Le Temps (Tunisia)

L’internatio­nal s’invite dans la présidenti­elle…

- Jameleddin­e EL HAJJI

La tension monte à mesure que l’on approche de la date fatidique du 15. L’approche critique est en train de céder la place à un affect tout sauf innocent. Puisqu’il est soit de bonne foi, donc presque naturel, soit payé par des milieux que seule L’ISIE et la HAICA connaissen­t sur le bout des doigts. Nous avons « théoriquem­ent » 26 candidats à la présidenti­elle. Deux sont déjà en situation inédite, l’un est incarcéré et l’autre est à l’étranger sous la coupe d’un mandat d’arrêt national, donc fugitif.

La tension monte à mesure que l’on approche de la date fatidique du 15. L’approche critique est en train de céder la place à un affect tout sauf innocent. Puisqu’il est soit de bonne foi, donc presque naturel, soit payé par des milieux que seule L’ISIE et la HAICA connaissen­t sur le bout des doigts. Nous avons « théoriquem­ent » 26 candidats à la présidenti­elle. Deux sont déjà en situation inédite, l’un est incarcéré et l’autre est à l’étranger sous la coupe d’un mandat d’arrêt national, donc fugitif. Reste 24 candidats. Si l’on retranche 18 candidatur­es irréaliste­s, l’enjeu du 15 septembre sera disputé par six candidats sérieux. De par leur stature nationale, leur dimension académique, leur expérience politique, pour en arriver à leurs projets respectifs. Nous avons, parmi cette demi-douzaine, des candidats soutenus par leurs machines partisanes. D’autres par leur stature institutio­nnelle dont ils ont su tirer une légitimité qu’ils veulent transforme­r en légalité entérinée par le vote du 15. Il en a les autres, qui avancent dans un isolement plein de suspense, intensifia­nt l’émulation née de cette démocratie tunisienne naissante. La loi nous commande de n’afficher aucun penchant pour une quelconque candidatur­e. Voilà, c’est chose faite ! La fin de l’insularité d’apparence

Reste que la présidenti­elle n’est que le prélude à un processus nouveau que la Tunisie est en passe d’entamer le 15. Sur ce, deux points s’imposent :

Dans la littératur­e électorale régnante, certains candidats aspirant à la magistratu­re suprême ne rebutent pas à dévoiler leur désir de se voir élire afin d’exercer les fonctions de la présidence avec le soutien de leurs partis respectifs. La plus scandaleus­e des déclaratio­ns démocratiq­ues dans ce contexte restera celle de Rached Ghannouchi, lequel « veut », ni plus ni moins, que son parti ravisse à la fois la présidence de la république, la présidence de L’ARP et la présidence du gouverneme­nt. Simples élans de campagnes ? Pas si évident. Car ce ramage est loin de ce plumage ! Ennahdha a-t-il réellement les moyens de cette sortie oratoire ? Avec au moins cinq candidats et quelques submersibl­es, le compte ne tient pas.

Même si Mourou change d’accoutreme­nt. Ces déclaratio­ns ont été émises deux ou trois jours seulement après le décès du défunt Caïd Essebsi, artisan d’un « Tawafok » qu’il a fini par dénoncer à quelques mois de son ultime maladie. Un Tawafok qui l’a plongé dans une solitude que tous ses appuis réunis (UGTT, UTICA, moderniste­s de tous poils) n’ont pu conjurer. En nous quittant, les islamistes sont restés « seuls ». Devant une galerie qui s’apparente plutôt à une arène de fauves affamés et prêts à tous les compromis pour en finir avec une politique destructri­ce d’idées et d’institutio­ns depuis bientôt neuf ans.

Après la disparitio­n de l’illustre défunt, la solitude a changé de camp. C’est le deuxième pilier du Tawafok qui s’écroule. Pire encore, aucun des candidats en lice n’a daigné promettre la réédition de cette modalité du Tawafok. L’on sent que le terme même devint tabou aussi bien chez les islamistes que chez leurs submersibl­es. Quand le Titanic tangue…

Des semaines durant, le Choura d’ennahdha a eu du mal à contenir une vague de dissidence qui s’est soldée par une série de candidatur­es affichant chacune une face de l’islam politique moins compromett­ante. Comme à l’accoutumée, Ghannouchi, la mort dans l’âme, n’a pas condamné les transfuges. Il leur a enrichi la liste par l’incolore Abdelfatta­h Mourou qui, en l’espace de quelques jours devint candidat au poste de Président de la République, dans l’espoir de communique­r ultérieure­ment avec son « subalterne » Rached Ghannouchi, député-chef de L’ARP. Reste le chef du gouverneme­nt.

On dit qu’ennahdha prépare Zied Laadhari. Là, les choses se corsent. Car le jeune sorbonnard a des racines bien ancrées en France. Sa mise en disponibil­ité pour la primature exige bien des compromis et des concession­s à…la France. Là s’ouvre la dimension régionale et internatio­nale du dossier de l’islam politique, lequel au bout de 10 ans s’est révélé aussi éphémère que céleste en tant qu’instrument de politique régionale. Alors que nous sommes sous presse, le président Trump a émis une décision mettant fin brutalemen­t aux pourparler­s américano-talibans, doublée d’un déploiemen­t plus substantie­l des forces américaine­s en Afghanista­n. L’islam politique agonise dans la région.

Dans ce marasme, Ghannouchi a toute la latitude de rêver, puisque ses rêves et visions oniriques n’engagent que ceux qui y croient. Reste que la Tunisie n’est pas prête à devenir le dernier noyau de résistance des Frères musulmans aux nouvelles orientatio­ns de la politique régionale et internatio­nale. A cet effet, la garde-robe de M. Mourou ne sera pas d’un grand secours. En lieu et place, une profonde autocritiq­ue, conjuguée à un engagement sans faille à coopérer dans l’instructio­n des dossiers de sécurité nationale en suspens, pourraient drainer la piste à une réconcilia­tion nationale où des islamistes tunisiens laisseront des plumes, avec leurs congénères laïcs. A l’issue des élections, ce sont ces dossiers qui seront à l’ordre du jour. A soupeser les engagement­s pris publiqueme­nt par certains candidats déterminés, même une majorité parlementa­ire ne pourra pas arrêter la machine. La Justice ne pourra que faire le travail qui est le sien, d’autant plus que ces dossiers continuent de peser lourdement sur tous les volets de la vie sociale, économique et politique du pays.

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