«La route est droite, mais la pente est forte. Nous devons la remonter»
témoigne Chawki Tabib, président de L’INLUCC
La lutte contre la corruption qu’on peut qualifier volontiers de « Mère des batailles ». Un sujet d’acuité brûlante, dont les candidats aux élections présidentielles l’enfourchent et le mettent en exergue. Dans ce contexte, vu la sensibilité et l’importance de ce sujet, une conférence-débat s’est tenue, hier, conjointement par L’INLUCC et la CONECT, en présence de l’ancien ministre de l’économie et des finances français, Michel Sapin et plusieurs autres acteurs du monde de la politique et de l’économie. L’objectif est de partager l’expérience de promulgation et le bilan de la Loi Sapin 2, trois années après et d’échanger sur les dispositifs de renforcement du cadre juridique et institutionnel de lutte contre la corruption selon les standards internationaux ainsi qu’encourager la participation citoyenne et celle du secteur privé.
Ouvrant la conférence, Chawki Tabib, président de L’INLUCC, a rappelé l’arsenal juridique relatif à la lutte contre la corruption, mis en place en Tunisie. Toutefois, il a insisté que du chemin reste encore à faire en matière de lobbying et d’implication du secteur privé dans la lutte contre la corruption.
« En Tunisie, les textes d’application tardent parce qu’il n’y a pas de volonté politique. La volonté politique ferme est absente. L’arsenal juridique doit être complété par les textes d’application nécessaires », a-t-il rappelé.
Il a indiqué que L’INLUCC a entamé l’application des lois en question, confrontée parfois aux réticences de l’administration et de certains lobbies. Et de poursuivre : « La route est droite, mais la pente est forte. Toutefois, nous devons la remonter ».
Nos lois sont toujours imposées, passées dans l’urgence, sans cohérence avec la réalité
D’autre part, Farhat Toumi, avocat et membre du conseil de L’INLUCC, a vivement critiqué l’approche de traiter les choses en Tunisie : « Nos lois nous sont toujours imposées, passées dans l’urgence, sans aucune cohérence ni aucun rapport avec la réalité.
J’aurais souhaité avoir, en Tunisie, une législation transversale, avec des principes unifiés. On doit adopter de nouvelles méthodes et rompre avec la logique d’experts importés que nous payons à l’heure pour nous copier des textes qui ne sont pas compatibles avec notre réalité. Le chantier doit être résolu avec un autre logique ». L’ancien ministre de l’économie et des finances français, Michel Sapin a souligné que « lutter pour la probité publique, c’est lutter pour la compétitivité des entreprises ».
Il cite en exemple l’expérience française en matière de renforcement du cadre juridique de la transparence, la lutte contre la corruption et de modernisation de la vie économique, à travers la loi Sapin 2.
Il est à souligner que la loi sapin 2, relative à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique a été promulguée le 9 décembre 2016, ayant pour ambition la législation française aux meilleurs standards internationaux et européens en matière de lutte contre la corruption et succédait à la première loi anticorruption (loi Sapin 1) adoptée depuis 1993. Sa promulgation a été considérée à l’époque comme une étape décisive en matière d’éthique et de probité, notamment dans la vie économique. Cette loi a créé l’agence française anti-corruption, renforcé la protection des lanceurs d’alerte.
Selon Sapin, la lutte contre la corruption est une bataille continue. Et d’ajouter : « C’est une double défiance à combattre et une double confiance à rétablir.
Une confiance dans les institutions et les autorités publiques et une confiance économique.
Lutter pour la probité publique, c’est lutter pour la compétitivité des entreprises car il n’y a rien de plus désastreux pour une entreprise sur son territoire que l’absence de probité publique ».
L’ancien ministre français a fait savoir qu’il a fallu 22 ans après la 1ère loi Sapin, qui est d’un aspect domestique, pour avoir la 2ème loi Sapin ». Il a expliqué qu’il faut du temps pour arriver à perfectionner les dispositifs législatifs de manière très efficace.
« La corruption est un phénomène très profond. Plus c’est profond, plus la volonté politique de la combattre est nécessaire. C’est un processus qui doit s’inscrire dans la durée », a-t-il précisé.
«En Tunisie, la volonté politique franche est absente. L’arsenal juridique doit être complété par les textes d’application nécessaires ».
« La corruption est un phénomène très profond. Plus c’est profond, plus la volonté politique de la combattre est nécessaire ».
« Lutter pour la probité publique, c’est lutter pour la compétitivité des entreprises »