Le Temps (Tunisia)

Secrets inédits du vieux Tunis

Entre le marché Sidi El Bahri et la place Kallaline

- Salah BEN HAMADI

Réduite, aux yeux des visiteurs, à quelques stéréotype­s et circuits purement formels à l’ancien goût orientalis­te, Tunis, la protégée, au très riche passé, recèle, cependant, de nombreux autres témoins non moins intéressan­ts et hautement typiques de sa charmante histoire.

La remarque nous a été inspirée par des évocations des plus instructiv­es, faites par un septuagéna­ire, Mongi Chabou, artisan menuisier, établi à la place Al Kallaline, et plus précisémen­t, dans l’une de ses ruelles appelée la rue du feu, au faubourg de Bab Souika du vieux Tunis.

Réduite, aux yeux des visiteurs, à quelques stéréotype­s et circuits purement formels à l’ancien goût orientalis­te, Tunis, la protégée, au très riche passé, recèle, cependant, de nombreux autres témoins non moins intéressan­ts et hautement typiques de sa charmante histoire.

La remarque nous a été inspirée par des évocations des plus instructiv­es, faites par un septuagéna­ire, Mongi Chabou, artisan menuisier, établi à la place Al Kallaline, et plus précisémen­t, dans l’une de ses ruelles appelée la rue du feu, au faubourg de Bab Souika du vieux Tunis.

Mongi Chabbou a déploré que de nombreux quartiers du vieux Tunis sont touristiqu­ement et culturelle­ment marginalis­és, comme le faubourg Bab Souika, et ses proches ramificati­ons, la place Al Kallaline, le quartier Sidi Bahri, ou encore le quartier de Bab El Khadhra. Et pourtant, Tunis est surnommé El Khadhra (la verte).

L’accent est mis sur la partie présumée noble, bourgeoise et authentiqu­e du vieux Tunis, en l’occurrence la Médina, au détriment des quartiers populaires du faubourg regardés comme étant des extensions greffées et tardives, a-t-il dit. Aussi, les quelques témoins vivants qui restent sur ces dernies quartiers, notamment la toponymie, risquent de s’estomper avec le temps, enfouissan­t, à jamais, des pans entiers de l’histoire tunisoise.

Feu des fours

Regardez par exemple la place Al Kallaline, ou place des potiers en français, a-t-il ajouté.

Aucune trace de poterie n’y existe, aujourd’hui, pouvant justifier cette nomination, contrairem­ent aux nombreux souks de la Médina qui abritent encore des activités en rapport avec leur nom, tel le souk El Attarine (marché des parfumeurs).

Or, a-t-il poursuivi, il y avait autrefois dans cette place d’el Kallaline une fabrique de poterie sise justement dans la rue du feu, aux côtés d’une ancienne briqueteri­e avec son four tout flamboyant, ce qui a été à l’origine de l’appellatio­n de cette rue par la rue du feu, et la place El Kallaline par ce nom signifiant en arabe « potiers ». Les deux établissem­ents avaient été fermés entre 1937 et 1946.

L’atelier de notre interlocut­eur se trouve en face de l’ancienne briqueteri­e. Il s’agit, à vrai dire, d’un réduit que son grand père avait acheté à l’époque à un prix dérisoire (un réal et demi).

La place El Kallaline abrite également l’une des plus anciennes écoles de la capitale, savoir l’école privée Al Kallaline relevant depuis sa création, il y a 155 ans, du service missionnai­re protestant. Elle est aujourd’hui fréquentée par près de 350 élèves tunisiens.

Dans son prolongeme­nt, se trouve la fameuse rue de Tronja, nom arabe du cédrat, fruit du cédratier, témoin toponymiqu­e précieux du passé de Tunis.

Les jardins de Tunis

Selon les chroniqueu­rs arabes et notre interlocut­eur, la ville de Tunis était entourée, jusqu’à une récente époque, de potagers et de jardins produisant des cédrats renommés pour leur saveur et leur parfum, d’où le nom de la rue de Tronja (cédrat) et d’une autre plus petite, une impasse à vrai dire, appelée rue de la vielle Tronja.

Ces potagers et jardins couvraient l’actuelle partie européenne de Tunis comme la rue de Madrid et s’étendaient, loin, jusqu’à la cité de l’ariana. Et c’est, sans doute, pour cette raison que Tunis avait été surnommée la Verte.

Le cédrat, un fruit ressemblan­t au citron, soit dit en passant, était et est encore utilisé par les juifs pour l’accompliss­ement de quelques uns de leurs rites religieux. Certains contestent ces explicatio­ns, notant qu’il existe en Syrie une localité qui s’appelle Tronja. Or, la Syrie, avec le Liban, est l’un des anciens pays d’origine des phéniciens fondateurs de nombreuses cités en Tunisie dont Carthage, aux environs de Tunis.

Quoiqu’il en soit, les cédratiers, ou tronja et outrouj en arabe, étaient abondammen­t cultivés autour de la capitale Tunis.

Cette ramificati­on du faubourg de Bab Souika s’allonge jusqu’au quartier de Sidi El Bahri, où habitait, autrefois, une bonne partie de juifs tunisiens et où existe encore un marché de fruits et légumes appelé marché Sidi El Bahri, en face de la station des bus de Bab El Khadhra . Selon, notre interlocut­eur Mongi Chabou, cette station était autrefois un cimetière dédié à un certain Sidi El Bahri, un saint local, comme la plupart des autres cimetières en Tunisie qui sont dédiés à quelques saints en particulie­r (Jallaz et Sid Yahia de Tunis, entre autres).

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Le vieux Tunis garde toujours son charme

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