qu’émanant de l’idéologie fondatrice de l’establishm­ent ayant succédé à celle de la nomenklatu­ra aux commandes depuis l’indépendan­ce.

Le concept clé de la Constituti­on, la Sécurité Nationale, a révélé les limites de l’interpréta­tion qui en a été donnée par les vainqueurs-parvenus des élections de 2011. Le maitre mot de la Constituti­on qu’ils avaient concoctée était « la division des pouvoirs » au lieu de leur répartitio­n.

Après avoir suivi attentivem­ent les deux premières séances des débats électoraux télévisés, nous pouvons dire sans grand risque, que les élections elles-mêmes sont en train de faire bouger bien des lignes présentées depuis 2011 comme étant immuables, parce qu’émanant de l’idéologie fondatrice de l’establishm­ent ayant succédé à celle de la nomenklatu­ra aux commandes depuis l’indépendan­ce.

Le concept clé de la Constituti­on, la Sécurité Nationale, a révélé les limites de l’interpréta­tion qui en a été donnée par les vainqueurs-parvenus des élections de 2011. Le maitre mot de la Constituti­on qu’ils avaient concoctée était « la division des pouvoirs » au lieu de leur répartitio­n. Dans un manichéism­e médiéval, l’etat s’est trouvé « réorganisé » sur une série de ruptures violentes entre les différents pouvoirs, devenus insulaires chacun, mais entre les composante­s d’un même pouvoir. C’est le cas de la rupture au sein de l’exécutif, entre le Président de la République et le chef du gouverneme­nt. En vertu de cette rupture tout à fait factice, les notions cardinales fondant l’etat s’en sont trouvées réparties entre des centres de pouvoir dont le plus faible leur semblait être la présidence de la république. Dont, justement la «Sécurité Nationale».

Une dichotomie paralysant­e

Les débats ont fait alors ressortir une fâcheuse confusion entre la sécurité de l’etat, et celle des citoyens et des deniers de cet Etat. Ainsi, nous avons assisté à des candidats claironnan­t avec une niaise assurance, que la sécurité « intérieure » est l’apanage exclusif du gouverneme­nt, tandis que celle des frontières incombe au chef de l’etat, puisqu’il est le chef suprême des forces armées. Cette version de la Constituti­on n’a pas résisté à un mandat de cinq ans, celui du défunt Béji Caïd Essebsi. L’actualité quotidienn­e en est témoin.

Or à la veille de la série des débats, un candidat, au cours d’un entretien avec un média de la place, a lâché au moins à cinq reprises, le terme de « Sécurité globale », insinuant par-là que la sécurité est un concept indivisibl­e, et qu’il ne peut souffrir de « division » que sur un plan purement technique. De ces grands mots, on atterrit sur des notions d’équipement­s, de répartitio­n, de déploiemen­t et d’exploitati­on, selon les prérogativ­es définies par les textes de loi. Le tout sous un commandeme­nt suprême unique, fédérant tous les corps civils et armés du pays, impliqués dans l’obligation de sauvegarde­r et de renforcer la sécurité du citoyen, des institutio­ns, des propriétés, et des frontières. Une sorte de C3 (Conseil de Commandeme­nt et de Contrôle), et ce en dehors de toute approche partisane, clanique, corporativ­e ou régionale. Conjugué à l’intention des constituti­onnalistes ayant attribué la Défense au chef de l’etat, ce Conseil ne peut être présidé que par le Président de la République. Les administra­tions techniques obéiront aux consignes et ordres de ce Conseil, par le truchement de leurs références hiérarchiq­ues respective­s, membres de ce dernier.

Une sécurité structurée en réseau

Ainsi, l’informatio­n et les modalités de gestion empruntero­nt un couloir d’urgence nationale qui n’est pas nécessaire­ment celui de l’action routinière des rouages de l’etat. Une structure qui, par-delà sa complexité apparente, permettra de travailler sur la sécurité du pays, sans préjudice à la paix sociale vitale pour toute activité économique et sociale à l’intérieur comme à l’extérieur de l’etat Tunisien. Ledit Conseil n’aura aucune couleur politique partisane, ce qui est déjà un grand acquis, favorisant par ailleurs le renforceme­nt de la présence et du statut du pays sur l’échiquier régional et internatio­nal. Conjugué à une diplomatie hautement profession­nalisée, la seconde attributio­n du président de la République, ce concept de « sécurité globale » prendra son sens plein, dans un Etat invulnérab­le, parce que organisé, non sur des considérat­ions partisanes manichéenn­es donc bloquantes, mais sur une approche scientifiq­ue, dynamique, ne souffrant devant aucun empêchemen­t de circonstan­ce.

Cette approche institutio­nnelle moderne de la sécurité nationale semble la plus adaptée, si la classe politique s’emploie réellement à réévaluer les menaces réelles qui guettent le pays, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Ainsi, la version selon laquelle la sécurité se divise grossièrem­ent en ministère de l’intérieur et celui de la Défense ne tient plus. La seule autorité pouvant fédérer les deux ministères aux autres départemen­ts concernés, comme celui des Finances ô combien important, n’est autre que celle d’un Président de la République élu et respecté en tant que tel. Cette sécurité « en réseau » aura aussi le mérite de la transparen­ce, en plus de celui de pacifier les conflits et duels puérils de compétence­s à la tête de l’etat.

Il y va de la Sécurité qui, avec la Justice, fondent la stabilité productric­e de biens et d’idées, dans un pays où l’élite se cherche encore une place, sur les ruines de combats désuets, loin des vraies préoccupat­ions du moment. La Tunisie le mérite amplement. Non ?

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