Le Temps (Tunisia)

Une toge trapue, imprégnée des larmes de l’encens

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Soudain, une fulgurance. Devins et démons voltigerai­ent-ils sous forme d’oiseaux? Et la momie? Et la réincarnat­ion? Et le karma? Et le ba? Suis-je en train de rejoindre mon propre corps dans la nécropole? Je me souviens subitement du Phénix, des plumes de ses ailes, de sa taille, de sa capacité à se recréer lui-même. Ces pigeons devant la porte sacrée fondent sur moi comme les oiseaux de Hitchcock et m’arrachent ma tunique liturgique. Car moi aussi, je porte la toge trapue, imprégnée des larmes de l’encens.

J’avance à pas feutrés. Comme dans une bulle, dans l’air léger. Le nid est face à moi et sa cime oscillante. L’impression de flotter s’accentue et le regard cherche des lignes de fuite. Ensevelis dans le sanctuaire, les signes de l’orbe solaire.

Tout à coup des lapins surgissent. Ils prolifèren­t silencieux comme le White Rabbit qui ouvrit les yeux d’alice. Etaient-ils cachés dans d’invisibles roseaux ou bien ont-ils jailli du chapeau du démiurge qui a créé les êtres et les choses par le verbe? Les dieux chthoniens m’entourent et la terre se soulève comme une bulle qui pense les choses en son coeur et les énonce de sa bouche. Les litanies du savon psalmodien­t toutes les gestations, avalent chaque soir des milliers de bulles pour les remettre au monde au matin. Palimpsest­e héliaque, encensemen­t et libations. L’équinoxe d’automne ne saurait plus tarder.

Quelques pas encore. L’occulte se love en moi. Les signes sont en panique, abondants, comme dans une chapelle ointe d’onguents de sens. Je m’accroche à cette profusion inondée de musique. Les notes dessinent de fragiles tabernacle­s voilés par des bulles. Quelques pas de plus. Je descends vers les profondeur­s d’où sourd un son premier, lancinant, sans hymnes ni chant.

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