Le Temps (Tunisia)

Un orage électoral

- Par Chokri BEN NESSIR

En Tunisie, la vie est comme un arc-en-ciel : il faut de la politique, de la pluie et du soleil pour en voir de toutes les couleurs. Car, quand on tombe dans l’eau, la pluie ne fait plus peur. C’est que l’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l’équation difficile avec laquelle devront jongler les nouveaux élus qui sortiront vainqueurs des prochaines élections.

C’est qu’encore une fois, la pluie vient de démontrer que notre infrastruc­ture est en situation de vulnérabil­ité inédite qui n’est pas prise au sérieux par les différente­s parties prenantes (collectivi­tés, ministère de l’equipement, maîtres d’ouvrage, maîtres d’oeuvre, entreprise­s de génie civil, bureaux de contrôle…). En effet, ce genre de désastre, que les citoyens ont vécu, risque de devenir plus fréquent si on retient que 70% des catastroph­es naturelles dans le monde sont liées au dérèglemen­t climatique, soit deux fois plus qu’il y a vingt ans. Ces chiffres nous ramènent également à ce constat cruel : ce sont les pays les plus pauvres qui sont touchés par les cyclones et les désordres climatique­s. Ne parlons pas du tunnel de Bab Souika, des ruelles de la médina, du centre-ville. A force de revivre les mêmes situations dès qu’il pleut des cordes, on sait qu’il faut éviter de circuler dans ces lieux jusqu’à une belle éclaircie.

Mais ce qui nous reste en travers de la gorge, c’est que les nouveaux ouvrages, dont on annonce la réalisatio­n tambour battant, ne sont pas en mesure d’absorber ou d’évacuer l’eau des pluies abondantes. Au contraire, ce sont parfois ces ouvrages d’art, qui piègent les eaux et forment un obstacle à son écoulement naturel et qui sont à l’origine des soucis rencontrés par les habitants d’un quartier ou d’une cité qui, de son histoire, ne connaissai­t pas une accumulati­on d’eau pluviale. On sait que, les phénomènes extrêmes sont l’une des causes du dérèglemen­t climatique et l’imperméabi­lisation des sols – et donc l’urbanisati­on – est une des causes des inondation­s. Il n’empêche la constructi­on des routes et des ouvrages doit composer avec les éléments naturels et prendre en compte les variations météorolog­iques où le secteur du génie civil est censé s’acclimater à cette nouvelle donne.

Et même si l’étude du risque climatique et du risque géologique, semble avoir été reléguée aux oubliettes lors de la réalisatio­n de la majorité de nos routes et ouvrages, le devoir d’entretenir, d’adapter et de corriger, s’impose avec persistanc­e. On ne pointera pas du doigt la mauvaise gestion au niveau des grands projets d’infrastruc­ture, des routes et d’urbanisme. La nature s’en charge et est capable de démontrer par ses diverses manifestat­ions à quel point la pieuvre de la corruption a étendu ses tentacules. Mais faut-il pour autant croiser les bras en attendant de juger les responsabl­es ? En effet, tant que des programmes de correction­s et d’ajustement­s ne sont pas élaborés et budgétisés, nous serons de plus en plus exposés à des cas d’érosion des sols, de glissement de terrain, d’effondreme­nt de cavités souterrain­es ou d’inondation. Il s’agit donc de mettre au point un plan d’action commun en ce qui concerne les risques et les parades face aux eaux pluviales et aux autres aléas. En effet, les solutions existent tels que les ouvrages de régulation, les canaux de dérivation ou les chaussées réservoirs. Car à défaut d’éliminer les menaces, il convient de gérer au mieux notre infrastruc­ture. Des ouvrages de protection permettron­t non seulement de prévenir des dommages matériels mais aussi de réduire les répercussi­ons potentiell­es de ces catastroph­es sur les citoyens et les collectivi­tés. En attendant, le rire et la dérision ont été l’outil de prédilecti­on des tunisiens sur les réseaux sociaux, comme les essuie-glaces qui permettent d’avancer même s’ils n’arrêtent pas la pluie et tous les maux qui arrivent avec.

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